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Déclarez !
Depuis 1999, la France peut s’enorgueillir d’être la seule nation dotée d’un réseau de centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance. Celui de Toulouse nous a ouvert ses portes. Visite guidée.
Bonjour, vous êtes bien au centre d’information et d’évaluation de la pharmacodépendance. Veuillez laisser un message, nous vous rappellerons dès que possible. » Quand Elisabeth Gorsse arrive le matin au CEIP (centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance) de Toulouse, situé dans le service de pharmacologie clinique médicale du Pr Jean-Louis Montastruc à la faculté de médecine du centre ville, elle s’empresse d’écouter les messages laissés sur le répondeur. Secrétaire indispensable, Elisabeth Gorsse transmet rapidement les questions à Maryse Lapeyre-Mestre, directrice du CEIP et médecin pharmacologue. Les questions émanent aussi bien de professionnels de santé, médecins et pharmaciens, que de services répressifs, d’acteurs sociaux ou encore des autres CEIP. « Un pharmacien vient de nous demander si l’abus de Vicks Vaporub était possible car un sujet jeune en utilisait beaucoup. Il nous a demandé à quoi cela pouvait servir. Nous avons évoqué plusieurs possibilités, notamment le dopage ou l’utilisation avec un autre produit telles des amphétamines pour en augmenter les effets », relate Maryse Lapeyre-Mestre.
« J’ai un problème avec cette ordonnance, est-ce que je peux la délivrer ? Si je délivre, qu’est-ce que je risque, et quels arguments puis-je donner pour ne pas délivrer ? » Les questions des pharmaciens peuvent porter aussi, par exemple, sur des prescriptions de plusieurs benzodiazépines aux demi-vies différentes ou sur des posologies importantes de méprobamate. Ou, tout simplement, pour connaître le risque qu’ils encourent à dispenser certaines ordonnances. « Nous sommes là pour leur apporter des informations afin d’avoir une attitude argumentée vis-à-vis du prescripteur et du patient. L’objectif est d’essayer de limiter une situation d’abus dont les patients et les médecins ne sont pas forcément conscients », explique la responsable du CEIP.
Les réponses sont argumentées par les experts du centre : Maryse Lapeyre-Mestre, spécialiste en santé publique, en pharmacologie et en pharmacoépidémiologie, le Pr Jean-Louis Montastruc, éminent pharmacologue, et Anne Roussin, pharmacienne, ancienne interne, titulaire d’un doctorat de pharmacologie moléculaire dans le domaine des opiacés et enseignante à la faculté de pharmacie de Toulouse. Ils ont accès à de nombreuses revues, aux données des autres CEIP avec lesquels ils sont en communication constante, et à toute sorte d’informations émanant de différents professionnels. « C’est un réseau informel », indique Maryse Lapeyre-Mestre.
Avertir le CEIP au moindre doute.
Des notifications spontanées de cas d’abus ou de pharmacodépendance suspectés sont également faites par téléphone, fax ou e-mail. Recueillir les cas et les évaluer constituent la principale mission des CEIP. Il peut s’agir d’ordonnances suspectes ou de cas cliniques déclarés par des médecins ou autres professionnels de santé. Les cas d’abus et de pharmacodépendances graves, c’est-à-dire ayant entraîné une hospitalisation ou un décès, ne sont pas forcément déclarés par les services hospitaliers et relèvent d’un minutieux travail de recueil effectué le plus souvent par les internes du CEIP.
Toulouse a l’avantage d’accueillir en permanence des internes et externes en médecine et pharmacie. « Notre interne qui participe aux astreintes de pharmacovigilance se charge de la collecte d’informations dans un certain nombre de services hospitaliers. Il y a aussi des visites régulières dans certains services de psychiatrie du CHU, aux urgences… Elle va également aux réunions hebdomadaires d’un centre méthadone récupérer les cas d’abus, enregistrer les questions… », indique Maryse Lapeyre-Mestre. Mais la rotation du personnel des services d’urgence et la méconnaissance de la pharmacodépendance par les soignants ne facilitent pas le travail des CEIP.
