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Des propositions bien sous tout rapport

Publié le 17 octobre 2009
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Le rapport Rioli, auquel ont travaillé toutes les instances professionnelles, campe les pistes d’évolution de l’officine en 28 propositions. Intitulé « Le pharmacien d’officine dans le parcours de soins », il a été diffusé en début de semaine, bien avant sa remise officielle prévue pour novembre. Roselyne Bachelot entend s’en servir pour réformer l’officine.

En janvier dernier, Roselyne Bachelot faisait comprendre aux représentants de la profession qu’ils avaient intérêt à se mettre autour d’une table pour faire des propositions concrètes sur la future loi HPST. Cet avertissement a débouché sur un groupe de travail réunissant l’ensemble de la profession (voir ci-dessous) sous l’égide de Michel Rioli, conseiller en économie stratégie et développement des entreprises (voir interview p. 14). « J’étudierai le rapport Rioli avec la plus grande attention et je demanderai à mes services d’en tenir compte dans la perspective des décrets d’application de la loi », a insisté Roselyne Bachelot lors des 2es Rencontres de l’USPO, le 13 octobre.

Le rapport Rioli est scindé en deux projets (professionnel et économique) de 14 propositions chacun. En cette période difficile, c’est le second qui retient en premier lieu l’attention, avec ce postulat que les pharmaciens ne remettront pas en cause : « Les acteurs décisionnaires à la réalisation de ce projet devront garder à l’esprit que la situation économique de l’officine doit être au préalable stabilisée à un niveau acceptable pour que la profession soit en mesure d’investir en moyens techniques et humains et améliorer ainsi la prise en charge du patient. » Aujourd’hui, « 33 % des officines sont en situation de survie à cause de leur endettement et de leur trésorerie négative », note le rapporteur.

Un rapport sur fond de rémunération mixte

Le rapport propose une structuration de l’ensemble des futurs activités et services pharmaceutiques, avec un triple niveau de services à l’anglaise : « fondamentaux », « avancés » et « optionnels ». On retrouve là les propositions mises en avant par la FSPF en son nom propre cet été (voir Le Moniteur n° 2796). Petit problème de copyright ? Le groupe de travail Rioli planche sur ces propositions depuis des mois…

Les services fondamentaux englobent la dispensation (remboursables et non-remboursables). Pour les nouvelles missions, la rémunération doit se présenter sous forme d’honoraires, indépendants du coût industriel du médicament et des volumes consommés. Pour le remboursable, « la rémunération mixte sera le fondement de la nouvelle économie de l’officine ». Sur le non-remboursable, une charte devrait voir le jour, opposable à l’ensemble des complémentaires. Des paniers de soins de non-remboursables pourraient être pris en charge par les complémentaires via un des honoraires conseil associés à la dispensation.

Les services avancés, ce sont les soins de premiers recours et la gestion du premier risque pathologique. Exemples types, l’entretien pharmaceutique annuel à 22 euros de la MTRL ou les honoraires conseil de 5 euros d’Allianz. « La médication officinale rationalisée […] permettra de faire l’économie de consultations médicales de confort, voire inutiles », note-t-on. Qu’il s’agisse de sevrage tabagique, de contrôle de la tension, de tests bactériologiques (valorisation de l’acte via les économies engendrées), de l’insuffisance rénale (valorisation du temps passé par un paiement à la capitation), d’éducation thérapeutique et d’accompagnement du patient (solvabilisation des actes via les économies liées à une efficacité accrue des traitements), ces services avancés pourraient être financés par les régimes obligatoire et/ou complémentaires.

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Les services optionnels (financés par les complémentaires ou directement par le patient avec une tarification des services séparée de la tarification des produits) pourront comprendre la préparation des doses à administrer (EHPAD), le portage à domicile, les conseils aux voyageurs, le suivi des trousses à pharmacie, la prescription de phytothérapie/aromathérapie, les conseils aux sportifs, aux jeunes mamans…

La séparation de tarification des services et des produits nécessiterait une nomenclature et une codification des actes (qu’il s’agisse d’une prise en charge par le régime obligatoire ou le régime complémentaire) en six grandes catégories : dispensation, prévention/éducation, suivi du patient, actes du pharmacien correspondant (coopération interprofessionnelle), actes techniques et administratifs, premiers secours.

