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S’engager sur la voie des CPTS : Pourquoi ? Comment ?
Prendre le train en marche, être la locomotive mais surtout ne pas rester sur le quai. Voici, en substance, le chemin à suivre pour les trois ans à venir, afin de transformer l’essai des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), dans le cadre d’une réforme de notre système de santé où le gouvernement a clairement sonné la fin du paiement à l’acte, au profit d’un parcours de soins coordonné du patient.
EPS, MSP, des abréviations pas toujours claires pour vous ? Dommage, il va maintenant falloir vous habituer à un nouveau sigle : CPTS. Inscrite en lettres capitales dans la stratégie du gouvernement, la communauté professionnelle territoriale de santé est l’une des grandes lignes de la réforme du système de santé présentée le 18 septembre par le président de la République. Au cœur du plan « Ma santé 2022 », émerge la volonté de créer un collectif de soins au service des patients. Dans le cadre de ce big bang territorial de l’interprofessionnalité, il est en effet prévu de déployer sur le territoire national 1 000 CPTS à l’horizon 2022.
Créées en janvier 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé, louées dans le rapport de Thomas Mesnier, député LREM de Charente, remis en mai dernier à la ministre de la Santé en faisant de l’accueil des soins non programmés une de leurs missions prioritaires, les CPTS constituent un mode d’organisation dans lequel l’état laisse l’initiative aux libéraux. A charge pour eux de renforcer leur coordination, pour une population sur un territoire et au service d’une prise en charge plus intégrée.
« Dans une CPTS, les professionnels de santé se coordonnent autour du patient pour rendre son parcours de soins plus efficient, on suspend le multipro pour aller vers l’interpro et vers des financements aux parcours de soins. Ne pas y aller, c’est s’exclure demain », prévient Sophie Sergent, présidente de la commission des unions régionales des professions de santé (URPS) de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Olivier Rozaire, président de l’URPS Pharmaciens- Auvergne-Rhône-Alpes et président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) de la Loire, ne dit pas autre chose : « Le pharmacien doit prendre conscience que l’exercice isolé n’est plus une voie d’avenir pérenne. Et voir la CPTS comme l’opportunité de développer de l’activité supplémentaire, de se positionner comme acteur majeur dans l’organisation des soins, et ainsi éviter une fuite vers d’autres prestataires. On peut imaginer que l’amélioration des échanges avec les structures hospitalières, là aussi, apporte un développement à l’activité de l’officine. »
Prendre appui sur l’existant
Deux ans après le vote de la loi, Agnès Buzyn a missionné l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour dresser un premier bilan des CPTS. Environ 200 CPTS sont à ce jour recensées, dont une trentaine a déjà contractualisé avec les agence régionale de santé (ARS).
Pour réussir ce virage ambulatoire, il va falloir mettre tous les ingrédients dans la marmite. En particulier pour lever certains freins : crainte de projets chronophages, difficultés à modifier les comportements, peur du changement, problèmes d’interopérabilité des systèmes informatiques… risquent de se dresser sur le chemin des CPTS et de l’exercice coordonné. « Il y a bien sûr un certain nombre de prérequis à remplir : connaître son environnement et les professionnels de santé de son territoire, échanger ensemble, connaître la position de son ARS, avoir une messagerie sécurisée, avoir envie d’avancer et de créer un projet de coordination, faire bouger son territoire pour le rendre attractif », expose Sophie Sergent.
Les pharmaciens ne partent cependant pas de rien. « Ils peuvent s’appuyer sur une dynamique de terrain, un projet déjà existant au niveau d’une équipe de soins primaires (ESP) qui pourrait alors servir de fondation », souligne Olivier Rozaire. « Plus de 95% des CPTS validées par les ARS ont plusieurs maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), elles doivent servir de pilier d’ancrage, car elles ont les moyens d’assurer cette coordination », ajoute Brigitte Bouzige, vice-présidente de la Fédération française des maisons et pôles de santé.