Il est vrai aussi qu’il est difficile d’apprécier les contours des phénomènes d’abus et de pharmacodépendance. Malgré des définitions précises (voir encadré page 26), reconnaître un abus ou une pharmacodépendance n’est pas simple, également pour l’officinal. « L’abus d’un médicament consiste en un dépassement des posologies normales ou rationnelles, sauf exception. C’est le cas d’un patient qui s’installe dans une augmentation progressive des doses après une prescription ou de celui qui vient demander des quantités supplémentaires, voire qui modifie lui-même l’ordonnance », explique la responsable du CEIP, qui recommande d’avertir au moindre doute. La connaissance d’un nomadisme, d’un acte délictueux sous l’effet d’une substance, les signes d’un sevrage, toute suspicion de pharmacodépendance peuvent être signalés. Mais comment font les CEIP pour déterminer le potentiel d’abus d’un produit ou d’une substance ?
Les pharmacies sentinelles identifient les médicaments détournés.
« Nous avons une sorte de grille pour évaluer le potentiel de pharmacodépendance et d’abus : la structure chimique du produit analogue à celle de produits dont on connaît déjà le potentiel (les psychostimulants, les thymorégulateurs, les hallucinogènes…), les expériences précliniques chez l’animal lorsqu’il s’agit d’un produit licite, les expériences cliniques en pré- et postcommercialisation, la littérature internationale et les différents outils spécifiques des CEIP », précise Maryse Lapeyre-Mestre. « OSIAP » (Ordonnances suspectes indicateur d’abus possible) est l’un de ces outils. Il permet d’identifier les médicaments détournés de leur usage à la source grâce à un réseau de pharmaciens sentinelles. Les ordonnances suspectes à l’officine (surcharge, rajout, ordonnance volée…) sont faxées au CEIP qui va répertorier les principes actifs le plus souvent cités. A partir de là, le CEIP calcule le taux de détournement de chaque spécialité pondérant le nombre de notifications pour un médicament donné en fonction de sa diffusion dans la population. Le CEIP de Toulouse coordonne l’enquête au niveau national.
Toulouse possède un réseau de 195 pharmaciens sentinelles volontaires répartis dans la région. Ils participent à « OSIAP » mais sont également sollicités pour d’autres enquêtes comme celle sur le potentiel d’abus des substituts nicotiniques ou celle sur la prescription du Subutex gérées par le CEIP de Marseille. Ils ont été recrutés soit par mailing, soit le plus souvent grâce aux nombreux liens tissés par le CEIP avec la faculté de pharmacie de l’université Paul-Sabatier et l’Association pour la formation continue des pharmaciens de Midi-Pyrénées (AFPM). « Nous avons présenté aux pharmaciens de l’AFPM la pharmacodépendance, des notions de neurobiologie et l’importance du rôle du pharmacien pour la notification des cas auprès du CEIP », rapporte Anne Roussin, qui enseigne aussi la pharmacodépendance aux étudiants en pharmacie.
Pour la plupart des pharmaciens sentinelles, l’enquête « OSIAP » n’est pas une charge. « Cela complète notre rôle de santé publique et nous évite de tomber dans la simple dispensation et les automatismes », avance Robert Astuguevielle, pharmacien à Tarbes. Mais aussi, « cela peut nous éclairer et faire changer notre vision des choses. En lisant les résultats, j’ai vu qu’en Midi-Pyrénées le Stilnox était souvent détourné », s’étonne Nathalie Peyre, titulaire à Toulouse. Leur motivation à participer est renforcée par le retour des informations, soit au cours de la réunion annuelle avec le CEIP, soit grâce aux bulletins électroniques pluriannuels. « Ce retour amène les officinaux à signaler des choses auxquelles ils n’auraient peut-être pas pensé », suggère Noël Amouroux, pharmacien sentinelle toulousain, qui se dit étonné de ne pas avoir de retour de la part du médecin lorsqu’il lui signale un éventuel rajout sur une ordonnance. Pourtant, Maryse Lapeyre-Mestre est persuadée que « le pharmacien est en première ligne pour détecter les dépendances et les abus médicamenteux ».
Lutter contre les toxicomanies.
« Parfois le produit a un potentiel d’abus non pas en raison de ses propriétés psychoactives, mais parce qu’il a un logo attractif ! C’est le cas du buflomédil (Fonzylane et Loftyl) et de la Nivaquine. » Mais aussi de la Célestamine, du Burinex ou de l’Effexor… En effet, les CEIP participent aussi à la lutte contre la toxicomanie en étant proches des acteurs de prévention présents dans les raves où la vente de faux comprimés d’ecstasy est légion. Ainsi la revente de comprimés de Nivaquine, revendus comme ecstasy sous le nom de « Z », « Eclair » ou « Zébulon » en raison de la présence d’un logo, pose un véritable problème car une prise massive entraîne un risque de troubles du rythme cardiaque. « L’été dernier, un correspondant local de l’Office français des drogues et toxicomanies nous a signalé le cas d’une jeune femme aux urgences qui décompensait avec un délire que le SAMU a pris pour un délire à l’ecstasy. En fait, après analyse des comprimés, il s’agissait de Nivaquine. Tout s’est bien passé, mais les services d’urgence ne lui ont pas fait d’électrocardiogramme alors qu’elle aurait pu mourir d’un trouble du rythme », raconte la directrice.
