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« Débunkériser la profession »
Sur le dossier européen, les divergences de vues entre la ministre de la Santé et la députée européenne Françoise Grossetête se sont également fait sentir au sein de la profession. Notamment concernant la stratégie à suivre : faut-il se montrer intransigeant ou souple ?
La présidence française de l’Union européenne à partir du 1er juillet prochain sera l’occasion de défendre le modèle pharmaceutique français, a affirmé Roselyne Bachelot. Et, lors du débat qui a suivi son allocution inaugurale à Pharmagora, la ministre de la Santé s’est déclarée « raisonnablement confiante » sur l’issue du contentieux opposant la France à la Commission européenne. Manifestement gênée aux entournures de devoir modérer un si bel optimisme, la députée européenne Françoise Grossetête a laissé entendre, pressée par une question sur l’ouverture du capital, qu’il y aurait des « évolutions à terme assez inéluctables » auxquelles il faudra se préparer « très en amont ». C’est « dans la mise en pratique que l’on peut intervenir », a-t-elle estimé.
Le président de l’UNPF, Claude Japhet, semble penser de même : beaucoup de craintes se font ressentir au détour du dossier italien, or force est de constater que les Italiens « réfléchissent déjà aux scenarii possibles en cas de condamnation concernant l’ouverture du capital », constate-t-il. Pour faire face à ses futures missions d’accompagnement du patient, lesquelles seront gourmandes en disponibilité, la profession a « une obligation de réorganisation et de modernité », a conclu Claude Japhet. Et vite, si l’on veut avoir une longueur d’avance sur les faiseurs étrangers qui ne manqueront pas d’arriver.
Réaction de Roselyne Bachelot : « Défendre le modèle français ne signifie pas rester immobile. […] La mise en avant de médicaments de médication officinale devant le comptoir, c’est une démarche dynamique qui débunkérise notre exercice officinal et qui montre à la Commission que la pharmacie française est capable d’évoluer… sans renoncer à aucun moment aux trois piliers de son exercice. Nous serons d’autant plus forts sur nos principes que nous accepterons un certain nombre d’évolutions. »
Faire des concessions
Cependant, au sein de la profession, certains acceptent l’idée de concessions pour éviter de rompre sous la pression européenne. Ainsi Pascal Louis, du Collectif des groupements, se veut intransigeant sur le maillage territorial et le monopole mais se montre beaucoup plus souple sur l’ouverture du capital : car « aurons-nous les capacités capitalistiques pour financer l’évolution du réseau ? », s’interroge-t-il.
« Oui ! », répond sans hésiter Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, pour qui la vraie question est « comment intégrer les adjoints dans le capital ? », ce qui permettra d’aller vers les services à la personne. Mais pour Pascal Louis, s’il s’avère que la profession venait à manquer de capitaux, alors il faut se demander « quels peuvent être nos partenaires et à quelle hauteur ils pourraient entrer dans le capital ».
Jean Parrot, président de l’Ordre, qui est lui aussi convaincu que la profession peut s’autofinancer, prévient : « A l’étranger, l’arrivée de capitaux extérieurs s’est toujours traduite par une hausse des prix des officines et des médicaments, et une absence de bénéfice pour les patients et la santé publique. » Des capitaux extérieurs ne serviraient qu’à remonter des dividendes pour les investisseurs et certainement pas à réinvestir dans les pharmacies, ce que font les officinaux « dans les bonnes années », a réagi pour sa part Philippe Liebermann, responsable de la commission Affaires européennes de la FSPF.
«Le seul reproche que l’on pourrait faire à notre système de qualité, c’est concernant notre pertinence au niveau de la meilleure économie possible. Eh bien, à nous de relever ce défi », a complété Jean Parrot.
Certes, le modèle français est bon mais le seul moyen de se faire entendre sur la scène européenne est d’avoir une approche souple, consensuelle à plusieurs pays, a expliqué Françoise Grossetête. Position discordante avec le discours de Roselyne Bachelot, répétant que « l’on ne peut transiger sur les principes ». Le souci est plus que palpable : à travers ces mises en cause devant la justice européenne, l’enjeu dépasse la pharmacie. La question est de savoir si les Etats resteront maîtres de l’organisation des services de santé nationaux. L’intransigeance gouvernementale se situe peut-être surtout sur cette question-là.
Si le sort de la pharmacie européenne se jouait en Allemagne
Les pharmaciens allemands sont confrontés à une mutation plus pernicieuse encore qu’en Italie où le monopole a cédé. Certes, ils sont payés au forfait (8,10 euros par médicament), auquel il faut ajouter 3 % du prix (avec des rabais négociés importants), mais la multiplication de pharmacies discount et l’agressivité du VPCiste Doc Morris, racheté l’an dernier par Celesio, obligent les pharmaciens à être concurrentiels. Des pharmacies britanniques livrent aussi déjà à distance vers l’Allemagne. Sans compter l’existence de drogueries comme Europa Apotheke, que vient d’investir la chaîne américaine Medco.
60 % à 70 % des pharmacies passent donc par des centrales d’achat qui sont en fait de véritables enseignes en puissance, a indiqué Pieter Ditzel, rédacteur en chef du Deutsche pharmatische Zeitung. Et ces enseignes sont les précurseurs de chaînes, explique-t-il. La réponse économique actuelle des pharmaciens ? Réaliser des consultations. Car l’Allemagne vient, en plus, d’être à son tour attaquée par Bruxelles sur l’ouverture du capital. Pour Patrick Ambonville, consultant, « il est évident que si la Cour de justice européenne décide dans l’affaire Doc Morris qu’un non-pharmacien peut posséder une pharmacie, cette décision fera tâche d’huile en Europe ». Avec un danger particulier outre-Rhin : si les GMS ne présentent que quelques centaines de points de vente, le réseau des drogueries allemandes est, lui, aussi développé que celui des pharmacies.
Déjà 3 % de l’OTC hors pharmacie en Italie
Pour le représentant de la pharmacie italienne venu s’exprimer le 31 mars sur le plateau de Pharmagora, « de toute évidence l’OTC partira dans la grande distribution » en France. Il a vécu dans son pays un scénario similaire à ce qui se passe dans l’Hexagone. En un an et demi, 950 points de vente OTC se sont créés dans des parapharmacies de la péninsule et 120 corners de pharmacie ont vu le jour dans la grande distribution.
Certes, le nombre de produits référencés n’est pas le même : 340 en parapharmacie en moyenne contre 320 en GMS et 630 en pharmacie. Mais la différence de prix moyen dans l’OTC est sensible : 5,20 euros en GMS, 5,80 euros dans les coopératives et 6,20 euros en pharmacie.
La GMS et les parapharmacies devraient passer de 3 % du marché de l’OTC aujourd’hui à 15 % en 2010. Et une loi « unique au monde » est en préparation, prévoyant que des médicaments sur ordonnance pourraient être délivrés hors pharmacie, a-t-il indiqué.
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