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Services compris !
Consultations, dépistages, éducation thérapeutique, vaccination… Olivier Picard est « branché services ». Ces nouvelles missions que ses confrères français envisagent de développer, ce Nancéen de 35 ans en est l’un des pionniers en Angleterre, où il travaille depuis l’obtention de son diplôme.
Olivier Picard est sans doute le pharmacien français qui a développé le plus de services pharmaceutiques… mais en Angleterre. Plus exactement dans ses trois pharmacies de Reading (672 500 Euro(s) de CA, 269 000 Euro(s) à l’achat*), Twyford (785 000 Euro(s) de CA), toutes les deux à l’ouest de Londres, et Lane End, au nord-ouest de Londres (500 000 Euro(s) de CA). « J’en avais assez de faire du comptoir », avoue-t-il en entrant dans l’espace de confidentialité de l’officine de Lane End pour mesurer mon taux de CO2 dans le sang, véritable « détecteur de mensonges » pour fumeurs qui entrent en consultation de « stop smoking ».
« Choisir l’emplacement de cette pièce [de quelque 2 m sur 1,5] a été ma première préoccupation lorsque j’ai repris ce local en vue de développer les consultations, confie Olivier Picard. C’est aussi ici que je réalise les medicine use reviews [voir encadré]. » A côté de cette pièce se trouve un mur de bannettes au nom des clients habituels, où figurent les fiches de renouvellement d’ordonnances, toutes prescrites en DC, ainsi que les piluliers prêts pour le portage à domicile.
A l’affût de tout ce qui peut diversifier l’activité
Olivier Picard développe tous les services pharmaceutiques possibles proposés par le National Health Service (NHS), la Sécu britannique. « C’est l’avenir. Le métier est valorisé et, de toute façon, sans développement des services nous sommes morts économiquement car nous subissons désormais des coupes sur le médicament chaque année. Pour vous donner une idée, les 550 millions de livres [616,5 MEuro(s)] retirés au médicament en 2007 ont représenté 4 000 £ [4 484 Euro(s)] de manque à gagner par pharmacie et par mois, rappelle-t-il. Nous nous devons d’évoluer. »
Ce que ce confrère a toujours fait puisqu’il a suivi un stage universitaire de 5e année dans un hôpital new-yorkais et un stage de 6e année outre-Manche où il a suivi son amie Alix. S’ensuivront un poste de manager d’une pharmacie Moss** dans la grande banlieue de Londres puis un autre de manager de région pour le district du Surrey, au sud de Londres. « Je me suis alors dit : « Si je peux faire tourner 25 officines, pourquoi ne pourrais-je le faire pour mes propres pharmacies ? »… » Il lui faudra un an pour trouver une officine – sans apport -, à Reading, ville de 130 000 habitants constituée de logements sociaux sur le point de fermer.
Trois ans après, Olivier partage son temps entre ses officines avec ses trois pharmaciens managers. Au sein du comité local de pharmaciens qui négocie avec le Primary Care Trust (PCT), caisse régionale d’assurance maladie qui contracte avec les pharmaciens, il est à l’affût de toute expérimentation susceptible de diversifier son activité. « Je dois pour cela suivre une formation continue qui coûte de 400 à 600 £ (450 à 670 Euro(s) environ) par an et par service », m’explique-t-il sur la route qui nous conduit à Reading, à 39 kilomètres de là.
Les pharmaciens indépendants sont plus actifs
Une fois arrivés à la pharmacie, nous allons directement en salle de consultation, qui a ici l’aspect d’un véritable bureau où s’alignent sur des étagères le matériel, la documentation et les formulaires liés à chaque service. Un rendez-vous de vaccination contre la grippe saisonnière est prévu dans 10 minutes. « Il s’agit du seul service auquel je participe qui n’est pas encore pris en charge par le NHS. C’est pourquoi je suis le seul à avoir suivi la formation et à vacciner dans les trois pharmacies. Il me faut faire 40 vaccinations dans l’année pour rentabiliser ma formation. » La jeune femme à vacciner arrive. 15 minutes plus tard, les questionnaires de santé et la piqûre ont été réalisés. Pendant ce temps-là la vidéo de l’officine montre une patiente buvant sa méthadone dans le back-office. Puis une autre qu’Olivier suit en « stop smoking ». Elle n’avait pas pris rendez-vous, mais il la prend illico en consultation. C’est l’un des 360 rendez-vous annuels effectués cette année à Reading auprès des 30 patients qui y sont suivis en sevrage tabagique.