Les CEIP travaillent main dans la main avec les services sociaux et répressifs pour débusquer des drogues de synthèse, de nouveaux usages de produits, des associations prisées par les toxicomanes afin d’alerter rapidement les autorités sanitaires. « Par exemple, le service d’alerte de l’Office français des drogues et toxicomanies nous a demandé si les signes cliniques anormaux de certaines personnes hospitalisées à la suite d’injection de cocaïne étaient compatibles avec ceux observables lors d’une contamination par Clostridium botulinum. Nous leur avons dit que cette infection était très rare et qu’il était possible que ce soit dû à la cocaïne coupée avec de l’atropine car les signes cliniques pouvaient être compatibles avec une intoxication atropinique », relate Maryse Lapeyre-Mestre. C’est ainsi qu’une alerte sanitaire peut être transmise rapidement à l’ensemble des acteurs de santé et sociaux. Les CEIP s’intéressent aussi de très près à l’utilisation de plantes lors de pratiques sectaires. La sauge divinatoire ou l’iboga, plante africaine censée procurer un état second pour décrocher de la dépendance aux drogues, sont surveillées de près et c’est grâce à cette surveillance que l’Ayahuasca, liane géante hallucinogène, a été classée sur la liste des stupéfiants par l’Afssaps.
Des données utiles pour les décisionnaires.
Recueillir et évaluer les cas d’abus et de pharmacodépendances permet de préparer les travaux du comité technique des CEIP pour la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes (CNSP) de l’Afssaps. Un représentant de chaque CEIP siège dans ce comité aux côtés, entre autres, de représentants du directeur de la Direction générale de la santé ou de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT). Au programme de ce comité qui se réunit cinq fois par an : coordonner la collecte des cas et évaluer les enquêtes et travaux demandés aux CEIP. En effet, en dehors des outils classiques, les CEIP sont sollicités par l’Afssaps en fonction de l’actualité afin de mener des enquêtes ponctuelles : travailler sur les conditions facilitant le bon usage d’une méthadone en gélule déjà disponible en Belgique ou évaluer le potentiel d’abus d’une forme effervescente de zolpidem. Grâce aux travaux des CEIP, la CNSP peut émettre à l’intention du ministre de la Santé et du directeur général de l’Afssaps des avis sur le potentiel d’abus et sur les mesures à prendre. Les mesures qui en découlent sont d’ordre réglementaire ou galénique : modifications des modalités de prescription et de délivrance, classement dans la liste des psychotropes ou stupéfiants, retrait de spécialité, incorporation d’un colorant pour les produits utilisés pour la soumission chimique…
De nombreuses propositions de la CNSP ont été suivies d’effets entre 1999 et 2005 comme les modifications des résumés des caractéristiques du produit du Subutex et du zolpidem, le classement sur la liste des stupéfiants de l’Ayahuasca ou les modifications de prescription et de délivrance du Rohypnol. Le Dr Michel Mallaret, responsable du CEIP de Grenoble, précise la position de la CNSP dont il est président. « Les avis de la CNSP sont consultatifs, techniques et scientifiques et n’ont pas d’objectif économique. Lorsque nous avons limité la prescription des hypnotiques à quatre semaines, cela a été mal compris. Nous voulions modifier cette image de « bonbon » qu’avaient certains patients ou médecins et simplement obliger à revoir le praticien. »
Actuellement certains produits restent dans la ligne de mire des CEIP : le nefopam (Acupan), le fentanyl (Actiq, Durogésic…), le méthylphénidate (Concerta, Ritaline), le clonazépam (Rivotril) ou le tramadol. Les CEIP et la CNSP ne relâchent jamais la surveillance. De vieux médicaments reviennent (méprobamate : Equanil, trihexyphénidyle : Artane…) tandis que de nouvelles drogues envahissent les rues. Le rôle des pharmaciens est primordial dans la prévention des abus et des pharmacodépendances, ne serait-ce que pour discuter de ce que Maryse Lapeyre-Mestre appelle « les prescriptions réflexes » de certains médecins. « Trois benzodiazépines ne font pas mieux qu’une à la bonne dose, dit-elle. Nous ne faisons pas de la police sanitaire, nous essayons d’apporter de l’information objective dans le respect de la confidentialité et de l’anonymat des patients et des professionnels. » Mais elle reconnaît aussi qu’il n’est pas facile de savoir quoi déclarer, le mésusage de certains produits étant à la frontière de la pharmacovigilance et de la pharmacodépendance. Alors, « que les pharmaciens déclarent au moindre doute ».
