Bilan disciplinaire de l’Ordre : quels sont les motifs des plaintes contre les pharmaciens ?

© Getty Images

Bilan disciplinaire de l’Ordre : quels sont les motifs des plaintes contre les pharmaciens ?

Publié le 11 décembre 2024
Par Christelle Pangrazzi
Mettre en favori
Le bilan disciplinaire 2023 de l'Ordre est tombé. Verdict ? 312 plaintes ont été enregistrées soit une diminution de 8 % par rapport à 2022. Si ces chiffres sont encourageants ils ne doivent pas masquer la complexité des dossiers traités. Petit florilège des motifs de plaintes.

En 2023, près de la moitié des plaintes enregistrées (43 %) à l’Ordre sont le fait de particuliers dénonçant des erreurs, des refus de délivrance ou encore des abus présumés. Pour apaiser les conflits, l’Ordre a mis en place un système de médiation. Ainsi, 183 conciliations ont été organisées mais seules 29 % d’entre elles ont abouti favorablement. Lorsque la conciliation échoue, la voie disciplinaire devient incontournable. Les chambres de discipline de première instance ont rendu 258 décisions. Voici quelques motifs de plaintes et des sanctions associées.

Plaintes autour des problèmes de délivrance

Parmi les plaintes formées par les particuliers, beaucoup concernent des problèmes de délivrance : erreurs, refus délivrances abusives. Parmi elles :

– Dispensation d’une boîte d’Oxycontin LP 10 mg en lieu et place d’Oxynorm 10 mg (avertissement)

– Délivrance commise par une préparatrice (délivrance de Cationorm en lieu et place de Biogaia) (blâme avec inscription au dossier)

– Délivrance d’Oxycontin 20 mg à la place d’Oxycontin 5 mg par une adjointe (IEP 1 mois, dont 15 jours avec sursis)

– Délivrance commise par une préparatrice ayant entraîné deux hospitalisations de la patiente (délivrance d’un médicament dosé à 400 mg à base de Carbamazépine délivré en lieu et place du Téralithe 400 mg ayant donné lieu à deux hospitalisations de la patiente (IEP 15 jours)

– Délivrance de Visken 5 mg, médicament servant à traiter les affections cardiaques, au lieu de Vesicaire 5 mg, servant à traiter l’incontinence urinaire (blâme avec inscription au dossier)

Publicité

– Refus de délivrance d’un renouvellement de Venlafaxine (rejet de la plainte)

– Refus de délivrance d’un médicament princeps au lieu du générique (rejet de la plainte)

– Refus de délivrance d’un produit de contraste (rejet de la plainte)

– Refus de délivrance, sans avance de frais, d’un médicament pour le traitement de l’hépatite B chronique pour une durée de trois mois en raison d’un séjour à l’étranger (rejet de la plainte)

– Délivrance d’une boîte de Sertraline 25 mg et d’une boîte d’Alprazolam 0,25 mg sur la base de la copie d’une ancienne ordonnance à une mineure de 15 ans ayant fait ensuite une tentative de suicide (IEP 3 mois, dont 6 semaines avec sursis)

– Délivrance d’une boîte de Méthylphénidate 54 mg périmée depuis plusieurs mois pour un enfant (blâme avec inscription au dossier)

– Non-respect de prescriptions de boîtes de Lamaline et accusations portées par le pharmacien à l’encontre du plaignant concernant un trafic de médicaments (rejet de la plainte)

– Délivrance d’une prescription inadaptée à un nourrisson sans analyse pharmaceutique (CROP HDF, AD 7291 : avertissement)

– Vente de boîtes de lait infantile périmées (avertissement)

– Vente de boîtes de lait infantile périmées depuis plusieurs mois (IEP 1 semaine avec sursis).

Plaintes mettant en exergue les relations pharmacien/patient ou pharmaciens/professionnels de santé

– Depuis les épisodes de Covid, beaucoup de pharmaciens constatent des relations de plus en plus tendues avec les patients. Une partie des plaintes concerne aussi les relations pharmacien/patient.

