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Dr. Sarkozy et Mr. Attali
Lors de la remise du rapport Attali, le président de la République a volé au secours de la profession en exprimant son attachement au monopole. Mais l’officine reste potentiellement exposée sur d’autres points sensibles comme l’ouverture du capital ou le numerus clausus. Analyse.
La commission a lutté contre tout conservatisme, tout privilège, toute rente […]. C’est un rapport pratique. […] Si on [n’en] prend [qu’]une partie, ça ne marchera pas. » Le 24 janvier au Sénat, Jacques Attali a défendu son rapport bec et ongles, indiquant qu’un séminaire gouvernemental sera mis en place début février pour les prises de décisions. Attendons…
Mais Nicolas Sarkozy a d’ores et déjà exprimé son désaccord sur la remise en cause du monopole : « Le sujet des pharmaciens est beaucoup plus difficile. Ils ont une mission de service public et on ne peut tout réduire à la seule question des tarifs. » Le président de l’Ordre, Jean Parrot, dans un courrier adressé à tous les pharmaciens, a « enregistré avec satisfaction le jugement de Nicolas Sarkozy […]. les informations que notre ministre et nous-mêmes avions transmises à l’Elysée ont certainement contribué à la prise de position rapide du Président ». Sans compter l’engagement écrit que les Pharmaciens en colère avaient obtenu du candidat Sarkozy sur le monopole. Cette volonté présidentielle fait d’ailleurs dire à Jacques Attali qu’« un des lobbies a très bien travaillé ». Yves Bur, député UMP et président du groupe d’études « Médicament et produits de santé » à l’Assemblée nationale, se montre plus modéré, tout en soulignant « le poids des corporatismes » : « Le Président a bien compris l’importance de la sécurité sur ce dossier du médicament, même s’il faudrait peut-être renforcer la concurrence sur le non-remboursable. »
Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO, se dit soulagé. Mais « il ne faut pas baisser la garde », analyse Philippe Gaertner, président de la FSPF. Claude Japhet, président de l’UNPF, relève simplement « un signal fort qui signifie « Posez-vous un certain nombre de questions. Il va vraiment falloir que l’on se bouge » ».
-Le numerus clausus
Le rapport propose de « lever le numerus clausus ». Le Président a évoqué l’aménagement du territoire, mais à travers le maintien du monopole, se gardant d’évoquer le quorum. Un membre de la commission, qui souhaite garder l’anonymat, souligne fermement que « le numerus clausus restreint l’offre et freine le développement de l’emploi ». « Faux, rétorque Philippe Gaertner. Au cours des dix dernières années, 20 000 emplois ont été créés en officine. Avec 2,5 % de chômage ! »
« Les pharmaciens ont raison de souligner que le quorum permet de conserver de nombreux emplois, mais ceci n’est vrai qu’à court terme, commente Gérard Viens, titulaire de la chaire Economie de la santé de l’ESSEC. Sur l’utilité d’une éventuelle levée du numerus clausus, je suis pour par principe car je ne crois pas aux vertus de la limitation d’exercice. Avec la désertification médicale, les officines se rapprocheront des maisons médicales et des villes moyennes. » « Libéraliser l’installation des pharmacies peut être une fausse bonne idée, se méfie Yves Bur. Cela générera plus d’officines sur un secteur, fragilisera les entreprises, puis une concentration aboutira au même nombre de pharmacies qu’auparavant. Je n’en vois guère la finalité car, avec le poids du vigneté, cela ne jouerait pas sur le marché. »
-Le monopole
Monopole des pharmacies ou monopole des pharmaciens ? Le même membre de la commission insiste sur l’importance de la présence d’un pharmacien, qui n’est absolument pas remise en cause, en officine comme ailleurs… Sans se formaliser de la prise de position présidentielle, il précise : « Il faudra remettre à plat la liste des produits qui doivent sortir du monopole. Les médicaments sans ordonnance constituent une zone grise. Il faut « rerépartir » les produits qui pourraient être vendus moins cher dans la grande distribution. » « Attali a tout faux quand il considère que le pharmacien est un commerçant », lancent en choeur l’Ordre et les trois leaders syndicaux. « Notre ministre de tutelle s’est engagée dans une ouverture plus large des produits et de leur accès avec le maintien du monopole. Pas le monopole de certains médicaments, non, le monopole de tous les médicaments ! », tranche Claude Japhet.
-L’ouverture du capital
« Les pharmaciens pourraient plus utilement se développer en acceptant que le capital de leurs officines soit détenu par un tiers », explique Jacques Attali. Des propos qui alertent Claude Japhet : « Ne faut-il pas commencer à réfléchir à une meilleure organisation capitalistique de nos structures, à condition qu’elles restent entre les mains des pharmaciens ? » Il s’agit sans doute du point le plus débattu et le plus difficilement défendable. « L’ouverture du capital, on l’a vu dans d’autres secteurs comme les cliniques, permet des investissements, même si cela ne nous garantit pas une baisse des coûts de la distribution du médicament », observe Yves Bur.