Tour de France des CEIP
Le réseau français comporte 10 CEIP et 7 centres correspondants en charge d’études et de recueil particuliers comme des centres antipoison, des laboratoires de toxicologie ou de pharmacoépidémiologie (3 à Paris, 2 à Nancy et 2 à Marseille
Caen
Responsable : Pr Antoine Coquerel
Tél 02 31 06 31 06 (standard) ; 02 31 06 46 70
Fax 02 31 06 46 73
E-mail ceipnordouest@chu-caen.fr
Nantes
Responsable : Pr Pascale JOLLIET
Tél : 02 40 08 40 96 (standard)
Fax : 02 40 08 40 97
E-mail : pharmacodependance@chu-nantes.fr
Paris
Responsable : Pr Sylvain DALLY,
Dr Samira DJEZZAR
Tél 01 40 05 42 70 (ceip)
Tél 01 40 05 42 66 (secrétariat)
Fax 01 40 05 42 67
E-mail samira.djezzar@lrb.ap-hop-paris.fr
Bordeaux
Responsable : Dr Françoise Haramburu
Tél : 05 57 57 46 58
Fax : 05 57 57 46 60
Mail : francoise.haramburu@phar maco.u-bordeaux2.fr
Site : http://www.pharmacologie.u-bordeaux2.fr/PharmacoDependance/presentation.php
Nancy
Responsable : Pr Henri LAMBERT
Tél 03 83 85 29 17 (secrétariat)
Fax 03 83 85 97 71
E-mail ceip@chu-nancy.fr
Lyon
Responsable : Pr Jacques DESCOTES
Tél 04 72 11 69 92
Fax 04 72 11 69 85
E-mail jacques.descotes@chu-lyon.fr
Grenoble
Responsable : Dr Michel MALLARET
Tél : 04 76 76 51 46
Fax : 04 76 76 56 55
E-mail :
pharmacodependance@chu- grenoble.fr
Base de connaissances sur les pharmacodépendances ORITHYE http://www.centres – pharmacodepen dance.net/grenoble/ ORITHYE/index.html
Marseille
Responsable : Dr Jocelyne ARDITTI
Tél 04 91 74 50 90 (ceip)
Tél 04 91 74 50 19 (secrétariat)
Fax 04 91 74 50 54 (ceip)
E-mail jocelyne.arditti@ap-hm.fr
Toulouse
Responsable : Dr Maryse LAPEYRE-MESTRE
Tél : 05 62 26 06 90 (ceip)
Tél : 05 61 14 59 05 (secrétariat)
Fax 05 61 25 51 16
E-mail ceip.toulouse@cict.fr
Site http://www.chu-toulouse.fr/rubrique.php3?id_rubrique = 460
Montpellier
Responsable : Pr Jean-Pierre BLAYAC
Tél 04 67 33 67 49/57 (ceip)
Fax 04 67 33 67 51
E-mail pharmacodependance@chu-montpellier.fr
Quelques chiffres* sur l’activité des CEIP
– Nombre de personnes dans l’équipe : de 1 à 5 dont au moins la moitié sont des pharmaciens.
– Notifications annuelles : entre 50 et 100
– Nombre de pharmaciens sentinelles : entre 150 et 300.
– Demandes de renseignements : entre 20 et 100, le plus souvent de la part d’officinaux.
* D’après une compilation des réponses fournies par cinq CEIP sur les dix.
A chaque CEIP ses particularités
Bien qu’ayant les mêmes missions d’évaluation et d’information, les 10 CEIP présentent des particularités. Certains sont implantés dans les hôpitaux, facilitant ainsi le recueil des cas d’hospitalisations liées à un abus (Bordeaux, Nancy…), d’autres sont associés à un centre antipoison qui peut transmettre plus facilement les abus enregistrés (Marseille…). Le CEIP de Toulouse est situé dans un service de pharmacologie clinique avec le centre régional de pharmacovigilance au sein d’une faculté de médecine.
