- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- VOCATION PHARMACIEN MILITANT
VOCATION PHARMACIEN MILITANT
Malgré un emploi du temps infernal, certains pharmaciens trouvent le temps de s’investir dans des associations, parfois très éloignées de leur cœur de métier. Quelles sont les conséquences de cet engagement pour leur entreprise ? Quels bénéfices en retirent-ils ? Témoignages.
1 La continuité du métier d’officinal
Le contact permanent avec des patients qu’il faut écouter amène des pharmaciens à s’engager dans le monde associatif. Pour eux, cette ouverture aux autres semble naturelle. C’est ce que confirme Alain Bertheuil, titulaire à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime): « Les valeurs du monde de la pharmacie sont en phase avec l’engagement militant. D’ailleurs, le serment d’Hippocrate stipule que nous ne sélectionnions pas la clientèle. Par ailleurs, ayant eu la chance de pouvoir faire des études, je me sens redevable à la société… » L’officinal a créé, avec d’autres professionnels de santé et des personnes de la société civile, une association d’aide aux toxicomanes dont il est président et qui salarie aujourd’hui vingt-huit personnes.
Pour Marie-Armelle Pasquier, cet engagement associatif est également cohérent avec son métier d’officinale : « Nous sommes des hommes et des femmes du médicament. » Cotitulaire avec son mari Pierre d’une pharmacie à Pouzauges, en Vendée, elle est activement engagée au sein de Pharmaciens sans frontières. « Il y a une certaine continuité entre ces deux activités, souligne Pierre Pasquier. Le pharmacien qui participe, dans son officine, à la promotion du bon usage du médicament est un relais de Pharmaciens sans frontières. »
2 Une souplesse d’horaires facilitée
Comme le remarque le pharmacien Patrick Lozès, l’officine est l’un des rares secteurs d’activité compatible avec un engagement associatif. « L’exercice de la pharmacie revêt des notions de solidarité et d’intérêt général. Il permet aussi d’adapter ses horaires et de se rendre disponible. Pour un salarié, c’est un secteur qui permet de retrouver rapidement un emploi. »
Ce pharmacien n’a d’ailleurs pas hésité à prendre un congé sabbatique d’une année pour se consacrer à l’association qu’il a mise sur pied en 2005, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN). Et à se déclarer, en mai dernier, candidat à la prochaine élection présidentielle !
3 Une vie professionnelle réorganisée
Ces officinaux ont néanmoins dû organiser le quotidien de l’officine pour pouvoir se consacrer à leur « danseuse ». Car le lobbying auprès des élus, les réunions de conseil d’administration et les missions associatives imposent de ne pas se laisser submerger. « Dans l’officine, il faut refuser d’accomplir certaines tâches sans pour autant trop se décharger sur le reste de l’équipe », conseille Marie-Armelle Pasquier. Comme son mari, elle part en mission pour Pharmaciens sans frontières pendant ses congés et, bien sûr, à ses frais.
Mais il est parfois difficile d’emporter l’adhésion de l’ensemble de l’équipe, et en particulier des associés, sur cet engagement militant. « Auparavant, nous étions, chacun de notre côté, en association dans une officine. Or, inévitablement, nous imposions ce choix militant et cet engagement empiétait sur la vie de l’officine », se souvient Marie-Armelle Pasquier. Depuis que le couple s’est associé dans la même pharmacie, c’est plus simple. « En couple, cela se passe différemment, on se complète. »
4 Le recrutement nécessaire de nouveaux collaborateurs
C’est presque une règle pour ces titulaires qui voient la nécessité de se faire seconder. Saxophoniste de formation, Jean-Jacques François a créé à Sainte-Menehould, dans la Marne, une association qui est à l’origine d’une école de musique dont il est aujourd’hui président. Parallèlement, il gère une officine ouverte 56 heures par semaine depuis vingt-six ans. « Pour pallier mes activités à l’école de musique, nous avons embauché une seconde adjointe. »
Autre exemple, celui de Pierre Kreit, dont les responsabilités syndicales l’ont amené à recruter deux adjoints dans son officine de Vanault-les-Dames, dans la Marne. « J’essaie d’être présent, notamment le samedi matin et quelques matinées et après-midi en semaine. Mais je dois me faire remplacer par un pharmacien employé à temps complet. »
5 Une reconnaissance de l’entourage professionnel
Cet engagement provoque l’admiration de l’entourage professionnel. « Outre l’enrichissement personnel et les contacts liés à cet engagement, j’ai toujours été touché par la reconnaissance que me témoignaient mes confrères », explique Pierre Kreit. Au-delà de la considération de ses pairs, le pharmacien jouit d’une certaine notoriété parmi ses patients, fiers de voir « leur » pharmacien à la télévision et dans les journaux.
Quant à Marie-Armelle et Pierre Pasquier, ils font bénéficier à leurs patients de leurs conseils riches de leurs expériences. L’équipe du couple d’officinaux se sent d’ailleurs impliquée dans cette démarche et les pharmaciens parviennent même à enrôler des recrues chez Pharmaciens sans frontières.
En créant une école de musique dans la commune, Jean-Jacques François s’est également valorisé auprès de ses patients qui, chaque jour, le félicitent de leur avoir apporté un peu de culture dans la commune. Même si, parfois, il arrive que des clients viennent se plaindre à l’officine des notes de l’examen de piano de leurs enfants !
AVIS D’EXPERT« Attention à l’engagement politique ! »
MARIE-HÉLÈNE GAUTHEY, DIRECTRICE ASSOCIÉE D’ATOOPHARM (CABINET DE FORMATION POUR LES OFFICINES)
« L’engagement militant ou associatif a un intérêt pour l’officine si le pharmacien s’investit dans une association de patients ou de professionnels de santé. Dans ce cas, il doit être connu et porté par l’équipe. La gestion quotidienne de cet engagement doit être organisée au sein de l’officine, par exemple la communication sur le don d’organes, la vente de produits pour des associations humanitaires ou sportives… Mais attention à l’engagement politique ! Il doit rester individuel car les opinions politiques ne doivent pas influencer le management. D’ailleurs, l’engagement politique est à double tranchant. Il peut attirer des clients mais aussi en faire fuir. En revanche, un engagement associatif ne peut être que positif car il permet de véhiculer une image positive de l’officine et peut être générateur de chiffre d’affaires. Si le titulaire communique, son officine peut être reconnue comme une entreprise citoyenne. Dans le cas d’un engagement à vocation médicale, il sera reconnu comme un professionnel de santé compétent. S’il est membre d’une association locale (sportive, développement durable, aide aux patients ou personnes isolées…), son officine et lui seront identifiés comme s’engageant au service de la commune. »
- Enquête de l’Anepf : la vie des étudiants en pharmacie, pas si rose
- Économie officinale : faut-il ressortir les gilets jaunes et les peindre en vert ?
- Prescription des analogues du GLP-1 : les médecins appellent au boycott du dispositif imposé
- Bon usage du médicament : doit-on oublier la dispensation adaptée ?
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- 5 outils d’IA qui ont fait leurs preuves à l’officine
- Administration des vaccins : la formation des préparateurs entre dans le DPC
- Diaralia : retrait de lot
- Quétiapine en rupture de stock : comment adapter la prise en charge des patients ?
- Prevenar 20, Voltarène, Talzenna… Quoi de neuf côté médicaments ?