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Décret « Services » : imagination, innovation… rémunération ?

Publié le 11 octobre 2018
Par Francois Pouzaud
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Le décret relatif « aux conseils et prestations pouvant être proposés par les pharmaciens d’officine dans le but de favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes » a été publié au Journal officiel du 5 octobre 2018, pour une entrée en vigueur dès le lendemain. Un texte presque sans omission, salué par l’ensemble de la profession.

Appelez-moi Désiré ! Attendu depuis neuf ans, le décret « Services » permet d’appliquer l’alinéa 8 de l’article L. 5125-1-1 A du Code de la santé publique, introduit par la loi HPST de 2009. Rédigé dans des termes généraux, il légifère des pratiques actuelles et laisse aussi la place à l’innovation en matière de services rémunérés, hors champ du remboursement.

Il ouvre cinq axes, permettant :

– de mettre en place des actions de suivi et d’accompagnement pharmaceutique, dans le but de prévenir l’iatrogénie médicamenteuse et de garantir le bon usage des médicaments ainsi que le suivi de l’observance. Le titulaire analyse des informations relatives au patient et à ses traitements, de ce travail découlent des préconisations formalisées et transmises au médecin traitant, sauf opposition du patient ;

– d’organiser des actions de prévention et de promotion de la santé parmi les domaines d’action prioritaires de la stratégie nationale. Il contribue aux campagnes de sensibilisation et d’information publique et transmet aux populations cibles des informations scientifiquement validées sur les moyens de prévention et les maladies ;

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– de participer à des actions d’évaluation en vie réelle des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique, en collaboration avec les autorités sanitaires (comment le médicament est-il pris ? Dans quelles conditions, au domicile du patient ?) ;

– de prendre part au dépistage des maladies infectieuses et des maladies non transmissibles ;

– de s’associer à la coordination des soins en collaboration avec l’ensemble des professionnels de santé.

Paquet ouvert contre inventaire à la Prévert

Certains services, tels que la livraison à domicile ou la préparation des doses à administrer (PDA), ne sont pas clairement mentionnés, mais se devinent entre les lignes. « Les outils d’observance, de la PDA jusqu’à la dispensation à domicile, sont ouverts grâce à cette deuxième version du texte », analyse Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Une lecture partagée par Alain Delgutte, président du conseil central A de l’Ordre des pharmaciens : « En évitant d’écrire une liste des missions à la Prévert, le décret ouvre largement le champ des possibles, c’est une avancée significative pour la santé publique. »

Sur le plan économique, il « crée les conditions favorables à la rémunération des prestations déjà réalisées à l’officine (PDA, etc.) et des nouveaux services qui pourront être proposés aux patients, hors champ conventionnel », ajoute Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Appelant les pharmaciens à être imaginatifs, son vice-président Philippe Besset, leur demande aussi de ne pas braver l’interdit de l’exercice illégal de la médecine. Et d’annoncer que la FSPF va préparer un rescrit fiscal sur la tarification de ces services afin de savoir quel taux de TVA doit être appliqué. Gilles Bonnefond retient également le pragmatisme de ce texte, qui stipule que le pharmacien doit disposer de locaux permettant la confidentialité des échanges avec le patient et se soumettre à une obligation de formation et d’actualisation de ses connaissances pour chacune des prestations définies.

Quelques oublis de taille

La profession nourrit toutefois de légers regrets. L’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et l’USPO regrettent l’absence d’éléments concrets sur la lutte contre la perte d’autonomie liée au grand âge : analyse de la fragilité, adaptation du domicile (lutte contre les chutes), information et orientation de l’entourage de la personne âgée vers des aides et solutions à domicile… Et la FSPF de déplorer le silence du décret sur l’utilisation des outils numériques, la gestion de l’armoire à pharmacie, l’évaluation des besoins des patients en termes de matériel médical ou un texte explicite sur la livraison à domicile.

Lisa-Blue/istock