Services : et si on parlait stratégie ? 

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Services : et si on parlait stratégie ? 

Publié le 11 août 2023
Par Matthieu Vandendriessche
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Les officines élaborent leur offre de services en associant missions conventionnées et propositions de nature commerciale comme le click and collect et la livraison à domicile. Pour aboutir à une offre durable, rentable et reconnue. Des pharmaciens titulaires partagent leur stratégie.

C’est une dimension nouvelle pour l’officine. Proposer un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) de l’angine puis délivrer un antibiotique sur ordonnance conditionnelle ou sur protocole dans un cadre interprofessionnel. Voilà deux services conventionnés qui s’enchaînent parfaitement. « Même si elle n’a pas un grand intérêt économique, nous sommes désormais en capacité de proposer une solution cohérente et complète. Plus je m’investis dans les nouvelles missions, plus je me sens à l’aise et plus cela enrichit mon exercice », rapporte Eric Myon. Le pharmacien, titulaire à Paris et secrétaire général de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), se réjouit de travailler au sein d’une structure d’exercice coordonné« Quand un diabète est détecté à l’officine, je peux faire appel aux diabétologues qui sont dans la communauté professionnelle territoriale de santé, la CPTS Paris 8. L’intégration du patient dans le parcours de soins se fait en 48 heures. » Tout cela participe, selon lui, à faire de la pharmacie un « “hub santé” de prévention et d’accompagnement des patients et des aidants où tous les services vont se croiser ». Qu’en est-il de la coexistence entre les services conventionnés et ceux qui ne le sont pas ? « Ils sont complémentaires, souligne Victorien Brion, pharmacien titulaire à Saint-Ouen-du-Tilleul (Eure). Remarquons que les premiers sont généralement réalisés en présentiel, à l’intérieur de l’officine. Alors que les seconds, comme le click and collect et la livraison de médicaments, s’inscrivent dans le prolongement de l’activité officinale. C’est une démarche d’“aller vers” le domicile et les outils numériques sont là pour nous y aider. » La différence majeure est d’abord celle de la prise en charge. « Pour les services, la frontière semble moins marquée entre le tout gratuit d’un côté et le tout payant de l’autre, considère Eric Myon. Aujourd’hui, les patients sont prêts à payer pour un service de santé. En se faisant vacciner, certains m’ont demandé s’ils me devaient quelque chose. » Une attitude également relevée par Laurent Filoche. « Mais seulement aux débuts de la vaccination. Rapidement, le patient a relié l’acte vaccinal à un acte médical donc non payant », renchérit ce titulaire installé à Blagnac (Haute-Garonne) et président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Ce qui n’est pas remboursé n’est pas facturé, tranche-t-il.

Service de livraison : une offre différenciante

Dans ces conditions, comment rentabiliser par exemple une livraison au domicile qui reste à la charge de l’officine ? Victorien Brion y a réfléchi avant même son installation, en juillet 2022, pour satisfaire une patientèle à quelques kilomètres à la ronde. « Il y a deux niveaux de services. D’une part, une livraison intégrée à l’organisation de l’officine, assurée une fois par mois, sans impact sur les charges et sans frais pour le patient. D’autre part, je veux proposer un service à la carte avec une livraison dans la demi-journée si besoin, au domicile du client ou sur son lieu de travail. » Des pharmaciens choisissent par ailleurs de miser sur ce service en en faisant une arme concurrentielle. « La livraison est un outil pertinent mais qui, développée à grande échelle, relève d’une approche consumériste et commerciale. Elle n’offre pas la meilleure qualité d’échange avec le patient. A l’heure de l’intelligence artificielle et d’Amazon, n’avons-nous rien de mieux à lui proposer ?, pointe Eric Myon. Pour Barbara Le Boënnec, qui vient de reprendre une officine dans le centre de Lyon (Rhône), un retour aux fondamentaux s’impose avant de bâtir son offre. « Le rôle d’un pharmacien professionnel de santé est d’apporter une réponse objective aux besoins des malades et non de susciter des demandes au travers d’une profusion d’offres de produits ou de services. Dans ce contexte, les missions conventionnées et les services hors convention ne sont utiles qu’à la condition d’apporter une amélioration à la dispensation des ordonnances. Et de s’inscrire dans le fonctionnement du modèle où l’intérêt de la maîtrise du trafic se manifeste par la connaissance qu’elle apporte des pathologies dont souffrent les patients ». Un cercle vertueux, en quelque sorte. De même, le déploiement de nouvelles propositions a été boosté par la vaccination et la réalisation des tests antigéniques« La pratique des services entraîne une dynamique et l’envie d’enrichir sa palette », assure Eric Myon. Mais attention à ne pas décevoir. « Si on lance un service, il faut qu’il marche et qu’il se maintienne. Sinon, c’est la déception. La qualité doit être à la hauteur des exigences du patient », rappelle Laurent Filoche. Il y a un maître-mot dans cette mise en œuvre, la structuration, soutient Xavier Mosnier-Thoumas, titulaire à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde) et cofondateur de la plateforme meSoigner.fr« On reconnaît désormais une officine orientée vers les services. Ils s’enchaînent les uns avec les autres. Quand les clients prennent rendez-vous pour une vaccination, par exemple, ils voient l’ensemble de ce qui est proposé. Cela passe aussi par la visibilité des cabines de confidentialité dès l’entrée dans l’espace de vente. » Cette visibilité des services est essentielle aux yeux de Victorien Brion : « Tous les clients ne vont pas utiliser le click and collect, mais cela veut dire plein de choses que l’on va retrouver dans la pharmacie. »

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