- Accueil ›
- Profession ›
- Socioprofessionnel ›
- Alerte rouge !
Alerte rouge !
Faisant suite à l’annonce du comité d’alerte sur l’ONDAM, les prochaines mesures des pouvoirs publics pourraient de nouveau solliciter financièrement les pharmaciens. Or les indicateurs économiques de l’officine sont dans le rouge depuis le début de l’année. Les syndicats affirment que le réseau ne supportera pas un nouvel effort.
L’histoire se répète : le médicament risque d’être de nouveau mis à contribution en 2007 pour endiguer le dépassement signalé par le comité d’alerte mis en place pour surveiller les dépenses d’assurance maladie. Conformément à la procédure, une fois l’alerte déclenchée, l’Assurance maladie dispose d’un mois pour proposer des solutions de redressement au gouvernement.
Les choses n’ont pas traîné. Le directeur général de l’Assurance maladie, Frédéric Van Roekeghem, prépare déjà un plan d’économies de 900 millions d’euros en année pleine (lire Le Moniteur n° 2680) et, comme on peut le craindre, il pourrait viser à nouveau la chaîne du médicament. Le ministre du Budget, Eric Woerth, n’a-t-il pas évoqué la possibilité de « beaucoup d’économies via des mesures réglementaires » ? Or, qui dit réglementaire dit – le plus souvent – médicament. Quelles que soient les dispositions qui seront retenues, les syndicats officinaux sont unanimes pour refuser que le médicament serve à nouveau de variable d’ajustement. D’ailleurs, le pourrait-il ? Les indicateurs économiques actuels montrent que l’officine ne pourrait plus se le permettre !
– 0,7 % de marge en valeur
L’UNPF dresse un pâle bilan des quatre premiers mois de l’année 2007. « Le plan médicament 2006 et l’engagement des médecins à prescrire moins se traduisent par une progression quasi nulle du chiffre d’affaires de l’officine et une baisse de marge », constate Claude Japhet, son président. Les unités baissent de 3 %, le CA industriel progresse de 1,34 % et celui des grossistes de 1,16 %. La reprise observée sur avril permet à l’officine de renouer tout juste avec la croissance (+ 0,70 %), ce qui est tout à fait insuffisant pour inverser la tendance baissière sur la marge (- 0,7 % en cumul annuel). A propos d’avril, Claude Japhet ne peut se satisfaire d’embellies ponctuelles et relatives, ressortant de comparaisons par rapport à un même mois de l’année précédente, en forte décroissance (c’est en avril 2006 que l’économie officinale a dévissé).
L’EBE sous les 13 %
« Les chiffres du premier trimestre 2007 montrent qu’il n’y a pas de changement de tendance, indique Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO. Entre les baisses de prix régulières passées sous silence de médicaments chers, celles qui vont affecter les dispositifs médicaux, la maîtrise médicalisée des dépenses, le déremboursement total au 1er janvier 2008 de médicaments remboursés à 15 %, le processus de décélération est toujours en marche. La croissance est uniquement tirée par les médicaments chers à marge réduite. Par contre, là où les marges sont acceptables, les ventes régressent, si bien que la faible croissance actuelle du CA donne une illusion de confort des pharmacies. »
« L’officine ne peut pas participer en 2007, directement ou indirectement, aux économies au-delà de celles prévues par le plan médicament 2006 », jure Pierre Leportier, président de la FSPF. Il n’y a pas que les syndicats à le dire. « La pharmacie ne peut pas aller au-delà des mesures prises en 2006 qui se cumulent avec celles des années précédentes », estime Bernard Fernandes, expert-comptable du cabinet parisien Sapec. Il constate lui aussi une baisse du taux de marge de 0,7 point en moyenne pour l’ensemble de ses clients qui ont clôturé leur exercice au cours de l’année 2006 et de 1,5 point pour ceux ayant arrêté leurs comptes entre le 1er juillet et le 31 décembre. Plus inquiétant, l’EBE est passé l’an dernier sous la barre des 13 %. « Les pharmaciens qui se sont surendettés en empruntant à hauteur du prix d’achat de leur officine risquent de connaître des difficultés pour rembourser en cas d’EBE sous les 14 % », prévient-il.
L’hôpital pointé du doigt
« La pharmacie est pratiquement revenue trois ans en arrière, au niveau des marges de 2004 », renchérit Claude Japhet. Une situation qui fragilise les plus faibles.
