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« Avec les biosimilaires, nous sommes au début d’une aventure comparable à celle des génériques »

Publié le 20 novembre 2024
Par Christelle Pangrazzi
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Depuis plusieurs mois, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), suit de près la question des biosimilaires, désormais centrale pour l’économie officinale. Il livre ici les étapes à franchir avant le déploiement des remises, tout en analysant les défis et enjeux liés à la substitution.
« Avec les biosimilaires, nous sommes au début d’une aventure comparable à celle des génériques »

© Nicolas Kovarik/Le pharmacien de france - Philippe Besset FSPF

Pourquoi les biosimilaires sont-ils devenus une priorité pour les pharmaciens dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 ?

La substitution des médicaments par les pharmaciens, y compris celle des biosimilaires, s’inscrit parmi les principales réformes envisagées pour transformer le secteur pharmaceutique dans les années à venir. Ce tournant s’annonce comme le début d’une aventure semblable à celle des médicaments génériques dans les années 2000. Pour les pharmaciens, cette évolution représente une opportunité de se positionner en tant qu’acteurs essentiels du parcours de soins, ce qui renforce leur rôle de professionnel de santé de plein droit, aux côtés des médecins, pour accompagner les patients.

Sur le plan économique, les biosimilaires revêtent un enjeu majeur pour les officines. À l’instar des génériques à l’époque, leur substitution pourrait constituer une bouffée d’oxygène pour l’économie des pharmacies, un point de vigilance central dans les récentes négociations conventionnelles. Dans ce cadre, l’ancien ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, a plaidé pour l’instauration de remises sur ces médicaments, encourageant ainsi les officines à s’engager dans cette transition. Cette mesure a d’ailleurs été décisive dans le choix de notre syndicat de signer l’avenant n° 1 à la convention.

Quelles sont les implications législatives du passage du PLFSS au Sénat ? Le recours à l’article 49.3 est-il à craindre ?

Bien que l’amendement relatif aux biosimilaires ait été adopté à une large majorité par les députés, le processus législatif a été suspendu par manque de temps à l’Assemblée nationale. Le Sénat examinera donc le texte initial du PLFSS, qui comprend l’amendement relatif aux remises sur les biosimilaires. Auditionné récemment par la commission des affaires sociales du Sénat, j’ai reçu l’assurance que la rapporteuse soutiendrait l’amendement. Après le passage du texte au Sénat, une commission mixte paritaire, composée de parlementaires de la majorité, statuera sur la version définitive, qui devrait être conclusive. De bonnes chances d’aboutir donc.

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Quels bénéfices économiques l’Assurance maladie peut-elle espérer de l’essor des biosimilaires dans le cadre du PLFSS ?

Les retombées économiques attendues pour 2025 seront initialement limitées, en raison des délais nécessaires pour établir un cadre réglementaire et définir un plafond pour les remises, lequel pourrait atteindre jusqu’à 50 %. Toutefois, à moyen terme, avec l’expansion de la liste des molécules éligibles à la substitution, les économies annuelles pourraient s’élever entre 800 millions et 1 milliard d’euros. Actuellement, la liste des médicaments substituables est en cours d’élaboration. Dès le 1er janvier 2025, selon la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, tous les médicaments biosimilaires pourront être substitués, sauf ceux figurant sur une « liste noire » établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). À l’avenir, seule celle-ci sera maintenue. La « liste blanche » de l’ANSM, regroupant les médicaments substituables, sera abandonnée à son profit. Ce cadre exige une justification rigoureuse de la part de l’ANSM pour chaque médicament inscrit avec la mention « Non substituable ».

La substitution des biosimilaires offrira-t-elle aux pharmaciens des bénéfices comparables à ceux obtenus grâce aux génériques ?

À terme, oui. Actuellement, les remises sur les génériques atteignent 1,2 milliard d’euros, une somme versée par les laboratoires pharmaceutiques aux officines. L’objectif de l’État n’est cependant pas de doubler ce montant, mais de trouver un équilibre. Les négociations tripartites entre l’Assurance maladie, les pharmaciens et les industriels viseront ainsi à établir un accord « gagnant-gagnant » pour les différentes parties.

Vous avez exprimé des inquiétudes quant à un amendement de Cyrille Isaac-Sibille demandant l’interdiction des groupements de pharmaciens. Pourquoi ce sujet est-il lié à la question des remises ?

Les groupements sont aujourd’hui un soutien précieux pour les pharmaciens. Ils leur offrent divers services, notamment pour négocier des remises supplémentaires auprès des laboratoires. À la suite de l’amendement du député Cyrille Isaac-Sibille – jugé irrecevable par l’Assemblée nationale –, le ministère pourrait désormais exiger une transparence accrue sur ces accords. Bien que l’État ne perde pas d’argent sur les remises négociées directement par les pharmaciens, il espère augmenter les économies en contrôlant ces réductions et en imposant des prix de vente inférieurs pour les médicaments.

Pourquoi certains laboratoires privilégient-ils l’interchangeabilité des biosimilaires plutôt que leur substitution directe ?

Certains laboratoires de médicaments biologiques optent pour une stratégie de vente de leurs propres biosimilaires pour des raisons de rentabilité. Cela entraîne la commercialisation de biosimilaires sous des noms de marque, et non sous une dénomination commune internationale (DCI), conférant ainsi au médecin un pouvoir décisionnaire. Toutefois, avec l’élargissement de la substitution, nous verrons apparaître des biosimilaires sous DCI, ce qui offrira aux pharmaciens une plus grande flexibilité de substitution.

Les remises liées aux biosimilaires pourraient-elles stabiliser durablement l’économie officinale et limiter les fermetures d’officines ?

Les remises sur les biosimilaires ne suffiront pas, à elles seules, à stabiliser l’économie des officines. Pour prévenir les fermetures, il est essentiel de renforcer les rémunérations spécifiques, particulièrement pour les pharmacies situées en zones fragiles.

Quelle est votre opinion sur la proposition de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) visant à négocier un avenant économique numéro 2 ?

Je préfère ne pas commenter directement les propositions de l’USPO. Néanmoins, les prochaines négociations sont déjà prévues pour l’été 2026, juste après les élections aux unions régionales des professionnels de santé (URPS). Par ailleurs, une part significative des revalorisations arrivera en janvier et nous allons devoir négocier avec l’État l’arrêté relatif aux biosimilaires dans les prochains mois. Compte tenu de ce calendrier et du fait qu’il faudrait obtenir une nouvelle lettre de cadrage du gouvernement, l’opportunité de cette demande peut paraître discutable.