Pénuries de médicaments : France Assos Santé épingle les laboratoires

© Getty Images/iStockphoto

Interpro Réservé aux abonnés

Pénuries de médicaments : France Assos Santé épingle les laboratoires

Publié le 25 mars 2025
Par Christelle Pangrazzi et Audrey Chaussalet
Mettre en favori
À l’heure où le gouvernement dévoile une feuille de route pour sécuriser l’accès aux produits de santé, France Assos Santé dénonce la responsabilité de certains laboratoires. L’association pointe notamment les problèmes récurrents liés aux manquements du respect des stocks de sécurité.

Le 18 mars 2025, les ministères de la Santé et de l’Industrie ont présenté une nouvelle feuille de route dédiée aux dispositifs médicaux. Ils ont également fait le point sur celle lancée en 2024 visant à garantir la disponibilité des médicaments. Objectif : mieux anticiper les ruptures et sécuriser l’approvisionnement.

Dans un communiqué visible sur son site France Assos Santé dénonce une communication politique minimisant la responsabilité des industriels. L’association fustige « une forme de chantage à la hausse des prix » exercé par le Leem, syndicat des entreprises du médicament. « Les industriels prétendent que la France étrangle le secteur, incitant les laboratoires à privilégier des marchés plus rémunérateurs », déclare France Assos Santé.

Des prix « dans la moyenne », un marché solide

Or, selon une étude internationale commandée par le ministère de la Santé américain, les prix des médicaments en France se situent dans la moyenne des pays industrialisés. En outre, le marché français reste attractif grâce à la solvabilité de l’Assurance maladie et un volume élevé de prescriptions.

L’augmentation ciblée des prix décidée en 2023 sur certains antibiotiques n’a, par ailleurs, pas permis de résorber les pénuries, souligne la Direction générale de la santé dans un rapport publié en février 2024.

Plus de 3 800 médicaments en rupture ou en tension

Selon les données 2024 de l’ANSM, 3 825 médicaments à intérêt thérapeutique majeur (MITM) ont été signalés en rupture ou en risque de rupture, contre 4 925 en 2023. Une baisse relative, mais insuffisante pour enrayer la banalisation des plans de contingentement en officine.

Les tensions concernent notamment des traitements chroniques essentiels, tels que :

Publicité

– la quétiapine (troubles bipolaires, schizophrénie)

– le Pegasys (hépatite B chronique et co-infection delta)

– les corticoïdes injectables.

Ces indisponibilités devenues récurrentes, complexifient la prise en charge des patients et perturbent la continuité des soins.

Des choix industriels dans le viseur

France Assos Santé dénonce également des stratégies industrielles orientées vers la rentabilité, au détriment de la disponibilité. L’association pointe l’abandon de la production de molécules anciennes jugées peu lucratives et la concentration des efforts sur des spécialités innovantes. L’association réclame une régulation plus ferme et une transparence accrue sur les causes de ruptures, trop souvent imputées à tort aux fluctuations de la demande.

L’ANSM renforce les sanctions en 2024

En 2024, l’ANSM a renforcé son arsenal de contrôle : les sanctions pour non-respect des obligations de stock sont désormais publiées pendant un an (contre un mois auparavant), conformément à la loi de financement de la Sécurité sociale.

Les entreprises sanctionnées incluent :

– Sandoz (groupe Novartis) : 8 sanctions (Sertraline, Prégabaline, Zonisamide…)

– Biogaran (groupe Servier) : 6 sanctions (Irbesartan, Sertraline)

– Teva : 4 sanctions (dont Tolvapan, pour défaut de plan de gestion)

– Viatris Santé : 3 sanctions (Manidipine, Méthylprednisolone)

– Sanofi Winthrop : 2 sanctions (Jevtana, Rifinah)

– Zentiva France : 2 sanctions (Lévétiracétam, Irbesartan/HCTZ)

D’autres laboratoires tels que GSK, Leo, Medac, Arrow Génériques ou EG Labo ont également été épinglés pour ruptures ou signalements tardifs.

Vers des obligations plus contraignantes ?

Ces données confirment, selon France Assos Santé, la nécessité d’imposer des engagements contraignants aux laboratoires comme le respect strict des stocks de sécurité, le maintien de la production des traitements anciens ou des sanctions financières dissuasives en cas de manquement. En avril dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament avait déjà prononcé une sanction de 8 millions d’euros à l’encontre de 11 industriels pour ne pas avoir constitué les 4 mois de stock obligatoires pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Si cette mesure ne peut résoudre à elle seule le problème des ruptures de stocks, elle pourrait néanmoins « servir à financer les solutions pour gérer les pénuries », a suggéré Pierre-Olivier Farenq, directeur du centre d’appui aux situations d’urgence de l’ANSM, lors du débat « A qui profitent les pénuries de médicaments », organisé sur le salon PharmagoraPlus, le 8 mars dernier.