Les syndicats mettent en garde l’Etat contre les conséquences irréversibles que pourraient avoir certaines décisions pour le réseau. Ils n’acceptent pas qu’un nouveau sacrifice soit ordonné par un dépassement de l’ONDAM limité à + 1,1 % pour les soins de ville, à comparer aux + 3,5 % royalement consentis au secteur hospitalier. Pierre Leportier est catégorique : « Il est hors de question que le réseau officinal soit concerné par cette régulation des dépenses parce qu’il est dans les clous de l’ONDA malgré la sous-estimation de cet objectif et qu’il n’est pas responsable du dépassement ! » Celui-ci est un faux prétexte qui fâche Gilles Bonnefond : « Le raccourcissement des durées de séjour hospitalier, les sorties de la réserve hospitalière, l’augmentation des hospitalisations à domicile font logiquement augmenter les actes médicaux et infirmiers du secteur libéral, et sont à l’origine d’un transfert d’activité de l’hôpital vers la ville estimé à 2 milliards par an. Il faut donc le neutraliser et ne pas le présenter comme un dérapage des soins de ville. Ne pas le prendre en compte serait une manoeuvre malhonnête. »
Encore 300 millions d’économies sur le médicament ?
Perplexe, le secrétaire général de l’USPO s’interroge sur la manière de redresser les comptes de l’assurance maladie. « D’après ce que j’entends, 300 millions d’économies proviendraient du médicament et 100 millions des dispositifs médicaux. Que l’on m’explique les recettes qui permettront de les réaliser sans léser l’officine ! Une intensification de la substitution à hauteur de 50 millions d’économies supplémentaires est la seule mesure qui a du sens. » Un effort, selon lui, à la portée des pharmaciens qui ont déjà quasiment réalisé l’objectif 2007, puisque, au dernier pointage, le taux de pénétration des génériques a atteint 74,7 %. En dehors de cela, toute autre mesure sur le générique (baisse des prix, généralisation des TFR…) apparaît autant inacceptable qu’injuste.
Au contraire, Claude Japhet demande le rétablissement d’un ONDAM positif pour le médicament (le « sous-ONDAM « Produits de santé » était programmé à – 2,6 % pour 2007 !). « Il faut une croissance du CA industriel de 2,2% pour que l’évolution de la marge des officines soit à zéro. »
Le gouvernement s’inspirera-t-il peu ou prou des propositions de l’UNCAM ? A l’heure des élections législatives, les syndicats sont dans l’expectative et vont devoir patienter jusqu’au 17 juin pour être fixés sur la composition définitive du gouvernement. Quant aux mesures qui seront retenues, elles devraient faire l’objet d’un arbitrage interministériel. Fin juin au plus tard, la profession devrait donc connaître son sort.
L’été promet d’être chaud. Car les syndicats entendent faire savoir aux pouvoirs publics que la coupe est pleine et qu’ils sont résolus à ne rien lâcher.
Comptes à l’appui, l’économie officinale décroche
Les statistiques du cabinet C2C conseil sont formelles. Les officines exploitées en entreprise individuelle voient leur CA des douze derniers mois, arrêté à fin mars, baisser de 1,39 % sous l’effet d’un mois de mars du même cru (- 1,68 %). Avec une progression de 4,3 % sur avril, le CA des douze derniers mois s’extirpe à peine de la zone négative (+ 0,03 %), tandis que le CA cumulé sur les quatre premiers mois de 2007 progresse péniblement de 1 %.
Chez Révigestion, les résultats du premier quadrimestre sont tout aussi atones, malgré le redressement sur avril (+ 4,78 %) : – 0,31 % en cumul des douze derniers mois (contre – 1,15 % en mars) et + 1,47 % en cumul fixe depuis le 1er janvier par rapport à la même période de 2006.
La Sapec, qui gère les comptes de 730 pharmacies, confirme que la reprise n’est pas à l’ordre du jour : « Sur le premier quadrimestre 2007, le CA ne progresse que de 0,85 % ». Et mai n’annonce pas d’embellie. « La progression de 5 % des soins de ville ne se retrouve pas chez nous, puisque, sur les quatre premiers mois de l’année, l’activité des pharmacies n’a progressé que de 0,8 %, clame Pierre Leportier, président de la Fédération. Le dépassement est donc ailleurs. Il peut provenir de l’augmentation des prises en charge à 100 %, du transfert de dépenses du régime complémentaire vers le régime obligatoire ou encore des dérives de dépenses hors tarification à l’activité des cliniques. »
- Economie officinale : les pharmaciens obligés de rogner sur leur rémunération
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Explosion des défaillances en Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Occitanie
- La carte Vitale numérique, ce n’est pas pour tout suite
- [VIDÉO] Financiarisation de l’officine : « Le pharmacien doit rester maître de son exercice »
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- [VIDÉO] Négociations, augmentations, ancienneté… Tout savoir sur les salaires à l’officine
- [VIDÉO] 3 questions à Patrice Marteil, responsable des partenariats Interfimo
- [VIDÉO] Quand vas-tu mettre des paillettes dans ma trésorerie, toi le comptable ?
![[VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/03/bonnefoy-dpc-680x320.png)
![[VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/03/grollaud-sans-680x320.png)