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Un écosystème pour une meilleure qualité de vie
Onco’Link. Le suivi à domicile des patients sous anticancéreux oraux fait l’objet d’une expérimentation mise en place et coordonnée par Unicancer
Qu’est-ce qu’Onco’Link ?
C’est une expérimentation « article 51 ». La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 a introduit, dans son article 51, un dispositif permettant de tester de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits. Elles doivent contribuer à améliorer le parcours des patients, l’efficience du système de santé, l’accès aux soins ou la pertinence des prescriptions.
Quel est son objectif ?
Onco’Link vise à expérimenter un circuit pluri-professionnel ville-hôpital de suivi et d’accompagnement des patients sous chimiothérapie orale
Comment est né ce projet ?
Plusieurs établissements de santé avaient soumis des lettres d’intention dans le cadre de l’article 51 pour travailler sur des projets de chimiothérapies orales. Le ministère de la Santé a demandé que tous se rassemblent sur un projet unique. D’où Onco’Link, porté par Unicancer, groupement des Centres de lutte contre le cancer (CLCC). Dès 2018, Unicancer a œuvré avec les Agences régionales de santé (ARS), la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), le ministère de la Santé, les Centres de lutte contre le cancer et d’autres établissements afin d’élaborer un cahier des charges. Puis il a fallu attendre la parution d’un arrêté au Journal officiel, le 9 décembre 2020, pour que l’expérimentation débute. « Nous avons alors pu nous mettre en ordre de bataille pour mettre en œuvre le dispositif, la facturation, et tout ce qui est conventionnel entre l’Assurance maladie et les établissements, explique Sandrine Boucher. Notre premier patient a été inclus le 1er octobre 2021 ».
Combien de centres le mettront en place ?
Le projet se déroule en deux phases, avec une phase pilote de neuf mois, avec vingt-quatre établissements jusqu’en juin 2022, puis une phase cible de vingt-quatre mois jusqu’en décembre 2023, avec vingt et un établissements de plus. « Il y a nos vingt sites CLCC, mais aussi des établissements publics, un établissement privé à but commercial, un établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic) non CLCC, deux centres hospitaliers universitaires, des établissements de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) et des Hospices civils de Lyon (HCL), des centres hospitaliers », énumère Sandrine Boucher.
Concrètement, en quoi consiste Onco’Link ?
Il est découpé en trois séquences. « La première correspond en général à la phase d’initiation du traitement, qui dure un mois. Elle comprend la consultation tripartite hospitalière. Le patient voit le même jour, ou sous 48 heures, l’oncologue, le pharmacien hospitalier et l’infirmière coordinatrice », explique Manon Teytaud. Le pharmacien hospitalier contacte le pharmacien du patient et lui demande s’il veut entrer dans le dispositif Onco’Link. S’il est d’accord, l’officinal doit renvoyer un bulletin d’adhésion. Puis a lieu la conciliation médicamenteuse. Le pharmacien hospitalier demande à l’officinal quels médicaments ou autres produits prend habituellement le patient. En même temps, l’infirmière coordinatrice contacte le médecin traitant. « On explique brièvement au pharmacien d’officine le traitement, l’expérimentation et ensuite on envoie un mail qui synthétise l’expérimentation, le compte-rendu de l’entretien et le bilan de conciliation qu’on a fait en intra-hospitalier, avec un compte-rendu sur l’analyse pharmaceutique des interactions. On s’engage à l’envoyer dans les 48 heures qui suivent l’entretien, poursuit Manon Teytaud. Nous avons aussi un portail de suivi des patients à travers la solution Exolis, principalement utilisée par nos infirmières de coordination et les patients. Tous les mois, ou toutes les semaines, nous envoyons un questionnaire aux patients sur une application mobile – Bergonié Uniconnect – afin d’avoir les remontées éventuelles des toxicités, des troubles de l’observance, des douleurs ». Cette première séquence dure un mois.
Et ensuite ?
La deuxième séquence dure trois mois. « Nous demandons à chaque dispensation une remontée de compte-rendu par le pharmacien d’officine (voir témoignage) et un suivi via les questionnaires remplis par le patient, explique la pharmacienne de l’institut Bergonié. Cette séquence est renouvelable autant de fois que nécessaire. Si, à la fin, nous considérons que notre patient va bien, qu’il a une bonne observance, qu’il est autonome sur sa prise en charge et que ses professionnels de santé se coordonnent correctement, nous le passerons en troisième séquence, pour un minimum de six mois. Et finalement, l’établissement de santé laissera la main aux professionnels de ville pour le suivi rapproché de l’adhésion thérapeutique et des toxicités. Malgré tout, nous gardons la possibilité d’avoir des échanges avec les équipes libérales et le patient qui, à travers son application, peut nous contacter à tout moment au besoin ». Pour l’instant, « nous n’avons que sept patients en troisième séquence car il faut au moins quatre mois pour y parvenir », précise Sandrine Boucher.