A Twyford, officine plus petite mais qui réalise davantage de CA, notamment en OTC, la population étant plus favorisée, le manager d’Olivier a déjà recruté 15 patients en surpoids afin de participer à la détection de leur risque cardiovasculaire dans le cadre d’une opération pilote. « Le PCT a sélectionné 5 indépendants et 5 pharmacies de chaîne. Les cinq indépendants ont recruté 90 % des patients ! Le problème des chaînes, c’est que les équipes ne sont pas forcément intéressées aux résultats de ce type d’expérimentation et ne sont pas toujours motivées. Pourtant, une chaîne comme Lloyds a joué un rôle moteur dans le développement des services. Le danger, ce ne sont ni les chaînes, ni les supermarchés, bien que Tesco parle d’avoir ses propres cabinets médicaux. Ce qui me fait le plus peur, c’est la loi permettant toute création de pharmacie dès lors que l’on s’engage à ouvrir au moins 100 heures par semaine, ainsi que les médecins regroupés qui ouvrent une officine dans leur cabinet [comme dans le village de Lane End où la pharmacie est menacée]. » Depuis cette loi promulguée il y a 2 ans, Olivier a décidé d’arrêter les gardes et de ne se lancer dans de nouveaux achats de pharmacies que lorsqu’elle sera abrogée. Dans pas très longtemps, pense-t-il.
Pharmacien prescripteur indépendant
En attendant, il continuera à innover. « Je pense que la prise en charge en officine des pathologies mineures, qui a été interrompue au bout de 3 ans car peu utilisée, va être relancée en Angleterre par le NHS car elle marche bien en Ecosse. Nous aurons aussi probablement un jour les vaccinations du voyageur, la mesure de l’INR… », prévoit-il. La possibilité de faire n’importe quel test de diagnostic à l’officine est également en projet. En attendant, Olivier a passé en mai son diplôme de pharmacien prescripteur indépendant après un retour de six mois sur les bancs de la faculté. « Rex, mon manager de Lane End, qui a 58 ans, me dit qu’il va partir à la retraite juste au moment où la pharmacie devient excitante… »
* Les faibles CA par rapport à la France sont notamment dus à l’obligation de déconditionner pour vendre la dose strictement nécessaire à la prescription.
** Chaîne d’Alliance Unichem avant sa fusion avec Boots.
Les services proposés par Olivier Picard (1)
Services avancés (ouverts à tous les pharmaciens)
– « Medicine use reviews » : évaluation de l’observance, des posologies, de la connaissance de leur traitement par les patients. Consultation de 20 minutes : 28 £ (31,40 Euro(s)).
Services supérieurs
u Dépistage du risque cardiovasculaire (HTA, mesure du cholestérol, du diabète, de l’IMC, éducation sanitaire) en vue d’une orientation éventuelle vers le médecin : 15 £ (16,80 Euro(s)) par consultation de 15 minutes environ.
– « Weight management » (surpoids) : 288 £ (322,80 Euro(s)) par patient pour 12 rendez-vous par an.
– Sevrage tabagique : 40 £ (44,80 Euro(s)) pour 12 rendez-vous.
– Contraception d’urgence : consultation de 5 minutes, 5 £ (5,60 Euro(s), plus la vente du produit), éventuellement suivie d’un test de chlamydia.
– Substitution aux opiacés : honoraires de supervision de 50 £ (56 Euro(s)) par patient et par mois en plus de la vente de méthadone ou Subutex.
– Echange d’un « pack propre » contre un conteneur où le patient a mis ses seringues usagées : 1 £ (1,12 Euro(s)) par pack.
– Vaccination contre la grippe saisonnière (2) : 16,95 £ l’acte + le vaccin (18,80 Euro(s)).
(1) Leur rémunération varie d’une caisse régionale d’assurance maladie à l’autre.
(2) Non pris en charge par le NHS.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– Les pharmaciens, notamment les jeunes qui démarrent, trouveront le métier plus intéressant en développant des services à l’officine, même si cela est parfois difficile.
– Les services sont très bons pour la confiance et la fidélisation.
– Il s’agit d’un atout économique : le CA des services reste faible en Angleterre (2 à 3 % en moyenne), mais c’est de la marge nette…
Les difficultés
– Attention à votre responsabilité : en Grande-Bretagne, les gens ont tendance à intenter des procès pour négligence. D’où l’intérêt de services encadrés par des normes.
– « Avec les dépistages liés au risque cardiovasculaire et au surpoids par exemple (diabète, cholestérol…), nous empiétons sur le travail des médecins qui ont tendance, par principe, à refaire faire les analyses. »
– « D’une façon générale, les médecins prennent plus ou moins bien cet essor des services en pharmacie. En matière de vaccination, par exemple, je suis très prudent et renvoie certains patients à leur praticien. »
Les conseils d’Olivier Picard
– « Si vous avez l’opportunité de vous lancer dans de nouvelles missions, de nouveaux services à l’officine, n’en développez pas plusieurs à la fois et faites-le après des formations et dans le cadre de normes. Ne vous lancez pas seul. »
– « Commencez de préférence par des services s’accompagnant, le cas échéant, d’une vente de produit. Si possible dans le cadre du tiers payant. »
– « Ici, le « stop smoking » et le « morning after pill », consultation liée à la contraception d’urgence, sont sans doute les services les plus accessibles au départ. »
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