« L’ouverture du capital, c’est le gage d’un nouveau dynamisme, explique Gérard Viens. Je ne pense pas que le fait d’être propriétaire de son officine soit un facteur d’indépendance du pharmacien. L’officine devrait être l’espace santé par excellence. Or, je ne suis pas sûr que la profession soit capable de générer les capitaux nécessaires à cela. »
-Les prix
Le rapport préconise l’abrogation des lois Galland et Royer-Raffarin. Objectif sous-jacent ? Un effort demandé sur les prix dans tous les secteurs d’activités. « Oui, l’entreprise officinale doit faire des efforts sur les prix, sans altérer ses services. Cela fera taire les détracteurs, expose Philippe Gaertner. Il faut aussi que le tunnel des prix soit resserré. » « Nous avons négocié la fin des marges arrière, fait des économies avec les génériques, mais on est prêt à aller encore plus loin », propose Gilles Bonnefond. « Modérer les prix est une obligation, faute de quoi nous perdrons la bataille au profit de la grande distribution qui n’attend que ça », estime Claude Japhet.
« Que la profession prenne bonne note des attentes des pouvoirs publics, prévient effectivement Yves Bur. Le libre accès à l’OTC est une possibilité d’y répondre. » Pour Gérard Viens, l’officine jouera gros sur sa capacité ou non à peser sur les prix du non-remboursable mais aussi de la parapharmacie.
-Réduction des dépenses publiques
Le rapport préconise enfin une réduction annuelle de un point des dépenses publiques d’ici 2013, évoquant « une franchise plafonnée proportionnée aux revenus », un « effort significatif de productivité tant pour l’hôpital, la médecine de ville que le médicament ».
« Globalement, la Commission Attali considère-t-elle que la distribution du médicament coûte trop cher ?, se demande Yves Bur. Là, il faut aussi s’interroger sur les prix exorbitants des pharmacies qui conduisent à s’endetter lourdement. Du coup, il commence à y avoir des dépôts de bilan : c’est un rappel à l’ordre et une forme de régulation… » Pour le député du Bas-Rhin, qui calcule que le coût de la santé augmente mécaniquement de 2 milliards par an, soit l’équivalent de 0,2 point de CSG, la question à se poser est : le finance-t-on toujours par les cotisations, est-ce supportable ? Ou en bascule-t-on une partie sur l’assurance individuelle ? « Dans les deux cas, cela grèvera le pouvoir d’achat des Français. » Le rapport Attali n’est qu’un début…
Quatre mesures intéressant les TPE
1. Une agence pour faciliter les démarches administratives : interlocuteur unique des TPE pour les impôts, l’URSSAF et l’inspection du travail, elle assistera les petites sociétés dans leurs démarches et engagerait l’administration.
2. Supprimer 3 points de cotisations sociales : cette mesure serait contrebalancée par le relèvement de la CSG de 0,6 point et du taux de la TVA d’1,2 point. L’effet attendu ? « Une augmentation du salaire net, avec un effet positif sur le pouvoir d’achat, et une diminution du salaire brut, avec un effet positif sur l’emploi. »
3. Poursuivre une activité salariée après 65 ans tout en percevant sa retraite : le rapport suggère la mise en place d’horaires aménagés et de temps partiels.
4. Assouplir la rupture du contrat de travail et déroger à la durée légale du travail. L’idée : élargir les motifs du licenciement économique, en y ajoutant la « réorganisation de l’entreprise » et « l’amélioration de la compétitivité ». Le rapport propose d’augmenter les indemnités chômage tout en les plafonnant. Et Jacques Attali souhaite que toutes les entreprises puissent déroger à la durée légale du travail, sous condition d’un accord de branche.
Professions réglementées : les autres objectifs
En dehors des quatre préconisations concernant de façon prédominante la pharmacie, d’autres ne sont pas anodines.
u Transposer et mettre en oeuvre sans délai la directive « services » pour les professions relevant de son champ. Tant que la directive santé n’est pas élaborée, la menace existe…
u Abroger toute réglementation concernant toute activité où l’intérêt des consommateurs ne le justifie plus.
u Ouvrir les ordres professionnels à la société civile.
u Valider les acquis de l’expérience pour élargir l’accès à certaines professions.
uAdapter les réformes nécessaires aux spécificités des professions financées principalement par la Sécurité sociale et des professions délégataires d’une mission de service public.
u Autoriser le recours à la publicité aux professions réglementées.
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