- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- QUELLE EST VOTRE RESPONSABILITÉ ?
QUELLE EST VOTRE RESPONSABILITÉ ?
Alors que le décret sur le pharmacien correspondant vient de paraître, se dessinent de nouvelles tâches et obligations pour les officinaux. Qui, pour les assumer, vont devoir passer d’une culture de l’oral à une formalisation par l’écrit. Il devient, en effet, essentiel pour les professionnels de tracer leurs actes, notamment dans le contexte actuel de judiciarisation accrue.
La prescription hors AMM de Mediator donne lieu à une dizaine de plaintes de patients à l’encontre de médecins. A qui il est reproché d’avoir prescrit le médicament comme un coupe-faim, en dehors du cadre de l’AMM. Les pharmaciens peuvent-ils à leur tour être mis en cause ? Doivent-ils craindre une extension de leurs responsabilités avec l’application de nouvelles missions, comme le dépistage à l’officine ?
Comment détecter une prescription hors AMM ?
Au regard du droit, les prescriptions hors AMM doivent entrer dans un cadre précis (voir encadré page 9). Elles représenteraient 15 à 20 % de la totalité des ordonnances et concernent notamment la pédiatrie, la psychiatrie et la cancérologie. « Les prescriptions hors AMM sont plus fréquentes en milieu hospitalier », précise Jean-Charles Tellier, président de la section A de l’Ordre. Pour ce dernier, il y a deux types d’ordonnances hors AMM : celles qui comportent cette mention et celles où est prescrit un médicament avec des dépassements de posologies. « Une ordonnance comportant la mention “hors AMM” ne permet pas d’engager la responsabilité du pharmacien au-delà de sa responsabilité habituelle, car l’officinal n’a pas accès au diagnostic et n’a pas à contrôler le médecin », souligne Jean-Charles Tellier. Pour autant, le pharmacien ne doit pas se soustraire à ses obligations : poser les bonnes questions au patient, vérifier les posologies et les interactions, informer le patient des effets indésirables. Et en cas de doute, appeler le médecin et s’assurer auprès de lui qu’il a bien informé ce même patient sur son traitement et les effets indésirables. Ce qui est particulièrement important, lorsque l’officinal n’a pas le patient en face de lui, par exemple lors de sa sortie d’hôpital.
Ces « fondamentaux » sont aussi importants à respecter dans le cas d’un dépassement de posologie. « En pédiatrie, un médecin peut prescrire un dosage supérieur à la posologie habituelle, si l’enfant est en surpoids », explique Jean-Charles Tellier. Et de remarquer : « Les Assises du médicament vont permettre de rappeler que les ordonnances doivent comporter des mentions obligatoires comme l’âge et le poids du patient. »
Hors AMM pouvez-vous faire l’objet de poursuites ?
En théorie, c’est possible. Car un officinal a son mot à dire lors de la délivrance d’une ordonnance. « S’il estime que l’intérêt de la santé du patient l’exige, un pharmacien doit refuser de dispenser un médicament », rappelle Anne Laude, professeur de droit à l’université Paris-Descartes et codirectrice de l’Institut droit et santé (IDS). Dans ce cas, le prescripteur est immédiatement contacté et le refus de délivrance est mentionné sur l’ordonnance. Mais que se passe-t-il si le pharmacien se ravise après avoir appelé le médecin ? La jurisprudence ne lui donne pas raison (arrêt du Conseil d’Etat du 11 mai 2007). C’est le cas d’un pharmacien qui contacte l’auteur d’ordonnances présentant manifestement un caractère dangereux, par exemple du fait d’antibiotiques prescrits hors AMM. Le pharmacien finit par s’exécuter, le médecin confirmant le bien-fondé des prescriptions. Il est finalement jugé responsable. L’esprit critique et la démarche active de l’officinal sont nécessaires, mais pas suffisants, souligne Anne Laude. Pour Olivier Saumon, avocat de l’Ordre des pharmaciens, si des officinaux étaient mis en cause dans le cadre de l’affaire Mediator, il faudrait voir au cas par cas.
Qu’en est-il des assurances de responsabilité civile ?
La loi de 2002 relative aux droits des malades oblige les professionnels de santé à souscrire une assurance de responsabilité civile. Sur le plan des assurances, le non-respect de l’AMM n’est pas une cause d’exclusion de la garantie responsabilité civile professionnelle. « Cela ne le serait pas non plus pour les pharmaciens », précise Nicolas Gombault, directeur général du groupe MACSF.
