Interpro Réservé aux abonnés

Missions d’ici et d’ailleurs : trois pays scrutés par la France

Publié le 5 mars 2022
Par Matthieu Vandendriessche
Mettre en favori

Il n’y a pas qu’en France que de nouvelles implications dans la santé publique et le parcours de soins des patients sont offertes aux officinaux. Avant de se lancer dans les négociations conventionnelles avec les syndicats de pharmaciens, l’Assurance maladie a scruté les évolutions professionnelles dans d’autres pays pour s’en inspirer. Détours par la Belgique, l’Angleterre et le Québec.

Lancées en novembre, les négociations sur la nouvelle convention pharmaceutique se sont refermées mardi 15 février. Malgré quelques discordances sur le sujet, notamment sur les questions économiques, les deux syndicats de titulaires (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et Union des syndicats de pharmaciens d’officine) et l’Assurance maladie sont au diapason pour projeter la mise en place de nouvelles missions à l’officine. Il restera donc à discuter des modalités de la mise en œuvre de l’entretien d’accompagnement au sevrage tabagique en 2023, une fois l’expérimentation en cours achevée, du nouvel entretien pharmaceutique avec la femme enceinte ou encore de l’initiation du dépistage du cancer colorectal, les kits étant attendus dès mai prochain. En préambule des négociations, l’Assurance maladie s’est intéressée à ce qui se fait dans d’autres pays. Elle a procédé à des comparaisons dans un document qui propose un tour d’horizon des missions et de la rémunération des pharmaciens, notamment en Belgique, en Angleterre et au Québec. « La plupart des pays européens ont abandonné la marge strictement proportionnelle au prix de la boîte », note l’Assurance maladie. Dans ces pays, elle relève un « recentrage de l’exercice professionnel autour des services délivrés au patient et non plus exclusivement autour de la délivrance du produit, avec un périmètre d’action croissant ».

AU QUÉBEC, UNE PANOPLIE DE SERVICES LIÉS À LA DISPENSATION

Effectif : environ 9 700 pharmaciens (2020).

Contexte : de nouvelles activités sont proposées aux officines depuis janvier 2021.

Marge commerciale : la marge bénéficiaire maximale autorisée sur le prix de vente garanti est de 6,5 % jusqu’à concurrence de l’équivalent de 27 €. Des conditions s’appliquent notamment à certains médicaments coûteux.

Dispensation à l’unité

Tous les médicaments sont dispensés à l’unité. Les officines reçoivent les médicaments en vrac dans des flacons et les reconditionnent. La posologie peut être adaptée par le pharmacien, qui est aussi responsable de la surveillance du traitement.

Pas d’honoraire spécifique. Les honoraires pour l’exécution d’une ordonnance ne dépendent pas du nombre d’unités de médicaments.

Publicité

Livraison de médicaments au domicile

Le pharmacien prépare l’ordonnance, échange si besoin avec le patient et la livraison est assurée par un livreur employé de la pharmacie.

Pas d’honoraire spécifique. Les honoraires versés à l’officine incluent l’ensemble des services pour la mise à disposition du traitement.

Dispensation des biosimilaires

Les patients ont jusqu’au 13 avril 2022 pour que leur médecin modifie la prescription initiale et remplace le princeps par un biosimilaire. Ensuite, sauf cas particuliers, les princeps ne sont plus pris en charge dès lors qu’un biosimilaire est disponible.

Honoraire de dispensation : 11,90 €.

Note : les montants sont exprimés en équivalent euros en tenant compte des taux de change en cours.

EN ANGLETERRE, DE NOMBREUSES MISSIONS DE SANTÉ PUBLIQUE

Effectif : 11 600 pharmacies de ville (2021).

Contexte : depuis 2019, les pharmaciens de ville assurent à la place des médecins un service de consultation pour les pathologies mineures. Par ailleurs, un millier de pharmaciens sont dits cliniciens.

Marge commerciale : pas de marge fixe. Le système de santé récupère une partie des remises commerciales consenties aux pharmacies par le fabricant (concept du « clawback »).

Premier recours

Un service de prise en charge cible les patients présentant des symptômes légers. Ils sont adressés à la pharmacie la plus accessible après une première brève consultation par le médecin traitant ou par le Service national de santé (via une plateforme téléphonique). La prise en charge est réalisée sur place ou par téléphone, elle peut être suivie de la remise d’un traitement. Le pharmacien peut renvoyer à son tour vers un médecin généraliste. Honoraires de 16,65 €.

Pharmacien référent en sortie d’hôpital

Une mission de pharmacien référent en sortie d’hospitalisation incombe aux officines depuis février 2021. Le programme est initié à l’hôpital, qui est juge de son opportunité. Le pharmacien analyse la liste de médicaments transmise par l’hôpital et vérifie la pertinence et la sécurité de la prescription pour le retour au domicile. Un entretien est réalisé afin de favoriser l’adhésion thérapeutique. Un lien est également établi avec le médecin traitant.

