Crise sanitaire : « le gouvernement a sciemment dissimulé la pénurie de masques », selon le Sénat

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Crise sanitaire : « le gouvernement a sciemment dissimulé la pénurie de masques », selon le Sénat

Publié le 10 décembre 2020
Par Magali Clausener
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La commission du Sénat sur la gestion de la crise du Covid-19 a rendu son rapport ce 10 décembre 2020. « En colère », selon son président Alain Milon, elle dresse un bilan accablant. « Dans la réponse à la crise, les rapporteurs font le triple constat d’un défaut de préparation, d’un défaut de stratégie ou plutôt de constance dans la stratégie et d’un défaut de communication adaptée », déclarent-ils d’emblée. En résumé, le gouvernement a failli dans pratiquement toutes ses mesures pour faire face à l’épidémie.

Le triste symbole de la gestion des masques

Pour la commission, « la pénurie de masques restera le triste symbole de l’état d’impréparation du pays et du manque d’anticipation des autorités sanitaires face à la crise ». Elle vise surtout Jérôme Salomon, Directeur général de la santé, qui savait que les stocks d’Etat de masques avaient fondu et n’a pourtant commandé que 50 millions de masques chirurgicaux. Les sénateurs n’hésitent pas à dire que la pénurie, qui a découlé de ce choix « incompréhensible », a été « sciemment dissimulée ».

La liste des critiques est longue. Les sénateurs insistent cependant sur « l’illusion d’une gestion de crise hospitalocentrée » qui a mis de côté le secteur ambulatoire, et « le délaissement » du secteur médicosocial. Ils mettent aussi en cause la politique d’endiguement de la deuxième vague qui a été un échec, ainsi que la stratégie « tester-tracer-isoler ». Selon la commission, le gouvernement a eu « une stratégie fuyante face à l’augmentation des capacités de dépistage ». En outre, le traçage a été « trop restrictif ». Quant à l’isolement, ce pilier de la stratégie a été « réduit à l’invocation ».

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Enfin, la gouvernance est pointée du doigt : pilotage trop centralisé et aveugle aux spécificités territoriales ; coordination interministérielle tardive et insuffisamment fluide en région ; cantonnement de Santé publique France à un rôle d’exécutant ; gestion par les agences régionales de santé (ARS) trop éloignée du terrain.

Un nouveau départ

Les sénateurs appellent donc « à un nouveau départ, une « année zéro » de la santé publique, qui suppose autant une réforme des structures que de la façon dont elles sont mobilisées, articulées et confrontées à la démocratie sanitaire ».

Ils émettent plusieurs recommandations articulées en 5 grands axes :

  • renforcer le pilotage des urgences sanitaires avec notamment la définition d’un Plan « Pandémie » et la création d’une fonction de délégué interministériel à la préparation et la réponse aux urgences sanitaires (DIPRUS) placé auprès du Premier ministre ;

  • asseoir la cohérence de l’expertise sanitaire avec la création d’une instance nationale d’expertise scientifique unifiée et indépendante associant des représentants des agences sanitaires, des sociétés savantes et la société civile (en remplacement du Conseil scientifique par exemple) ;

  • assurer une gestion au plus près du terrain par une veille épidémiologique territorialisée, le renforcement des délégations départementales des ARS et la garantie d’un pouvoir de décision réel aux collectivités territoriales ;

  • sécuriser la gestion des stocks stratégiques avec en particulier des « stock de crise » dans chaque établissement de santé et médicosocial ;

  • sécuriser la prise en charge des plus vulnérables en améliorant les outils de surveillance épidémiologique du secteur médicosocial et les outils de prise en charge médicale dans ces établissements et à domicile.