Le rapport note que le réseau officinal doit être modernisé, avec deux voies possibles : entreprendre ou attendre. Et le rapporteur de remarquer qu’« entreprendre dans des périodes difficiles lorsque l’on est sur un marché qui se développe (en l’occurrence la santé) est une décision responsable ». Autrement dit, laisser faire serait irresponsable…

« Je suis sensible aux difficultés financières dans lesquelles certains d’entre vous se débattent », a assuré la ministre lors des Rencontres de l’USPO. On verra ! En guise de premier geste, elle a confirmé la mise en place d’un nouveau groupe de travail « pour faire un état des lieux administratif et fiscal sur les regroupements d’officines ». La profession en réclame un autre dans sa dernière proposition en préconisant une étude pour mesurer le gaspillage lié aux grands conditionnements…

Et voilà les « rendez-vous santé »

Les 14 propositions ont pour objectif de repositionner le rôle du pharmacien dans le parcours de soins. A la clé : l’économie de consultations médicales mais aussi d’hospitalisations. Pour ce faire, le préalable est de « distinguer la rémunération à la marge sur la délivrance de celle de sa prestation complémentaire aux honoraires de professionnel de santé ». Prévention, dépistage et information, le rapport préconise d’instaurer un « rendez-vous santé » à l’officine à destination des Français qui ne se sentent pas malades (évitant des retards au diagnostic et la survenue de pathologies lourdes coûteuses pour la CNAM) : tests de dépistage, conseils diététiques, suivi de vaccinations, prévention des cancers (détection des mélanomes, informations tabac…), conseil lié au stress (phyto, aromathérapie)… Concernant « la gestion du premier risque pathologique », il s’agirait d’instaurer des « entretiens pharmaceutiques » (avec réorientation éventuelle vers le médecin) : adaptation des AVK après INR, conseils pour personnes dénutries, tests bactériologiques, orthopédie… L’acte serait « accompagné d’une trace écrite répertoriée ». Le pharmacien coordonnateur instauré par loi pourra suivre les patients chroniques, renouveler des ordonnances, adapter des posologies en accord avec le médecin traitant « le cas échéant ». Ce suivi inclut l’éducation thérapeutique.

Dans le cadre de la coordination interprofessionnelle en ville, le pharmacien pourrait être le « professionnel pivot » désigné par le patient en accord avec le médecin traitant, comme cela est prévu dans plusieurs projets expérimentaux (voir Le Moniteur n° 2777). Le pharmacien (« prescripteur occasionnel pour certaines classes thérapeutiques lorsque le médecin régulateur le préconise ») s’engagerait dans une pharmacovigilance systématique (déclaration informatisée) et l’officine deviendrait un poste de premier secours (avec obligation de formation continue et multiplication des défibrillateurs).

Qu’il s’agisse de communication auprès du patient (réémergence de l’idée d’un portail Internet sécurisé « émanant de la chaîne pharmaceutique ») ou de télémédecine (pour communiquer à distance avec le médecin dans une zone désertifiée), la profession développerait les nouvelles technologies de l’informatique et de la communication. En vue de la réorganisation du réseau et de l’accès des jeunes à la propriété, les signataires réclament la création des SPF-PL (holdings de pharmacie) avec possibilité d’opter pour le régime d’intégration fiscale, ce qui serait impossible à ce jour en l’état des textes dans le cas de deux associés.

Finalement, on retrouve nombre de propositions exprimées par telle ou telle instance professionnelle depuis des mois. Mais cela va mieux en l’écrivant, surtout dans un document signé par l’ensemble de la profession qui s’est régulièrement illustrée ces dernières années par ses désaccords face aux pouvoirs publics parfois incrédules. « Dans la difficulté, il est fréquent que les événements fâcheux se suivent à cause d’une absence de prise de décision, d’un comportement trop attentiste par manque de clairvoyance », écrit le rapporteur. Le message est clair : il va falloir se bouger…

Accompagnement des chroniques : 150 Millions d’Euros pour voir

Le groupe de travail suggère que l’Etat remette dans le réseau les 150 MEuro(s) de manque à gagner de marge en 2009 par rapport à 2008 pour financer les expérimentations de suivi de patients chroniques. Moyennant quoi, au moment de la généralisation, la profession diminuerait légèrement la marge commerciale (forfait à la boîte) afin de compléter la solvabilisation des actes versés aux pharmaciens pour le suivi des patients.

Qui a signé ?

USPO, UNPF, APR, APLUS, Collectif des groupements, Union des groupements de pharmacies d’officines, Association nationale des étudiants en pharmacie de France, sections A, D et E de l’Ordre sont signataires. Pas la FSPF, pourtant dans le groupe de travail. On voit quand même mal comment la version qui sera remise à la ministre le 25 novembre prochain pourra ne pas comprendre sa signature.