Certains font de la recherche fondamentale et des études précliniques et cliniques. Caen travaille sur les effets de psychotropes (BHD*, benzodiazépines*) sur les récepteurs opioïdes. Toulouse envisage d’élaborer de nouvelles structures pharmacologiques qui ne passeraient pas par les récepteurs opioïdes endogènes pour la prise en charge de la douleur des patients traités par BHD ou méthadone. Grenoble étudie les effets vasculaires des cannabinoïdes…
Un CEIP peut gérer un ou plusieurs outils ou enquêtes dont il devient le coordonnateur. Il récolte les données des autres CEIP et les analyse. Toulouse gère « OSIAP », Bordeaux coordonne « ASOS », le laboratoire de pharmacologie clinique du centre correspondant de Marseille s’occupe d’« OPPIDUM » et d’« OPEMA » (en projet), de « DRAMES » et de « SINTES », Caen et Paris gère également « SINTES », tandis que l’enquête sur la soumission chimique est du ressort de Paris (pour en savoir plus lire encadré page 24).
* BHD : buprénorphine haut dosage (Subutex, BHD Arrow).
A savoir : Déclaration obligatoire
Tout pharmacien – mais aussi médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme – doit obligatoirement déclarer les cas de dépendance grave ou d’abus grave d’une substance, plante, médicament ou tout autre produit ayant un effet psychoactif, à l’exception de l’alcool et du tabac, au CEIP sur le territoire duquel ces cas ont été constatés (articles R. 5219-1 à R. 5219-15 du Code de la santé publique). Sont également concernés les médicaments détournés de leur usage thérapeutique à des fins psychoactives avérées ou potentielles.
La boîte à outils des CEIP
Afin d’évaluer les cas d’abus et de pharmacodépendance, les CEIP disposent de différents outils déployés lors d’enquêtes de périodicité variable (annuelles, bisannuelles…) auprès de professionnels de santé, des éducateurs ou encore de la police scientifique.
NotS : il s’agit des notifications spontanées de cas d’abus et de pharmacodépendance faites par des professionnels de santé. Chaque CEIP reçoit des notifications cliniques de médecins, des ordonnances suspectes via des pharmaciens ou des cas susceptibles d’être un début de dépendance. Il n’existe pas de centralisation de ces informations dont peu d’entre elles parviennent à l’Afssaps, chaque CEIP gérant ces informations localement. Cependant, ces NotS constituent un bon système de surveillance.
OSIAP (Ordonnances suspectes, indicateur d’abus possible) : c’est un système de recueil permettant d’identifier les médicaments détournés à partir d’ordonnances falsifiées présentées à l’officine, et de déterminer le palmarès des médicaments les plus détournés aux niveaux régional et national par rapport aux chiffres de vente. Ce système est alimenté par des réseaux de pharmaciens sentinelles – volontaires ou tirés au sort comme à Bordeaux – animés par le centre de pharmacologie clinique de Poitiers et localement par les dix CEIP. L’enquête « OSIAP » a lieu deux fois par an (mai et novembre) pendant quatre semaines durant lesquelles les pharmaciens sentinelles recueillent les ordonnances suspectes et envoient une photocopie anonymisée au CEIP. Le réseau sentinelle comprend environ 7 à 8 % des officines françaises (1 500 à 1 600 officines).
OPPIDUM (Observation des produits psychotropes illicites ou détournés de leur utilisation médicamenteuse) : cet outil permet de surveiller l’évolution de la consommation de psychotropes et d’alerter les autorités sanitaires sur l’utilisation de nouveaux produits ou de nouvelles voies d’administration ainsi que sur les associations potentiellement dangereuses. Ce recueil anonyme et annuel (durant quinze jours) des cas de dépendance a lieu dans différentes structures de soins qui prennent en charge des patients sous traitement de substitution ou présentant une pharmacodépendance à une ou plusieurs substances. C’est ainsi que l’on peut observer des mésusages de buprénorphine à haut dosage par voie IV, l’utilisation associée du Tranxène 50 ou du Rohypnol…
OPEMA (Observation des pharmacodépendances en médecine ambulatoire) : c’est un outil expérimental développé par le CEIP de Marseille qui permet de faire la même surveillance qu’« OPPIDUM » mais en médecine ambulatoire sur les consommations de substances et les pathologies associées aux mésusages.
