Mon espace santé, pour quel usage ?

Le numérique en santé ? une vraie révolution. L’Etat et l’Assurance maladie misent d’ailleurs sur les nouveaux outils, en particulier sur Mon espace santé. Cette plateforme digitale, disponible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, doit permettre aux Français « d’avoir la main sur leur santé ».

Pas d’ordinateur ni de connexion internet

Cependant, l’utilisation de Mon espace santé par les patients nécessite de disposer d’un ordinateur ou d’un smartphone et d’Internet. Or, tous les Français n’en sont pas équipés* : en 2019, 94 % des ménages dont la personne de référence est âgée de 16 à 29 ans possédaient un ordinateur, contre 82 % des 60-74 ans et 47 % des 75 ans ou plus. De même pour Internet : 84 % des 60-74 ans et 50 % des 75 ans ou plus avaient un accès à Internet en 2019. En clair, la moitié des personnes âgées de 75 ans et plus n’a ni équipement ni abonnement à Internet, soit 3,32 millions de Français (5 % de la population).

Pour accompagner les personnes éloignées du numérique, l’Etat et l’Agence du numérique en santé comptent sur un « réseau de ressources » : les institutions, les conseillers numériques France services, recrutés par des collectivités territoriales ou des associations, les médiateurs du numérique, les aidants professionnels, les associations et leurs bénévoles, les citoyens ambassadeurs Mon espace santé. L’objectif est que tous les Français puissent s’emparer de ce nouvel outil.

Beaucoup de moyens sont donc mobilisés. Pour autant, il n’est pas certain que les personnes âgées isolées et/ou résidant en zone rurale, ou ayant des difficultés à se déplacer ou des troubles cognitifs aient la faculté d’activer et d’utiliser Mon espace santé. En outre, la création du compte et les connexions à partir d’un ordinateur impliquent de recevoir un code soit par e-mail, soit par SMS. Cette procédure de sécurité complique l’accès à la plateforme pour les seniors qui ne sont pas technophiles.

Si les patients âgés n’ont pas activé leur espace santé numérique et ne s’y connectent pas, rien n’empêche les professionnels de santé d’alimenter le dossier médical partagé (DMP). En revanche, ils ne peuvent y accéder que sous réserve de l’accord du patient. Concrètement, le médecin ou le pharmacien doit recueillir le consentement de la personne pour se connecter à son DMP. Les paramètres par défaut, c’est-à-dire la matrice des droits d’accès aux documents, s’appliquent alors.

Interventions d’urgence

L’espace santé est également accessible aux services d’urgence. L’urgentiste, muni de sa carte de professionnel de santé, de l’autorisation du patient et de ses traits d’identité, peut accéder au DMP. La plateforme dispose également d’un système dit bris de glace, dans l’hypothèse où la personne ne serait pas en mesure de donner son consentement. Toutes les connexions et les actions des professionnels de santé sont tracées, et le patient en est informé. Seuls les espaces santé expressément fermés par les patients n’autorisent pas l’échange de documents.

Malgré certaines limites d’utilisation, il s’agit bien là d’un outil de coordination interprofessionnelle et d’optimisation du parcours de soins. À condition, évidemment, que tous les professionnels de santé s’en emparent eux aussi.

* « Equipement des ménages 1996-2019 », résultats Insee, 23 février 2021, bit.ly/3fit1rg.