Qu’en est-il de la rémunération des officinaux ?
Si le traitement de chimiothérapie orale est délivré à l’officine, les première et deuxième séquences sont rémunérées 80 € (40 € si rétrocession), et 50 € la troisième. La rémunération est déclenchée à la fin de chaque séquence.
Comment sont remontées les données de l’expérimentation ?
Les solutions informatiques sont laissées au choix des centres expérimentateurs, le but étant que les données remontent aux deux plateformes mises en place : la plateforme facturation gérée par la Cnam, qui verse les rémunérations, et la plateforme « données des patients », gérée par Unicancer, qui seront analysées fin 2023.
Combien y a-t-il de patients ?
14 855 patients, 2 255 en phase pilote et 12 600 ensuite. « Au 15 mars 2022, nous avons inclus 833 patients sur les vingt-quatre établissements et 70 % des pharmaciens d’officine ont retourné leur bulletin d’adhésion et accepté de participer, alors que sur les six premiers mois, on a eu quatre mois de Covid », se félicite Sandrine Boucher. Côté médecins, seuls 13 % ont accepté d’y prendre part.
Quel est le coût du projet ?
« Notre budget est de 33,4 millions d’euros pour les établissements, le pilotage et la mise à disposition de l’outil de recueil des données », répond Sandrine Boucher.
(1) Groupement de coopération sanitaire (GCS, plus d’infos sur unicancer.fr/fr/groupe-unicancer/ organisation), une fédération qui rassemble les dix-huit Centres de lutte contre le cancer (CLCC) sur vingt sites majeurs, et un établissement affilié (Sainte-Catherine à Avignon), tous dédiés au cancer. Unicancer mutualise les moyens, est porteur de recherche clinique. C’est lui qui porte le projet Onco’Link.
(2) Hormonothérapie en situation adjuvante (tamoxifène, anastrozole…) et chimiothérapie intraveineuse exclues.
Sandrine Boucher, directrice Stratégie médicale et performance à Unicancer.
Manon Teytaud, pharmacienne hospitalière, institut Bergonié, Centre de lutte contre le cancer à Bordeaux (33).
Témoignage “Cette expérimentation est bien pensée et bien organisée”
Camille Drumel, pharmacienne titulaire à Saint-André-de-Cubzac (33), participe à Onco’Link
De quelle manière avez-vous rejoint le dispositif ?
Manon Teytaud, pharmacienne Unicancer de l’institut Bergonié, m’a approchée en novembre 2021 car l’une de ses patientes se servait chez nous et entrait dans Onco’Link, un protocole expérimental de chimiothérapie dispensée en ville, à l’officine. Elle m’a expliqué ce qu’était Onco’Link. Cette patiente, sous rucaparib (Rubraca) pour un cancer de l’ovaire, avait donné son accord pour que je sois contactée. Puis, madame Teytaud m’a envoyé un bulletin d’adhésion, les formulaires de comptes-rendus, un guide d’entretien assez simple à remplir après chaque délivrance et des fiches médicaments via Oncolien.
Comment ça s’est passé la première fois ?
J’ai réalisé un entretien de quinze à vingt minutes avec la patiente lors de la première délivrance. Je ne lui ai rien appris, elle était plus calée que moi ! J’ai ensuite envoyé un compte-rendu à madame Teytaud, quelques lignes par messagerie sécurisée. Puis, à chaque renouvellement, j’avais un nouvel entretien de quinze minutes avec cette patiente dont j’évaluais le score d’observance. Ces entretiens ont été les plus intéressants parce que c’est là qu’elle me disait si elle subissait des effets indésirables, comment elle prenait son traitement, si elle ne l’oubliait pas, si elle avait des questions. Des nausées, des vomissements, un goût métallique dans la bouche la gênaient beaucoup, elle était très fatiguée et pas très en forme. Je l’ai fait remonter par compte-rendu.
Qu’est-ce qui vous a séduite dans cette démarche ?
Cette expérimentation Onco’Link est facile à mettre en œuvre pour nous car elle est cadrée. On nous envoie tous les documents nécessaires. Le travail qu’on doit mener en retour est moins important, je pense, que de réaliser un entretien pharmaceutique de A à Z. Je trouve très intéressant de pouvoir valoriser mon travail, de montrer que nous sommes des professionnels de santé à part entière, et capables de jouer un rôle important dans cette coordination. Cette patiente a arrêté son traitement en février. Elle a changé de protocole pour une chimiothérapie à l’hôpital. Aujourd’hui, c’est une patiente que l’on connaît vraiment, avec qui on discute et qui nous dit où elle en est dans son parcours.
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