Dérapage budgétaire : les industriels ne veulent pas compenser les erreurs de gestion de l’État

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Dérapage budgétaire : les industriels ne veulent pas compenser les erreurs de gestion de l’État

Publié le 20 novembre 2024
Par Christelle Pangrazzi
Dans un contexte de déficit public record, les industriels du médicament risquent de voir les taxes se multiplier. Ils dénoncent une manipulation des chiffres. Dur bras de fer en perspective entre les laboratoires et le gouvernement.

Les finances publiques, déjà fragilisées par un déficit de la Sécurité sociale de 18 milliards d’euros, continuent de se tendre. L’annonce d’un dérapage budgétaire de 1,2 milliard d’euros sur les dépenses de médicaments pour 2024 et 2025 a immédiatement suscité des réactions du côté des industriels du secteur pharmaceutique, déjà frappés par une fiscalité qu’ils jugent trop lourde. Dans ce contexte de pression, le gouvernement cherche à réduire la facture en s’attaquant à un secteur jugé trop coûteux pour les finances publiques.

L’État parle d’une estimation erronée des remises

Le gouvernement défend ce dépassement par une sous-estimation des remises sur les médicaments, un dispositif dans lequel les industriels versent une part de leurs recettes à l’État pour modérer l’impact des dépenses sur le budget de la Sécurité sociale. En raison du vieillissement démographique et de l’augmentation de la consommation de médicaments innovants, plus coûteux, cet écart serait donc imputé à une mauvaise prévision des dépenses.

L’explication ne convainc pas les représentants du secteur pharmaceutique. Thierry Hulot, président des Entreprises du médicament (Leem), affirme qu’il s’agit d’une manipulation des chiffres pour justifier des ajustements fiscaux. Selon lui, les outils de suivi des dépenses montrent des dépenses pharmaceutiques inférieures aux prévisions. Selon le président du Leem, la réduction des remises est un signe de maîtrise des dépenses, et non d’une dérive budgétaire.

La clause de sauvegarde : le sujet qui fâche

Face à ce « dérapage » budgétaire, le gouvernement envisage de réactiver la clause de sauvegarde, un mécanisme permettant à l’État de compenser les dépassements de dépenses par une taxe sur les laboratoires pharmaceutiques. Utilisée ces dernières années, cette mesure a généré des recettes fiscales considérables, atteignant 1,6 milliard d’euros en 2024. Malgré une promesse de maintenir le plafond pour 2025, l’option d’une augmentation de cette taxe reste sur la table, suscitant l’inquiétude des industriels. Thierry Hulot dénonce cette solution, affirmant que les laboratoires sont à nouveau sommés de payer pour des erreurs de gestion de l’État. « Des mesures d’urgence pour combler un trou dont personne ne connaît la véracité » : une déclaration résumant bien la frustration du secteur.

Des dépenses pharmaceutiques en constante hausse

Le poids des dépenses pharmaceutiques sur les finances de la Sécurité sociale ne cesse de croître. En 2023, 25,5 milliards d’euros ont été consacrés aux remboursements de médicaments, représentant 12 % des dépenses totales. Cette somme continue d’augmenter, alimentée par la hausse des médicaments innovants et par l’extension des prises en charge des affections longue durée à 100 %. En dépit des efforts pour limiter la consommation, la France reste l’un des pays européens les plus consommateurs de médicaments, avec une moyenne de 41 boîtes par an et par habitant.

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L’innovation en question

Dans ce contexte, les industriels du médicament réclament davantage de prévisibilité et de transparence dans les politiques publiques. Ils craignent que l’accumulation de taxes et de mesures fiscales ne freine l’innovation et ne réduise la compétitivité du secteur, menaçant ainsi l’accès des patients aux traitements de pointe.