41 € si le service complet est fourni (moins si le patient est réhospitalisé). Attribution de 470 € pour couvrir les frais de préparation au service.

Entretiens de détection des risques

Les pharmaciens pratiquent des entretiens d’évaluation et de détection pour les maladies cardiovasculaires, rénales, le diabète de type 2 et les troubles cognitifs.

Les patients éligibles ont entre 40 et 74 ans et sont sans historique de pathologie chronique. Lors de l’entretien, le pharmacien relève un ensemble de variables (mesure de la taille et du poids, de la tension artérielle, test de cholestérolémie, etc.). Un score de risque global cardiovasculaire est déterminé.

Entretien d’évaluation du risque : équivalent de 16,50 € par entretien pour les patients de 40 à 49 ans, 15,50 € pour ceux de 50 à 59 ans et 13,10 € pour les 60-74 ans.

Mesure de la tension artérielle

Ce service mis en œuvre depuis octobre 2021 s’adresse aux patients de plus de 40 ans. Il consiste en un entretien de 10 à 15 minutes avec mesure de la tension artérielle. Si elle est élevée, les personnes peuvent bénéficier d’une surveillance ambulatoire par holter. Elles sont ensuite orientées vers leur médecin traitant.

Mesure de la tension artérielle : environ 16 €. Surveillance par holter : 53 €.

Aide au sevrage tabagique

Après une phase expérimentale, ce service est déployé au niveau national depuis janvier 2022. Plusieurs entretiens sont organisés pour chaque candidat à l’arrêt du tabac. Ils s’appuient sur un contenu pharmacologique et éventuellement sur un soutien comportemental assuré par le pharmacien. Seuls les médicaments figurant sur une liste sont pris en charge.

Formation et mise en place du service : environ 1 200 €. Puis 36 € sont versés pour le premier entretien, 12 € pour chaque rendez-vous intermédiaire et 48 € pour l’entretien final. Note : les montants sont exprimés en équivalent euros en tenant compte des taux de change en cours.

Note : les montants sont exprimés en équivalent euros en tenant compte des taux de change en cours.

EN BELGIQUE, UN RÔLE PIVOT DANS LE PARCOURS DE SOINS

Effectif : environ 5 000 pharmacies d’officine (2020).

Contexte : les patients chroniques peuvent choisir, depuis 2017, un pharmacien de référence.

Marge commerciale : le taux de marge est défini selon deux tranches : si le prix fabricant est inférieur ou égal à 60 €, la marge est de 7,04 % du prix fabricant. S’il est supérieur à 60 €, elle est de 4,224 € + 2,32 % du prix fabricant duquel 60 € ont été déduits.

Pharmacien de référence

Le programme s’adresse aux patients ayant reçu au moins cinq médicaments remboursés pendant un an dans la même pharmacie. Une convention est signée entre le patient, qui sollicite ce suivi et le pharmacien. Celui-ci établit un « schéma de médication » de l’ensemble des traitements pris. Le patient reçoit un accompagnement personnalisé. Le pharmacien est le référent pour toute question relative à la médication vis-à-vis des autres prestataires.

Forfait annuel de 32,75 € par patient.

Suivi des patients diabétiques

Des entretiens d’éducation thérapeutique sont assurés pour les patients traités par voie orale pour un diabète de type 2. Ces séances sont prescrites par le médecin et le protocole est défini entre le pharmacien et lui. Un entretien préalable permet de recenser les difficultés rencontrées avec le traitement. Suivent des séances d’incitation à l’adhésion thérapeutique. Elles peuvent être menées de manière individuelle (à la pharmacie, au cabinet médical ou dans une structure locale) pendant une demi-heure au minimum. Elles peuvent aussi être collectives, d’une durée maximale de 2 heures pour au plus dix bénéficiaires.

Séance d’éducation thérapeutique du patient : honoraires de 23,53 € par entretien en séance individuelle et de 14,71 € par entretien en séance collective.

Entretien d’accompagnement au bon usage des médicaments contre l’asthme

Le pharmacien propose un accompagnement au patient asthmatique recevant un corticoïde à inhaler pour l’aider à gérer son traitement. Le programme peut être initié à la demande du médecin généraliste. Il comprend deux entretiens individuels. Le premier est réalisé en début ou en cours de traitement et un second, au moment du renouvellement de l’ordonnance ou dans un délai de trois à six semaines après le premier entretien.

Honoraires de 21,72 € par entretien.

Source : document de l’Assurance maladie « Missions et rémunération des pharmaciens : éclairages internationaux », janvier 2022.