– Violation du secret professionnel en raison de la communication d’un listing de médicaments et délivrance de traitements médicaux sans prescription médicale (rejet de la plainte)

– Non-respect du délai prévu de transmission des résultats d’une analyse d’urine par un laboratoire et non-conformité de l’accueil du patient (rejet de la plainte)

– Refus de prioriser la prise en charge d’une femme enceinte par l’accueil d’un laboratoire (rejet de la plainte)

Agression physique au sein de l’officine (rejet de la plainte)

– Menaces, insultes, propos dénigrants et séquestration (rejet de la plainte)

– Refus de reprise d’un lit médicalisé et d’un matelas anti escarres infesté de punaises de lit (rejet de la plainte)

– Comportement violent à l’encontre d’un patient dans l’officine (blâme avec inscription au dossier)

– Non-assistance à personne en danger en raison d’un refus de rouvrir la pharmacie deux minutes avant l’horaire de fermeture pour remplacer un lecteur de glycémie tombé en panne (rejet de la plainte)

– Publication par un pharmacien d’un avis Google négatif sur le comportement d’un médecin (avertissement)

– Mise en cause avec véhémence, sans réserve, par écrit et publiquement de plusieurs professionnels de santé (IEP 3 mois avec sursis).

Plaintes relatives à l’organisation ou au fonctionnement d’un établissement (officine / laboratoire / industrie / grossiste-répartiteur)

– Défaut d’exercice personnel du titulaire, ouverture de l’officine sans pharmacien et manque de mesures prises pour se faire régulièrement remplacer (blâme avec inscription au dossier)

– Ouverture de l’officine sans pharmacien (avertissement)

– Ouverture de l’officine sans pharmacien pendant plusieurs jours, délivrance de nombreux médicaments, notamment stupéfiants, en l’absence de tout contrôle pharmaceutique (IEP 1 an, dont 6 mois avec sursis)

– Refus de délivrer un médicament durant un service de garde et propos dénigrants envers un confrère (rejet de la plainte)

– Ouverture de l’officine le dimanche sans avoir été désigné pour assurer un service de garde en méconnaissance d’un arrêté préfectoral (IEP 15 jours avec sursis)

– Impossibilité d’entrer en contact avec le pharmacien durant un service de garde (blâme avec inscription au dossier)

– Négligences dans la gestion des produits stupéfiants, absence de rigueur dans la gestion de la température du réfrigérateur affecté à la conservation des produits thermosensibles, dysfonctionnements dans l’étiquetage des flacons de vaccins, absence de mise en place d’une démarche qualité et de la sérialisation (IEP 6 mois, dont 4 mois avec sursis)

– Insuffisance du nombre d’adjoints au regard du chiffre d’affaires, superficie insuffisante du local de confidentialité, absence de déclaration de l’activité de vaccination, non-respect de la réglementation sur la conservation des produits thermosensibles, absence de mise en place du dispositif de lutte contre les médicaments falsifiés (IEP 12 semaines, dont 10 semaines avec sursis)

– Non-respect des conditions minimales d’installation, absence de déploiement de la sérialisation, non-respect.

Plaintes relatives aux fraudes auprès des caisses d’assurance maladie

Ces plaintes sont celles qui sont le plus durement sanctionnées.

– Facturations abusives, déclaration de fausses factures, modification de prescriptions visant à obtenir frauduleusement des remboursements indus de la part de la CPAM et abus de bien social (IEP 5 ans, dont 4 ans avec sursis)

– Facturation d’Ilaris à la caisse d’assurance maladie sans délivrance aux assurés sur présentation de fausses prescriptions médicales pour un préjudice de plus de 830 000 € (IEP 2 ans)

– Facturation à l’assurance maladie de médicaments onéreux sans délivrance effective pour un préjudice pour la CPAM du Var de plus de 260 000 € (IEP 18 mois)

Beaucoup d’interdictions temporaires d’exercer

En 2023, les chambres de discipline de première instance ont rendu 258 décisions. Parmi elles, 127 ont débouché sur des sanctions disciplinaires se décomposant comme suit :

– 65 % des sanctions correspondent à des interdictions temporaires d’exercer, souvent avec sursis.

– 17 % sont des blâmes.

– 14 % prennent la forme d’avertissements.

– 4 % sont des interdictions définitives, réservées aux cas les plus graves.

Des délais raccourcis, un défi pour la justice disciplinaire

La gestion des affaires disciplinaires s’est accélérée en 2023. Le délai moyen pour juger une plainte en première instance est passé à 424 jours (14 mois), contre 483 jours en 2022. Une amélioration significative, portée par les réformes procédurales initiées en 2022.

Une hausse des procédures d’appel

L’activité en appel a augmenté de 14 % en 2023, avec 32,2 % des décisions de première instance contestées. Parmi les 66 sanctions prononcées en appel, 86,3 % étaient des interdictions d’exercer, dont plusieurs définitives.