Et avec les nouvelles missions, quelle peut être votre responsabilité ?
« Avec les nouvelles missions, le champ d’activité du pharmacien s’élargit et sa responsabilité devient plus importante, explique Olivier Saumon. Sans modification des fondamentaux du métier. La responsabilité civile et pénale du pharmacien est déjà très forte. » Dans le cadre d’actions de dépistage, si le pharmacien commet une erreur, sa responsabilité peut être engagée. Mais, comme le rappelle Jean-Charles Tellier, dans le cadre du dépistage, le pharmacien n’établit pas de diagnostic et oriente le patient vers son médecin. Et les nouvelles missions seront couvertes par l’assurance de responsabilité civile. « Les assureurs devront réagir en adaptant leur tarif, au vu de la jurisprudence », indique Nicolas Gombault.
Comment apporter la preuve de vos actes ?
En fait, la véritable question est de prouver ce qui a été fait lors de la délivrance d’une ordonnance, d’un conseil et dans le cadre de l’accompagnement du patient. La traçabilité de tous ces actes, y compris de l’échange avec le médecin, devient essentielle. De nombreux officinaux consignent déjà par écrit leur travail. Cette traçabilité devrait devenir la règle. C’est ce que prônent les syndicats et l’Ordre. « Cette traçabilité pourrait être simple et intégrée dans les logiciels métier, déclare Jean-Charles Tellier. Par exemple, en cas de posologie inadaptée, le logiciel pourrait alerter le pharmacien qui devrait alors répondre à un questionnaire ?: a-t-? il appelé le médecin ? Autre exemple : il faudrait trouver un système pour valider le contrôle des ordonnances par le pharmacien. » Et dans le cas d’un refus ou de la délivrance d’une prescription hors AMM, le pharmacien devrait pouvoir le signaler systématiquement par informatique en précisant la raison.
L’ESSENTIEL
• Les prescriptions hors AMM représenteraient 15 à 20 % des ordonnances.
• Les pharmaciens peuvent être mis en cause dans le cadre des délivrances de prescriptions hors AMM.
• Les assureurs couvrent la responsabilité civile des pharmaciens y compris dans le cadre de leurs nouvelles missions.
• La traçabilité des actes des pharmaciens va devenir incontournable.
Prescription hors AMM : 4 conditions
• Le médecin doit prescrire en s’appuyant sur des études validées ou conformément à une pratique généralement admise.
• Il ne doit pas avoir à sa disposition un autre médicament ayant une AMM dans l’indication.
• Le patient doit être en mesure d’accepter le traitement hors AMM en connaissance de cause.
• Il est également informé du non-remboursement des médicaments prescrits dans ce cadre.
Voir aussi l’enquête consacrée au sujet dans Le Moniteur du 5 juin 2010
INDISCRETION
Plusieurs sources indiquent que l’Ordre national des médecins s’apprêterait à déposer plainte contre l’Ordre des pharmaciens pour exercice illégal de la médecine, concernant les activités de dépistage effectuées dans les officines.
Dernière minute : pharmacien correspondant, ça y est !
Il y avait le médecin traitant, il y a désormais le pharmacien correspondant. Prévu par la loi HPST, ce nouveau statut est institué par un décret du 5 avril paru jeudi 7 avril au Journal officiel. Désigné par le patient, le pharmacien pourra renouveler des traitements chroniques et en ajuster la posologie. Il agit en accord avec le prescripteur ou à sa demande. Ces interventions sur l’ordonnance entrent dans un protocole précis qui prévoit une évaluation de l’observance et de la tolérance du traitement. La durée totale de la prescription et des renouvellements ne peut excéder un an. MV
- Economie officinale : les pharmaciens obligés de rogner sur leur rémunération
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Explosion des défaillances en Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Occitanie
- La carte Vitale numérique, ce n’est pas pour tout suite
- [VIDÉO] Financiarisation de l’officine : « Le pharmacien doit rester maître de son exercice »
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- [VIDÉO] Négociations, augmentations, ancienneté… Tout savoir sur les salaires à l’officine
- [VIDÉO] 3 questions à Patrice Marteil, responsable des partenariats Interfimo
- [VIDÉO] Quand vas-tu mettre des paillettes dans ma trésorerie, toi le comptable ?
