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© covid-19, santé publique, ARS, gestion de crise - DR
Covid-19 : la politique de santé publique française pointée du doigt
Le 1er juillet 2020, le groupe Santé de Sciences Po Alumni a organisé une conférence : « Covid-19 et Global Health : Quels développements économiques, sociaux et environnementaux ? ». Durant une heure et demie, Daniel Benamouzig, sociologue, directeur de recherche au CNRS Sciences Po et membre du Conseil scientifique, Alice Desbiolles, médecin de santé publique à l’Institut national du Cancer, Antoine Flahault, médecin et professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Publique de Genève, Pierre-Yves Geoffard, économiste spécialiste de l’économie de la santé, directeur d’études à l’EHESS et directeur de recherche au CNRS, Laurence Mégard, sous-directrice Industries de Santé, Agro-alimentaire et Biens de consommation au ministère de l’Économie, et Benoit Vallet, ancien directeur général de la santé, ont débattu. Extraits choisis.
Mauvaise performance de la France
D’emblée, Antoine Flahault a souligné la situation hétérogène de l’épidémie sur le plan géographique. Selon lui, si l’Europe constitue actuellement un « îlot de sérénité dans cette tempête », la situation reste très instable. « Je ne suis pas du tout certain que tout l’été tienne dans cette situation calme […], on sent des vibrations qui pourraient mal se passer ». Le médecin a aussi pointé la « performance » de la France, qui est « très mauvaise » : « En termes de mortalité, la France détient le record du monde avec plus de 18 % contre 5 % en Allemagne, a-t-il souligné. La France a extrêmement peu testé. Je pense que les épidémiologistes n’ont pas été convaincus tôt de tester. En réalité, tester empêche des morts ». Alice Desbiolles a rappelé le contexte du Covid-19, à savoir 80 % de personnes asymptomatiques et un taux de mortalité de 0,3 à 0,4 %, voire 0,9 % dans certains cas. « Le taux de létalité dépend des caractéristiques de la population, de l’état de santé, de la pyramide des âges, de la prévalence des comorbidités et des maladies comme l’obésité, les maladies cardiovasculaires et respiratoires », a-t-elle mis en avant. Et de citer l’exemple de la prévalence de l’obésité : à Taïwan, elle est de 5 %, en France de 17 % et aux Etats-Unis de plus de 36 %.
Quelle politique de santé publique ?
Pour Benoît Vallet, « la crise du Covid est une chance pour que le système de soins devienne un système de santé ». Il n’en demeure pas moins que « la politique de santé publique est assez faible en France », a remarqué Daniel Benamouzig. Alice Desbiolles s’est inquiétée pour sa part du fait que, ces dernières semaines, « l’ensemble des forces vives du pays a été quasiment dédiée à une seule cause, la Covid-19 ». « Je m’interroge en tant que médecin sur la nécessité d’en faire une priorité quasi exclusive avec de nombreux dommages et victimes collatéraux, notamment ce qu’appelle le Fonds monétaire international les conséquences du « grand confinement » », a-t-elle ajouté.
La centralisation en question
« Ce qui m’a frappé c’est la grande hétérogénéité des situations et des politiques publiques. Il faut descendre à un niveau territorial assez fin et on voit que la situation épidémique, même en France, est très contrastée d’une région à l’autre. Qui dit hétérogénéité pointe sur la question des inégalités, a expliqué Pierre-Yves Geoffard. La première inégalité sur les risques sanitaires est en termes d’âge, mais les inégalités en termes de conséquences économiques et sociales de l’épidémie et des réponses à celle-ci sont aussi très marquées en termes d’âge. On va avoir un choc économique d’une violence inouïe qui va peser pour l’essentiel sur les plus jeunes. »
L’économiste a également soulevé le problème de l’uniformité des réponses publiques appliquées en France, malgré une très grande hétérogénéité territoriale de la situation épidémiologique : « C’est une question sur laquelle il va falloir revenir dans l’avenir. La centralisation très forte du système de soins français a été un atout, mais pourquoi a-t-on confiné de manière brutale le Limousin alors qu’il n’y a pas eu de cas dans cette région ? ».
La formation scientifique des décideurs pointée du doigt
Pour Daniel Benamouzig, membre du Conseil scientifique, il y a un « rapport assez difficile et problématique entre la science et la décision ». Il a ainsi relevé que la culture scientifique des élites est très inégale, car elle ne fait pas partie de leur formation. « Il y a des questions entre science et décideurs mais aussi entre science et population générale », a-t-il souligné se référant aux fakenews et au « populisme scientifique » ainsi qu’au traitement de la science par les médias généralistes.
Une approche globale de la santé
La crise du Covid-19 suscite donc de nombreux questionnements. Pour conclure, Alice Desbiolles a mis l’accent sur l’importance du principe prôné par l’OMS, « Une seule santé » : « La santé de l’homme dépend de la santé des animaux, de la santé de l’environnement et donc de la santé des éco-systèmes dans lesquels nous nous situons. Il est fondamental pour anticiper et prévenir de nouvelles crises, puisqu’on sait que la plupart des zoonoses émergentes sont la résultante pour une grande partie des pressions exercées par l’homme sur son environnement, que cette approche « one health » soit au cœur de nos politiques publiques ».
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