Qui va piano va sano
S’il n’y a pas de modèle type de CPTS, relève l’Igas, en revanche, le choix de son périmètre risque d’être délicat et dépendant des logiques de territoires et des acteurs. Ainsi, sur un territoire rural de 30 000 habitants, L’Igas constate que les CPTS regroupent environ 100 professionnels de santé, et sur un territoire semi-rural et péri-urbain de 30 000 à 80 000 habitants, jusqu’à 300. Avec la difficulté d’avoir un système d’information permettant la coordination de tous les acteurs. « Il ne faut pas démarrer par un trop gros périmètre, une association de 50 professionnels de santé, c’est bien pour commencer », conseille Daniel Rigaud, titulaire à Yenne (Savoie), qui a monté une CPTS il y a deux ans dans son département.
Autre condition indispensable : un soutien plus fort des pouvoirs publics auprès des acteurs. Il devra se concrétiser de plusieurs façons. « Le projet du président de la République prévoit une évolution du cadre, et notamment du cahier des charges pour les CPTS, dont nous n’avons pas encore connaissance, celui-ci sera défini début 2019 », note Sophie Sergent. L’objectif est de ne pas étouffer les porteurs de projets de santé avec des dossiers compliqués et une bureaucratie pesante. « La présentation d’un projet devrait pouvoir tenir sur une feuille A4 à condition que les personnels de l’ARS soient bien formés », espère Daniel Rigaud, qui, lui, n’a pas compté ses heures (entre 60 et 100 heures de bénévolat) pour obtenir son premier financement, une mise de départ de 10 000 €.
De nouvelles rémunérations par voie conventionnelle ou législative
Jusqu’ici, le soutien de l’Etat a été très modeste et le financement des CPTS au bon vouloir des ARS. Dans son rapport, l’Igas rappelle qu’elles ne peuvent exister sans un financement pérenne, préconise le maintien de dotations régionales de l’ARS (fonds d’intervention régional- FIR) pour le démarrage mais, ensuite, l’engagement d’une négociation en vue d’un accord conventionnel interprofessionnel dès 2019. Tout reste à faire car ces financements conventionnels et pérennes ne sont pas connus pour le moment. Le fait que les syndicats s’emparent de la CPTS rajoutera, selon Brigitte Bouzige, de la complexité : « Cela va être compliqué de mener une négociation pluriprofessionnelle avec des syndicats monocatégoriels. »
Les travaux ministériels, gouvernementaux et conventionnels seront donc déterminants pour stimuler la création de CPTS et les projets des professionnels de santé.
« Vous ne serez pas seuls, les URPS seront à vos côtés pour vous accompagner », assure Olivier Rozaire, invitant les pharmaciens à s’ouvrir à ce qu’on pourrait leur proposer dans le cadre d’une CPTS, ou même en être à l’initiative. Comme l’explique Sophie Sergent, les officines ont tous les atouts en main : « Elles offrent déjà une excellente répartition démo-géographique aux patients ; les pharmaciens peuvent tout naturellement être à l’origine de la création des CPTS pour fluidifier les parcours et participer, comme ils le font déjà, à la coordination des acteurs. » Et Brigitte Bouzige résume assez bien le propos, elle qui y voit « une volonté déterminée du gouvernement et un moyen de pression obligeant les professionnels de santé à se coordonner, avec pour simple finalité de faciliter l’accès aux soins pour les patients ». Et accessoirement obliger les médecins à travailler avec les autres.
À RETENIR
• Avec « Ma santé 2022 », le gouvernement veut privilégier les parcours de soins coordonnés.
• Voilà pourquoi il a prévu de déployer 1 000 CPTS d’ici à 2022. Environ 200 sont actuellement recensées, dont une trentaine a déjà contractualisé avec les ARS.
• Les CPTS constituent un mode d’organisation dans lequel l’état laisse l’initiative aux libéraux de renforcer leur coordination, dans un cadre populationnel sur leur territoire.
• Les financements conventionnels et pérennes ne sont pas connus pour le moment.
REPÈRES
ESP, CPTS : QUELLES DIFFÉRENCES ?
Par François Pouzaud
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