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Un décret pour prescrire à distance
Un nouveau projet de décret encadrant la prescription à distance (sans examen préalable de l’animal) est sur le point d’être diffusé. Cette fois, il n’entérinerait pas les dérives des ayants droit ni ne favoriserait les intérêts particuliers.
Le dossier vétérinaire est susceptible d’évoluer rapidement. Lors du 56e Congrès national des pharmaciens qui s’est tenu à Beaune le 18 mai, Hélène Sainte-Marie, responsable de la sous-direction « Politique des produits de santé » à la DGS, a annoncé qu’un nouveau projet de décret concernait l’assouplissement des conditions de prescription des vétérinaires. Un précédent projet, s’inspirant des conclusions du rapport IGAS-COPERCI (voir Le Moniteur n° 2449 et 2463), avait fait l’unanimité contre lui. « Il a provoqué une volée de bois vert de la part des ayants droit sans aucun précédent dans toute ma carrière administrative, note Hélène Sainte-Marie. Mais toutes les critiques à son encontre étaient divergentes ! »
Pour l’officine, l’autorisation faite au vétérinaire de délivrer des médicaments sans examen préalable des animaux et aux éleveurs de se fournir librement à son cabinet, dans la première mouture du projet de décret, était inacceptable car elle revenait à entériner les abus constatés. « Elle laissait libre cours à l’interprétation et à des dérives incontrôlables », critique Vincent Ramon, vice-président de l’Association de pharmacie rurale (APR).
Reprenant le principe d’un « audit sanitaire d’élevage », le nouveau projet de décret statuera notamment sur les traitements préventifs et les renouvellements d’ordonnances dans le cadre des suivis sanitaires d’élevage, ainsi que les traitements liés à des pathologies ne nécessitant pas l’analyse des animaux. Avec un objectif affiché : encadrer davantage la prescription à distance des vétérinaires en mettant en place « un système contraignant de surveillance sanitaire ». Un audit sanitaire d’élevage débouchera ainsi sur une convention vétérinaire-éleveur avant même de commencer la collaboration. Le programme sanitaire sera issu de cet audit, et « c’est dans ce contexte », précise Hélène Sainte-Marie, « qu’il sera possible au vétérinaire de délivrer des médicaments en lien avec les soins définis par le programme à distance ».
Satisfecit à l’APR.
Hélène Sainte-Marie a notamment rassuré la pharmacie en précisant que ces suivis sanitaires n’autoriseront pas les vétérinaires à tenir officine ouverte dans n’importe quelles conditions et qu’il ne sera pas question, non plus, de permettre la dispensation de produits sans ordonnance préalable.
« Le fait de finaliser un audit validé par une convention de suivi sanitaire entre un éleveur et un vétérinaire permet à cet ayant droit d’exercer son mandat sanitaire en étant rémunéré par des honoraires, et de désolidariser ainsi la délivrance de la prescription », souligne Vincent Ramon. Le nouveau texte doit préciser les cas dans lesquels les prescriptions à distance seront autorisées. Cette nouvelle mouture sera soumise à la profession en juin. A noter cependant que cela reviendrait finalement à distinguer, dans le Code de la santé, la définition d’une ordonnance liée au médicament à usage humain de celle liée au médicament vétérinaire… Demandant que « le métier soit remis sur l’ouvrage dans le cadre d’une mission parlementaire », Vincent Ramon appelle l’ensemble des parties « à trouver ensemble des solutions innovantes pour garantir au consommateur une sécurité alimentaire maximale ».
Discordance.
Dans ce débat ouvert, Jean-Marc Bénaiche, président du Groupement technique Rhône-Alpes des pharmacies vétérinaires d’officine (GTRAPVO) et membre de la commission des affaires rurales de l’USPO, ne partage pas l’enthousiasme de son confrère. Il craint que la prescription à distance attribue au vétérinaire la totalité du contrôle du médicament vétérinaire. Constatant que « 10 % des actes sanitaires sur les animaux de rente se font lors de l’intervention des vétérinaires dans les exploitations et 90 % par les éleveurs en automédication », il propose une solution qu’il estime plus pragmatique, faisant participer chaque professionnel : « Lors de l’audit, le vétérinaire formulerait des protocoles de soins pour les pathologies courantes que l’éleveur est amené à diagnostiquer lui-même. Ainsi, le libre choix de son fournisseur et la libre concurrence entre ayants droit seraient respectés. Le pharmacien pourrait être le dispensateur mais aussi le prescripteur des produits les plus adaptés et remettre à l’éleveur, à l’issue de son acte, un protocole pharmaceutique de bon usage du médicament. »
Pour responsabiliser les acteurs, assurer la sécurité sanitaire et la traçabilité des produits administrés, le GTRAPVO plaide en faveur de la création de réseaux départementaux regroupant éleveurs, vétérinaires et officinaux, sur la base du volontariat et d’un socle commun de formation validante.
« Il y a beaucoup d’efforts de conseils à faire côté pharmaciens »
Le Congrès national des pharmaciens a donné le lieu le 18 mai à une table ronde réunissant pour la première fois des représentants de vétérinaires, pharmaciens, consommateurs, politiques… Morceaux choisis.
– Robert Allaire, président du snvp (vétérinaires) : « J’ai des confrères qui se laissent aller, mais vous en avez aussi. Nous avons tous nos « cartels de Medellín ». D’ailleurs, j’ai moi-même mis au tribunal à la fois des pharmaciens et des vétérinaires. Je ne parle pas là de péchés véniels mais de gros trafics. J’engage aussi vos organisations à faire le ménage. (…) L’enjeu [économique] est bien sûr très important pour nous. Il faut bien de l’économie pour vivre. Nous en sommes tous là. Si on ne peut plus à la fois prescrire et délivrer, il n’y aura plus de vétérinaires. »
– Hélène Sainte-Marie (DGS) : « Au ministère, nous avons besoin d’y voir plus clair : qu’est-ce qui sépare le vétérinaire raisonnable qui va délivrer un certain nombre d’ordonnances de celui qui va tenir officine ouverte et laisser son assistante délivrer des paquets entiers de produits ? »
– Micheline Bernard-Harlaut (centre technique régional de la consommation d’Ile-de-France) : « On ne sait jamais en entrant chez un vétérinaire combien ça va nous coûter. Donc nous nous rabattons chez l’officinal qui apporte plus de garanties au niveau des prix. Mais il y a encore beaucoup d’efforts de conseil à faire côté pharmacie. »
– Marc Bernier, député UMP de Mayenne, membre de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé : « Il ne faut pas trop plomber cette loi de 75 qui a fait faire beaucoup de progrès et qui a été une première en Europe […]. Pharmaciens et vétérinaires sont dans la même galère […]. Un nouveau décret, oui. Mais il ne faut pas générer plus de paperasse. Les éleveurs passent déjà plus de temps à remplir des papiers qu’à travailler. »
– Charles Descours, ex-sénateur : « Le lobby de l’agriculture a pesé très fort pour la séparation Afssaps/AFSSA et mettre le médicament vétérinaire dans l’AFSSA. C’était le souhait des éleveurs et des vétérinaires. Je ne vois pas de solution miracle. On ne peut trancher en noir et blanc. »
– Pierre Crouchet, vice-président de l’APR : « Concernant l’application de la réglementation, le problème c’est que le pharmacien voit à 99,9 % des médicaments à usage humain sur l’ordonnance. »
– Christian Blaesi, section A de l’ordre : « Nous ne voyons jamais d’ordonnance pour des prescriptions vétérinaires. »
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