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Amender le PLFSS au Sénat

Publié le 10 novembre 2007
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La profession est loin d’être satisfaite de certaines dispositions du PLFSS. Elle l’a fait savoir via des demandes d’amendements au Sénat, lequel examinera le texte la semaine prochaine.

Les « réclamations » de la profession ne manquent pas concernant le PLFSS 2008 qui passe au Sénat la semaine prochaine. Amendements à prévoir!

f A commencer par l’article imposant les grands conditionnements, article « brutal et sans nuances », selon Pierre Leportier président de la FSPF. La demande est unanime pour retirer cet article. « D’autant qu’il pourrait aller à l’encontre du développement des génériques : beaucoup n’ont pas de grand modèle, les pharmaciens seront donc amenés, avec cette obligation, à délivrer du princeps à la place du générique », poursuit Pierre Leportier. Contre-productif. Pire, « une erreur fondamentale », pour Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO : « On observera vite des problèmes de contrôle de ces médicaments et d’observance. »

f A quelques nuances près, les représentants professionnels se retrouvent pour saluer les nouvelles règles qui feront primer les transferts (France entière) sur les créations et passer le quorum à 3 500 pour la seconde officine. Créations qui sont d’ailleurs pour ainsi dire rayées de la carte (voir Le Moniteur n° 2699). En gros, c’était ça ou la loi du marché pure et dure, a laissé entendre Roselyne Bachelot dans l’hémicycle. « Elle a choisi le maillage, pas l’ultralibéralisme », commente Gilles Bonnefond. « De toute façon, dans les conditions prévues, ce sera la loi du marché », assène, plus pessimiste, Claude Japhet, président de l’UNPF.

La FSPF demande un amendement pour maintenir les arrêtés de rattachement des officines aux communes de moins de 2 500 (communément traduits par « cartes départementales des pharmacies »). Arrêtés que viennent en effet de supprimer les députés.

S’il se félicite de nouvelles règles de répartition démogéographiques, Jean-Luc Audhoui, membre du conseil national de l’Ordre ainsi que de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, s’étonne : « On persiste à mettre des règles pour une bonne répartition des pharmacies alors que l’on a fait l’inverse il y a quelques semaines pour les médecins… »

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f Concernant les regroupements, les représentants professionnels sont circonspects. « Nous restons dans l’idée qu’il faut privilégier les transferts sur les regroupements. Le gouvernement penche pour l’inverse », commente Pierre Leportier. De plus, le gel des licences durant 5 ans en cas de regroupement est trop court. Là aussi, les sénateurs seront appelés à modifier le texte amendé a minima par les députés pour rétablir les 10 ans, souligne Gilles Bonnefond, qui demandera en outre aux sénateurs la sortie du décret sur les SEL et la loi MURCEF. Pour l’Association de pharmacie rurale, l’élément numéro un susceptible de favoriser les regroupements est davantage le passage du quorum à 3 500 pour la seconde officine que les 5 ans de gel des licences… au-delà duquel le préfet pourra estimer qu’une implantation peut se faire à nouveau. « Sous des pressions diverses », se méfie Claude Japhet, persuadé que la mesure n’incitera à aucun regroupement et ne permettra pas une restructuration du secteur « en douceur ».

f « Enorme déception ! » Ainsi Gilles Bonnefond qualifie-t-il le refus de la ministre de la Santé, en séance publique, de permettre aux pharmaciens de signer des contrats de santé publique, accords de bon usage et accords de bonne pratique (« au motif qu’il est payé à la marge commerciale »). « Vexatoire », pour le secrétaire général de l’USPO, qui demande un amendement inverse au Sénat. Pierre Leportier se pose ici « la question d’un ministre de la Santé qui ne veut pas reconnaître le pharmacien comme un professionnel de santé ».

f Enfin, l’UNPF demande un amendement pour affirmer le caractère exceptionnel des mesures appliquées aux grossistes, qui seront totalement répercutées sur l’officine, pense-t-il. Claude Japhet évalue à 700 à 800 millions d’euros les pertes à prévoir en 2008 pour la pharmacie (PLFSS, marges arrière…). « On ne prend pas des mesures touchant 23 000 officines pour espérer revenir à 17-18 000 points de vente, s’enflamme-t-il. Ce PLFSS est un piège pour la profession. »

f Restent les franchises, mesure (tellement) emblématique du PLFSS qu’on la voit difficilement être amendée par les sénateurs UMP, malgré une défiance croissante sur le sujet. « Politiquement, nous n’avons pas à commenter cette mesure, estime Pierre Leportier. Et puis, on ne peut pas à la fois critiquer un ONDAM trop faible et une tentative de rééquilibrage via des recettes supplémentaires. » D’autant que l’Assurance maladie travaille sur son informatique pour que la franchise soit prise sur les prestations à venir de l’assuré, informe-t-il. L’officine n’aurait donc pas à la gérer au comptoir.

Plus critique, l’USPO estime que « la profession n’avait pas à s’en mêler tant qu’il ne s’agissait que d’un transfert entre régimes obligatoire et complémentaires. Mais l’impossibilité pour ces dernières de prendre en charge les franchises sans voir remis en cause les avantages fiscaux des contrats responsables change la donne : on a transformé ce transfert de charges en punition du malade. Notre combat, c’est que les chroniques prennent régulièrement leurs médicaments. Ce ne sera pas facilité quand les franchises augmenteront… ».

Autre effet pervers, souligné par Claude Japhet, le choc « franchise-grands conditionnements » : « Le pharmacien sera otage entre le patient – qui, à juste titre, ne voudra pas payer la franchise trois fois – et l’industriel. »

«Je ne peux pas m’empêcher de soulever une contradiction entre la volonté affichée de responsabiliser les Français sur leur consommation de médicaments via les franchises – c’est l’un des arguments avancés par la ministre -, et celle de pousser à la consommation d’OTC en accès libre.Le roi Ubu doit y être sensible », conclut Jean-Luc Audhoui.

Pétition dans les officines contre les franchises

Un certain nombre de pharmaciens font signer depuis le 24 octobre une pétition à leurs clients contre les franchises, le déremboursement implicite de l’homéopathie qui y est lié, celui tout aussi implicite du nombre de préparations magistrales, celui des vignettes oranges… « Une fois les informations remontées des différents syndicats régionaux et le comptage effectué, nous les ferons remonter à Alain Vasselle, rapporteur du PLFSS pour le Sénat », informe Catherine Morel, vice-présidente de l’UNPF, qui a personnellement recueilli 1 200 signatures dans son officine. « Jusqu’à présent, nous avions répugné à des actions publiques. Mais là c’est trop. Les franchises, ça ne touchera pas les CMU mais les revenus modestes, dont certains repoussent déjà leur accès aux soins, nous le voyons bien ici, dans le Nord-Pas-de-Calais. La franchise, c’est une façon inadaptée, injuste, voire indigne de traiter le problème. J’ai été étonnée de constater à quel point les patients étaient heureux que leur pharmacien s’implique à leurs côtés. » A méditer.

Rectificatif

Voilà deux numéros que le fruit des franchises médicales se transforme dans nos colonnes de 850 millions à 850 milliards. Il s’agit bien évidemment de millions, sans quoi tout le monde pourrait se réjouir que le gouvernement ait trouvé le remède miracle et définitif au financement de la Sécurité sociale…

« On n’a toujours pas levé l’ambiguïté concernant l’imputation des montants de la franchise », souligne d’ailleurs Pierre Leportier, qui souhaite avoir des éclaircissements au Sénat.