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Chemin bienfaisant

Publié le 1 juin 2010
Par Nathalie Da Cruz
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Préparatrice à Toulouse, Martine Augelet s’est prise de passion pour la randonnée en moyenne montagne. Les Pyrénées ariégeoises sont devenues son terrain de jeu.

Martine est une citadine. Les virées à Paris, l’agitation de la capitale, la foule, le lèche-vitrines ou le cinéma, rien ne prédisposait cette préparatrice native de Goussainville dans le Val-d’Oise à vivre en Ariège. Et à devenir une fondue de randonnée. Sur les sentiers, Martine s’est aussi redécouverte.

Du Val d’Oise à l’Ariège. C’est à Paris que Martine débute son apprentissage en pharmacie, en 1975. Un métier choisi « un peu par hasard, parce qu’une copine faisait son apprentissage et que je ne savais pas quoi faire ». Elle a déjà tenté l’école d’auxiliaire-puéricultrice, mais son absence de vocation pour s’occuper des enfants se révèle lors d’un stage. À 19 ans, elle épouse son amoureux de Goussainville, puis décroche le CAP de préparatrice en pharmacie en 1978. Deux ans plus tard, direction l’Ariège où son mari est muté. « J’aurais préféré aller dans une grande ville. » Le couple et leur petite fille Céline âgée de 2 ans s’installent à Saint-Martin-de-Caralp. Brutal changement de décor. La citadine se retrouve dans un département rural et montagneux. « J’ai eu beaucoup de mal à m’y faire les premières années. » Une deuxième fille, Johanna, naît en 1981. Tout en se consacrant à l’éducation des gamines, Martine fait quelques remplacements en officine. En 1988, elle passe le BP à Toulouse, en candidate libre. Pendant longtemps, elle ignore le beau massif montagneux à deux pas de chez elle. Au milieu des années 90, entraînée par une amie, elle s’inscrit à un club de randonnée et fait quelques balades de temps à autre. « Je ne connaissais pas du tout la montagne. J’ai découvert des paysages insoupçonnés. Ce massif nimbé de couleurs a été une révélation ! » Lorsque le club ferme ses portes au bout de deux ans, Martine raccroche le bâton de randonneur.

Ô Toulouse. Après le décès brutal de son mari, elle s’installe à Toulouse, en 2002. Elle retrouve la vie citadine, tout en gardant sa maison en Ariège. La préparatrice reprend alors la randonnée. « J’y songeais, mais j’avais du mal à faire le premier pas. Ce sont mes filles, mon moteur, qui m’ont convaincue. » Elle rejoint le club toulousain Rando loisirs et marche de temps à autre dans les Pyrénées ariégeoises ou dans l’Aude. Il y a deux ans, pour se rapprocher de l’Ariège, elle s’inscrit à la section randonnée de l’ASPTT du département (association multisports du groupe La Poste). Depuis, elle part marcher tous les week-ends. Des randonnées de cinq à neuf heures, en groupes, avec un guide accompagnateur. Au programme, des parcours en boucle de 15 à 20 km en moyenne montagne sur des sentiers balisés assez bien entretenus en Ariège, « même s’il faut parfois batailler avec quelques ronces ». Départ à l’aube avec tout l’équipement nécessaire : « Chaussures de randonnée qui maintiennent bien la cheville, tee-shirt, parfois veste polaire, pantalon et coupe-vent. Il ne faut pas oublier l’altimètre, et la carte IGN*, outil indispensable pour se repérer ! » Dans le sac à dos, la gourde, le casse-croûte de midi, des barres vitaminées, une mini trousse à pharmacie, et un thermos de thé.

La montagne, ça la gagne. Chemins longés d’arbustes, environnement exclusivement minéral, prairies, lacs au détour d’un chemin, sommets couverts de neige, la variété des paysages est un enchantement. « Le soleil brille sur les cailloux. Lézards, marmottes, aigles, les animaux passent fugacement, raconte Martine, cernée de blanc, j’adore m’enfoncer dans la neige avec les raquettes ! » Sa saison préférée reste l’hiver.

