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Bernard Charles : « Rien ne peut se faire sans éthique »
Très attendue, la révision des lois de bioéthique, qui datent de 1994, fait déjà l’objet d’une certaine unanimité de la part de la classe politique. Bernard Charles, pharmacien, député, mais aussi rapporteur du projet de loi relatif à la bioéthique, revient pour « Le Moniteur » sur l’intérêt de fixer un cadre éthique aux manipulations du vivant.
« Le Moniteur » : Pourquoi réviser aujourd’hui les lois de bioéthique de 1994 ?
Bernard Charles : L’évolution du progrès scientifique tout autant que l’évolution de la société sont tellement rapides qu’il était nécessaire de réviser ces lois. Le législateur sait que la loi ne doit pas tout figer. Elle doit au contraire résulter d’une décision politique au sens noble du terme, c’est-à-dire de tous les citoyens, afin de permettre aux scientifiques de remplir leur mission de progrès au service de l’homme, dans le respect de la dignité et de l’intégrité de la personne.
Elections obligent, le projet de loi relatif à la bioéthique ne sera sûrement pas adopté avant la fin de la législature, et les échéances vont donc se trouver repoussées. Le regrettez-vous ?
Cette situation semble être le lot des lois de bioéthique. En 1992 nous avions commencé à étudier les premières lois de bioéthique, mais, un changement politique étant intervenu en 1993, ce n’est qu’en 1994 que nous avons pu les adopter. Concernant l’actuel projet de loi, il paraît certain que nous n’arriverons à une conclusion définitive que vers la fin 2002 ou le début 2003. Cela fait partie du processus législatif. Pour réviser ces lois, il était en outre nécessaire de recueillir de nombreux avis, notamment celui du Comité national d’éthique, et de prendre connaissance du rapport de la Commission nationale des droits de l’homme, ainsi que de celui de l’Office d’évaluation des choix technologiques et scientifiques. Cela a permis d’aboutir à un équilibre satisfaisant, d’autant que l’on n’a pas ici affaire à des choix partisans dans la mesure où les clivages politiques sont bien surmontés. Mieux vaut légiférer avec le maximum de consensus parlementaire, d’autant que nous voulons que la loi fasse désormais l’objet d’une révision tous les quatre ans au lieu de cinq, avec le concours d’une agence chargée d’interpeller le Parlement sur les nouveaux domaines sur lesquels il conviendrait de légiférer.
Comment les chercheurs accueillent-ils la démarche du législateur consistant à encadrer leurs activités ?
Le projet de loi comporte des choix fondamentaux, qu’il s’agisse de la procréation médicalement assistée, de la recherche sur l’embryon ou encore de la législation sur le don d’organes. Il est évident que le corps médical et les chercheurs ne peuvent ni ne veulent avoir à supporter les conséquences, éventuellement pénales, de choix qui reviennent à la société tout entière. On tente donc de trouver, en collaboration étroite avec la communauté scientifique, un équilibre entre le nécessaire progrès médical et la protection de la dignité de la personne. Notre dessein commun est que la recherche ait pour objectif central le mieux-être et le respect de l’individu.
Ne risque-t-on pas de voir certains acteurs de la recherche médicale délocaliser leur activité vers des pays moins sourcilleux en matière d’éthique biomédicale ?
Le souci du législateur n’est pas de paralyser la recherche médicale, mais au contraire de la favoriser et de lui permettre d’avancer dans un cadre sûr, qui garantisse le respect de règles élémentaires sur le plan éthique. Je crois que les entreprises qui aujourd’hui se livrent à des activités de recherche ont bien compris que rien ne pouvait se faire de bon sans le respect de la personne humaine, et celui de son intégrité. Evoluer en dehors de ces règles élémentaires, c’est aller à rebours de l’ordre du monde, et une société dont l’activité irait à l’encontre de l’éthique en matière de manipulation du vivant n’aurait, aujourd’hui, aucune chance de survivre. Les chercheurs partagent très largement, de ce point de vue, la volonté du Parlement.
L’émotion suscitée par la jurisprudence Perruche a conduit les pouvoirs publics et les parlementaires à légiférer en la matière. Que vous inspire cette situation ?
La jurisprudence Perruche est passée aux yeux des Français comme la possibilité de contester sa naissance, ce qui est n’est évidemment pas envisageable. On ne vit pas de jurisprudence. Il est clair que les juges sont là pour appliquer les lois, mais l’on ne doit pas pour autant sombrer dans la république des juges. A partir du moment où l’arrêté pouvait être interprété comme la possibilité pour l’enfant de demander une indemnisation du fait de sa naissance, il était tout à fait logique que le législateur intervienne. L’amendement qui a été adopté pose donc le principe selon lequel nul, fût-il handicapé, ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. En revanche, il permet aux parents, en cas de faute lourde d’un professionnel ou d’un établissement de santé, de demander une indemnité dans le cadre de la solidarité nationale, ce qui épargne aux médecins qui réalisent des échographies des problèmes d’assurance. Par là même, nous réaffirmons la nécessité de prendre en compte le devoir de solidarité de la société envers les handicapés, sans pour autant faire de la naissance elle-même un éventuel préjudice ouvrant droit à une indemnisation.
Les nouvelles règles de la bioéthique
Texte d’actualisation, le projet de loi relatif à la bioéthique n’en comporte pas moins de grands choix symboliques et pratiques. En voici les principaux :
– Assouplissement des règles relatives au don d’organes par des personnes vivantes. Le texte prévoit que le donneur puisse désormais être toute personne ayant avec le receveur des liens étroits et stables. Actuellement, ces dons ne sont possibles que de la part des père, mère, fils, fille, frère ou soeur du patient, ainsi que du conjoint en cas d’urgence.
– Interdiction du clonage humain dit reproductif, ayant pour but de faire naître un enfant ou se développer un embryon qui ne serait pas directement issu des gamètes d’un homme et d’une femme. Quant au clonage dit thérapeutique, dont l’autorisation a été un temps envisagée par Lionel Jospin, il n’en sera finalement pas question, le Comité consultatif national d’éthique ayant exprimé un avis négatif.
– Autorisation de la recherche sur l’embryon, mais uniquement sur les embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un contrôle parental, et sous la condition expresse du consentement des membres du couple concerné.
– Autorisation du transfert d’embryon post mortem. L’embryon pourra être implanté après le décès du père « à titre posthume », sous réserve du respect d’un délai maximal.
– Interdiction des discriminations basées sur les caractéristiques génétiques : le projet de loi prévoit que, notamment en matière de contrat d’assurance ou de contrat de travail, l’utilisation discriminatoire des résultats d’examens génétiques sera prohibée.
– Création d’une Agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaines (APEGH). Celle-ci aura pour rôle l’encadrement et la veille dans les secteurs d’activité relevant de son domaine de compétence, et sera garante du respect de la loi.
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