DRAMES (Décès en relation avec l’abus de médicaments et de substances) : cet indicateur a pour but de mieux identifier les causes de décès dus à l’abus de médicaments et de substances, d’évaluer la dangerosité d’un produit, d’identifier les nouvelles drogues et de détecter les substances et les produits de substitution détournés de leur utilisation. C’est un recueil national et anonyme des décès en relation avec l’usage de substances ayant fait l’objet d’abus ou de dépendances.
Participation à SINTES (Système d’identification national des toxiques et substances) : Caen, Paris et Marseille sont accrédités pour recueillir et analyser des échantillons de drogues de synthèse. La collecte est réalisée par différents acteurs de prévention ou de soins des milieux festifs et lors des saisies des services de répression. Ce système est un des composants du dispositif d’observation en continu des tendances récentes et des nouvelles drogues (TREND) qui vise à détecter les phénomènes émergents, comprendre les contextes, les modalités d’usage des substances et suivre dans le temps les évolutions de la consommation. Le réseau des CEIP est sollicité par l’ensemble des acteurs luttant contre la toxicomanie (demande d’information et de formation), voire des services répressifs.
Les CEIP peuvent aussi mener des enquêtes à la demande de l’Afssaps et déployer d’autres outils.
Enquête ASOS (Antalgiques stupéfiants et ordonnances sécurisées) : elle permet de recueillir l’opinion des pharmaciens d’officine, de décrire la population traitée par les antalgiques stupéfiants, de décrire leurs modalités d’utilisation et d’évaluer le respect de la prescription. A la suite de la suppression du carnet à souches (1999), à la demande de l’unité des stupéfiants et des psychotropes de l’Afssaps, le réseau des CEIP réalise une enquête annuelle depuis 2001 sur la prescription d’antalgiques stupéfiants auprès de pharmaciens d’officine tirés au sort, durant une semaine.
Enquête « Soumission chimique » (administration à des fins criminelles ou délictueuses de substances psychoactives à l’insu de la victime) : cette enquête nationale, mise en place en 2003, permet d’évaluer l’étendue du problème, d’identifier les substances utilisées et leurs conséquences et de proposer une meilleure prise en charge des victimes. Les observations sont collectées par les CEIP. Les benzodiazépines étant largement utilisées, les officinaux sont invités à ouvrir l’oeil.
Repères
– L’enquête « OSIAP » de mai 2005 révèle que les spécialités les plus détournées ont été
le Rohypnol, le Subutex, le Stilnox et le Lexomil. Les critères de suspicion les plus fréquemment mentionnés : modifications d’une ordonnance valide (70 % des cas), ordonnances volées (8 %) ou falsifiées (9 %).
– L’enquête « OPPIDUM » 2004 note une diminution de la consommation de flunitrazépam (8e position parmi les BZD) tandis que le clonazépam arrive en 3e position.
Sur le net
– L’Association des centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance propose un site riche d’informations. Outre
les coordonnées des centres, on y trouve de nombreux documents (organisation de l’évaluation de la pharmacodépendance, réglementation, actualités, descriptif des outils des CEIP…) et des liens permettant, entre autres, l’accès à des cours sur les dépendances et aux différents bulletins des CEIP (http://www.centres-pharmacodependance.net).
– Autre site sur la pharmacodépendance, celui de l’Afssaps qui décrit l’organisation et les outils de la surveillance de la pharmacodépendance, tout en proposant des informations pratiques : comment déclarer, la liste et les coordonnées des CEIP, les rapports d’activité des CEIP
(http://www.afssaps.sante.fr, onglet « Sécurité sanitaire et vigilances », puis « Stupéfiants et psychotropes »).
Définitions
Selon l’article R. 5219-1 du Code de la santé publique
Abus : utilisation excessive et volontaire, permanente ou intermittente d’une ou plusieurs substances psychoactives ayant des conséquences préjudiciables à la santé physique ou psychique.
Pharmacodépendance : ensemble des phénomènes comportementaux, cognitifs et physiologiques, d’intensité variable, dans lesquels l’utilisation d’une ou plusieurs substances psychoactives devient hautement prioritaire et dont les caractéristiques essentielles sont le désir obsessionnel de se procurer et de prendre la ou les substances en cause et leur recherche permanente.
Les cas de pharmacodépendance ou d’abus sont définis comme graves s’ils sont susceptibles de provoquer la mort, de mettre la vie en danger, d’entraîner une invalidité ou une incapacité, de provoquer une hospitalisation ou de prolonger une hospitalisation.
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