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- « Nous devons garantir l’indépendance face à la financiarisation » – Philippe Besset, vice-président santé de l’UNAPL

© Anh Lenoir
« Nous devons garantir l’indépendance face à la financiarisation » – Philippe Besset, vice-président santé de l’UNAPL
Créée en 1977, l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) regroupe 70 syndicats et représente 1,3 million d’actifs répartis en trois grandes familles : santé, droit et techniques-cadre de vie. Elle est aujourd’hui présidée par Denis Raynal, avocat. Voix historique des professions libérales auprès des pouvoirs publics, elle défend un modèle d’exercice fondé sur la responsabilité, l’expertise et l’indépendance. Retraite, financement de l’Assurance maladie, pression fiscale… Philippe Besset, vice-président en charge de la santé à l’UNAPL et président de la FSPF, revient sur les priorités stratégiques de l’organisation.
Quelles sont les priorités actuelles de l’UNAPL pour les professions de santé ?
Notre priorité numéro un est la garantie de l’indépendance des professionnels de santé libéraux. Ce principe fondateur est aujourd’hui fragilisé par la montée de la financiarisation dans certains secteurs. Biologie médicale, radiologie, vétérinaire, pharmacie : ces professions voient arriver des acteurs extérieurs dont les logiques d’investissement ne coïncident pas forcément avec les exigences déontologiques. Nous attendons avec vigilance le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur ce sujet, prévu au printemps.
Faut-il interdire la financiarisation ?
Oui pour la pharmacie, mais non pour certains secteurs. Il faut toutefois veiller à l’encadrer strictement. Nous ne sommes pas contre le financement extérieur – les professionnels ont besoin d’investir, notamment pour transmettre leurs outils de travail. Mais cela ne doit jamais se faire au prix de leur autonomie. Il nous faut donc une régulation garantissant à la fois l’accès aux financements et l’indépendance dans l’exercice.
Quel est l’autre grand dossier du moment pour l’UNAPL ?
Nous participons activement à la saisine conjointe du Premier ministre sur le financement de la Sécurité sociale, à travers trois Hauts Conseils : celui de la famille, de l’âge, et surtout le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, dont je suis membre. Objectif : remettre d’ici le 1er juin un plan pluriannuel de retour à l’équilibre des comptes.
Les professionnels de santé libéraux sont-ils directement concernés ?
Absolument. Pour les pharmaciens, 80 % des ressources proviennent de l’Assurance maladie ; pour d’autres professions, c’est 100 %. Le financement pérenne de notre système est donc essentiel. Cela doit se faire sans stigmatiser les professionnels libéraux, qui sont aussi contributeurs par les charges sociales.
La simplification administrative est-elle aussi une priorité ?
Évidemment. Aujourd’hui, le temps administratif explose dans tous les cabinets et officines. Nous portons depuis deux ans un axe structurant : l’usage du numérique pour simplifier. Malheureusement, à ce jour, le numérique est souvent générateur de complexité. Il faut renverser la tendance.
Quels outils privilégier ?
Je crois beaucoup au déploiement de l’ordonnance numérique, à Mon espace santé, et à l’amélioration des échanges entre les professionnels et les caisses. Ces outils doivent être pensés au service de l’exercice, pas comme une surcharge. C’est l’un de mes chevaux de bataille.
Quelle est votre position sur la réforme des retraites ?
L’UNAPL et son intersyndicale l’UD2P ont claqué la porte du conclave. Pour nous, qui défendons la valeur travail, il n’est pas question de repousser la borne d’âge à 67 ans : elle est déjà suffisamment élevée. En revanche, nous plaidons pour un système mixte. C’est ce que nous appliquons déjà au sein de notre caisse : répartition de base, répartition supplémentaire et une part de capitalisation. Ce modèle assure à la fois solidarité et viabilité.
Ce modèle est-il soutenu par la CNAVPL ?
Oui. En tout cas, il est soutenu par le président actuel de la CNAVPL et de la CAVP, Philippe Berthelot, qui est lui aussi pharmacien. Nous sommes en phase : la capitalisation n’est pas un gros mot, c’est une réponse adaptée à l’évolution démographique et économique.
L’attractivité des territoires est-elle un axe fort de votre mandat ?
C’est même l’un de mes sujets majeurs. Il faut réconcilier les jeunes professionnels avec l’installation libérale, notamment en zone rurale. Cela passe par un travail de terrain avec les collectivités, et par un lien renforcé avec les étudiants. Je souhaite que chaque syndicat de l’UNAPL ait un correspondant étudiant pour transmettre l’envie de s’installer.
Un exemple d’initiative réussie ?
Oui, dans la Nièvre, à Nevers, où des cours de médecine et de pharmacie ont été déportés depuis Dijon. Grâce à la visioconférence, à la présence d’internats ruraux, les jeunes restent sur le territoire. Je préférerais qu’un étudiant reste à Carcassonne plutôt que d’être obligé d’aller à Montpellier ou Toulouse. Il faut rapprocher la formation des territoires.
De plus en plus de jeunes diplômés se tournent vers le salariat. Est-ce un signal inquiétant ?
Pas forcément. Ce que je défends, c’est l’indépendance professionnelle, pas un statut figé. Certains choisissent des formes hybrides, avec une part salariée et une part libérale : c’est le cas d’orthoptistes, de pharmaciens, de journalistes… Ce modèle peut convenir à une nouvelle génération, en quête de sécurité et de liberté.
L’exercice libéral reste-t-il un modèle d’avenir ?
Oui. Et d’ailleurs, il s’élargit : de nombreux métiers émergent dans le conseil, le numérique, la formation, souvent sous le statut d’auto-entrepreneurs. Ce sont des libéraux. Il faut moderniser le modèle, mais en rester aux fondamentaux : liberté, responsabilité, compétence.
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