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Premier recours : la pharmacie incontournable

Publié le 1 juin 2024
Par Magali Clausener
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Face aux déserts médicaux, la pharmacie est plus que jamais le premier point d’entrée dans le système de santé. Les missions officinales déjà proposées et celles qui vont se déployer en attestent. Dans ce contexte, le maillage est primordial. Une rémunération correcte aussi.

 

Bretelle de sortie

 

Prescription et administration de vaccins, bilans partagés de médication, tests rapides d’orientation diagnostique pour les angines et les cystites avec prochainement la prescription d’antibiotiques, kit de dépistage du cancer colorectal, entretiens pharmaceutiques divers et variés… Les missions du pharmacien se sont largement enrichies depuis 2012 et surtout après la crise sanitaire du Covid-19.

Répondre aux besoins des patients

 

L’expérimentation Orientation dans le système de soins (Osys), portée par l’association Pharma Système Qualité (PHSQ), prouve que le pharmacien peut jouer un rôle primordial en matière de soins de premier recours. Lancé en Bretagne en 2021, ce dispositif permet aux pharmacies situées dans des zones en sous-densité médicale d’orienter le patient vers une consultation médicale, un service d’urgence ou de s’en tenir au conseil officinal, dans six situations de premier recours bien définies : les plaies simples, les piqûres de tiques, les brûlures mictionnelles, les brûlures du premier degré, les douleurs pharyngées et les conjonctivites. Avec, en outre, depuis août 2023, la dispensation d’antibiotiques sans prescription médicale à des patients dans le traitement de cystites (femmes de 16 à 65 ans) et d’odynophagies (de 6 à 45 ans), selon des protocoles nationaux et hors structure d’exercice coordonné. Entre l’automne 2021 et juillet 2023, 1 800 situations ont été ainsi prises en charge par les pharmaciens (74 officines en Bretagne). Selon l’agence régionale de santé, l’expérimentation a ainsi évité 420 consultations médicales et 68 passages aux urgences. Des résultats positifs qui ont permis de l’étendre à 110 autres officines de trois autres régions : Centre-Val de Loire, Corse et Occitanie. « Osys répond à de vrais besoins pour les patients, déclare Martine Costedoat, directrice générale de PHSQ. Néanmoins, lorsque nous avons commencé, certaines petites officines qui ne comptaient qu’un titulaire et une préparatrice ont refusé d’entrer dans le dispositif car c’était trop compliqué pour elles. Osys nécessite aussi un lien avec un médecin, or plusieurs pharmacies ne disposaient pas de généraliste à proximité. »

Mieux vaut prévenir

 

Pour Lucien Bennatan, président du nouveau groupement Act Pharmacie, lancé en 2023 (67 adhérents actuellement), les conditions ne sont pas actuellement réunies pour que le pharmacien puisse véritablement jouer un rôle de premier recours. Il compte sur l’intelligence artificielle pour que celui-ci puisse établir des diagnostics et mise en priorité sur son rôle en matière de prévention. « Je propose que le pharmacien fournisse des prestations de prévention dans ou en-dehors de son officine, au sein d’un centre de prévention qu’il dirigerait. Ces programmes de prévention, cette idée de “passeport santé”, mis en œuvre dans ces centres de prévention avec un médecin, un kiné, un coach sportif, se traduiraient concrètement par des abonnements négociés avec les entreprises. L’avenir de la pharmacie passe par le mieux. Et celui du patient aussi. Aux Etats-Unis, la mise en place des centres de prévention a conduit à une baisse de 17 % du nombre de consultations médicales,de 11 % de la consommation de médicaments et à sept années de meilleure santé », détaille Lucien Bennatan. Reste que ces centres de prévention sur lesquels travaille Act Pharmacie risquent de n’exister que dans certains bassins de vie et non en zone rurale.

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Pas que des mégapharmacies

 

Pour autant, cette réflexion et le dispositif Osys montrent différentes voies possibles de développement des pharmacies avec une constante : être une porte d’entrée du système de santé. Les officines les plus fragiles pourront-elles cependant survivre alors que les nouvelles missions requièrent du temps, de la formation, du personnel ? « Je ne crois pas à un réseau officinal constitué uniquement de mégapharmacies. S’il faut penser au retail, les pharmacies sont avant tout des centres de santé de proximité. Nous allons continuer à perdre des médecins dans les 15 prochaines années. Il faut que nous arrêtions l’érosion du maillage territorial. Le seul moyen de s’en sortir, c’est que les pouvoirs publics prennent conscience qu’on ne peut pas transférer des taches aux pharmaciens en les payant très peu et moins que les médecins pour des actes pourtant équivalents. Il faut revaloriser les prestations à caractère médical », répond Emmanuel Schoffler, CEO chez Healthy Group, maison mère d’Aprium Pharmacie. Ces propos résument d’ailleurs ceux de la plupart des pharmaciens interrogés : oui aux missions, mais non à une rémunération bradée. « Sauver le maillage officinal, c’est un enjeu de santé publique », conclut Martine Costedoat. La balle est dans le camp des pouvoirs publics.