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A l’Assemblée nationale, un colloque qui ne met pas d’eau dans son bourbon
Alors que la responsabilité de Servier dans l’affaire Mediator vient d’être reconnue pour la première fois au civil, des parlementaires, des médecins, pharmaciens et représentants d’associations se sont réunis au Palais-Bourbon pour dénoncer une politique française du médicament sous influence de l’industrie pharmaceutique.
Désintoxiquons notre santé de l’emprise des lobbys » : un intitulé jugé – tout comme le panel des intervenants – trop partisan par le Leem. L’organisation qui fédère les entreprises du médicament a non seulement refusé de participer au colloque en question, mais elle a aussi contesté sa tenue jeudi 22 octobre dans l’enceinte de l’Assemblée nationale dans une lettre adressée par son président Patrick Errard à Claude Bartolone.
Instigatrice de l’événement, la députée européenne d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) Michèle Rivasi a rassemblé des personnalités d’horizons variés pour relayer ses positions en faveur d’une transparence et d’une indépendance plus franches de la politique du médicament : une ex-magistrate (Marie-Odile Bertella-Geffroy), des lanceurs d’alerte (le pharmacien Serge Rader, la pneumologue Irène Frachon), des politiques (Jean-Louis Roumégas, député EELV, le LR Claude Malhuret, la sénatrice FDG Laurence Cohen…), des médecins (les Prs Philippe Even et Olivier Saint-Jean…), des représentants d’associations tels Formindep ou E.3M et même un représentant de la Commission européenne, Jérôme Boehm. Des points de vue unis par une volonté de décryptage critique des stratégies d’influence pharmaceutiques. Les conséquences, selon les participants au colloque ? Une « marchandisation » de la santé au détriment de l’intérêt général, dont les symptômes ont pour noms surprescription, surfacturation, R&D guidée par la rentabilité à court terme, lancement de médicaments inutiles… La question des conflits d’intérêts en matière d’expertise sanitaire publique, malgré les efforts déjà engagés sur ce terrain (avec l’obligation faite aux laboratoires de déclarer leurs liens avec des professionnels de santé), est au cœur des débats.
« Des amalgames et des données erronées »
Pour les participants, il faut aller plus loin, notamment par une application stricte du droit. Plus généralement, les axes proposés pour réformer la politique du médicament vont dans le sens d’un contrôle démocratique renforcé, depuis le refus de l’ingérence des laboratoires dans la formation médicale jusqu’à l’intégration d’une expertise citoyenne dans le système d’évaluation des médicaments et de pharmacovigilance, en passant par l’encadrement des crédits alloués à la recherche privée mais aussi celui du prix des médicaments.
Autant de principes que l’on retrouve dans l’appel à une opération « mains propres sur la santé », lancé en janvier dernier et prolongé par un ouvrage délibérément à charge signé de Michèle Rivasi, Serge Rader et Marie-Odile Bertella-Geffroy*. Selon eux, ce sont 10 milliards d’euros d’économies qui pourraient être ainsi générés. Une conclusion qui fait bondir Patrick Errard : « Cette analyse repose sur des amalgames et des données erronées », estime-t-il. Un exemple ? Concernant Sovaldi, anti-hépatite C pointé pour son coût élevé, « il serait absurde de fixer le prix en fonction du coût de production : ce serait nier la valeur ajoutée d’une innovation de rupture », souligne-t-il.
* « Le racket des laboratoires pharmaceutiques et comment en sortir », éd. Les Petits Matins.
Quels enjeux pour les pharmaciens ?
Pour les pharmaciens, les enjeux de ce colloque organisé par Michèle Rivasi, députée européenne EELV (photo ci-dessus), ne sont pas minces. Aux yeux d’Irène Frachon, pneumologue, « moins courtisé et donc moins influencé par les labos sur tout ce qui touche à l’ordonnance, l’officinal détient en outre une vision globale du traitement du patient, ce qui lui confère un rôle stratégique tant en termes de vérification de la cohérence de la prescription que d’information auprès du patient », détaille-t-elle. Chloé Devis
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