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« Le plus souvent, nous allons dans les Pyrénées ariégeoises, dans la vallée du Couserans ou celle du Vicdessos. Parfois, nous poussons jusqu’aux Pyrénées-Orientales, au col de Puymorens. » Le groupe de l’ASPTT tutoie les sommets. « Il nous arrive d’aller jusqu’à 2 300 m, mais, dans ce cas, nous ne partons pas du pied de la montagne, mais d’un point plus élevé. » Il faut de l’endurance pour affronter les dénivelés de 1 000 à 1 500 mètres ! À l’arrivée, c’est pause détente et casse-croûte pour le groupe de randonneurs. Là-haut, c’est le silence ou presque. De rares pépiements d’oiseaux se font entendre. « Le calme est incroyable en montagne. Je ressens une grande sérénité. » Les bénéfices de la randonnée sont également notables sur son organisme : « J’ai davantage de souffle, les jambes plus musclées. » Elle qui a « peur du vide, des animaux, de tout » est fière du chemin parcouru. « Je n’aurais jamais pensé, il y a quelques années, faire ce que je fais aujourd’hui. J’ai découvert ma résistance physique. »

Je marche donc je suis. « Je ne suis pas très sociable et assez susceptible. J’ai du mal à aller vers des inconnus. » Dans cet environnement montagneux, Martine dépasse la méfiance arborée dans la vie quotidienne, elle se métamorphose. « Je dialogue avec tout le monde ! Je m’adresse spontanément aux inconnus avec qui je marche. Je ne me reconnais pas… » Elle avoue une éducation laxiste. « Mes parents nous laissaient faire, il n’y avait pas d’autorité. À 8 ans, je voulais partir en pension, pour avoir un cadre ! » En devenant « sérieuse et parfois sévère », elle a pris le contre-pied de cette éducation et s’affirme. « Je peux ruer dans les brancards si j’entends une conversation sur la politique ou la société avec laquelle je suis en désaccord ! » Ni rigide, ni fermée, Martine sait être à l’écoute des patients parfois difficiles qui viennent dans sa pharmacie d’un quartier « chaud » de Toulouse où les toxicomanes et les patients substitués sont légion. « Il m’arrive de passer une heure avec l’un d’eux qui continue à acheter des kits d’injection tout en prenant de la méthadone ou de la buprénorphine. C’est important pour moi, je me sens utile. » Le boulevard Jeanne d’Arc de Toulouse où travaille Martine est bruyant. Elle aime toujours autant l’agitation et la vie de la grande ville, mais depuis qu’elle a goûté à la sérénité des Pyrénées, impossible d’y renoncer. La citadine ressent une envie impérieuse de s’y ressourcer presque tous les week-ends. « J’ai besoin de cet équilibre entre la ville et la montagne. »

* IGN : Institut géographique national, établissement public de l’État sous la tutelle du ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, il établit et entretient les bases de données géographiques de référence.

Portrait chinois

• Si vous étiez un végétal ? Un tournesol qui regarde le ciel et le soleil. Je suis assez curieuse et j’aime regarder au-delà des choses.

• Une forme galénique ? Une pommade ou une crème pour masser et me faire masser. Pour la douceur, même si ce n’est pas ce que l’on voit chez moi au premier abord. Je crois que je la cache…

• Un médicament ? Un antidépresseur pour toujours sourire. J’ai des hauts et des bas et j’aimerais ne pas avoir de bas.

• Un dispositif médical ? Un stérilet, pour être libre d’aimer quand on en a envie. Je ne veux pas que l’on m’empêche. J’ai besoin de savoir dans ma tête que je suis libre, ou du moins de le croire…

• Un vaccin ? Un vaccin contre le cancer. C’est un véritable fléau. Il y en a trop…

• Une partie du corps ? Les jambes. Je ne suis pas très active, sauf dans la marche où je vais de l’avant.

Martine Augelet

Âge : 52 ans.

Formation : préparatrice en pharmacie.

Lieu d’exercice : pharmacie Jeanne d’Arc, Toulouse (31).

Ce qui la motive : « Mes filles, qui sont mon oxygène et me tirent en avant ».