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Les réseaux ont besoin de vous !

Publié le 22 avril 2006
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Vous avez envie de plus vous impliquer en cancérologie ? Des réseaux de soins vous ouvrent leurs portes. Comment les rejoindre ? Quelles sont les conditions d’entrée, les avantages, les contraintes ? Mode d’emploi des réseaux d’oncologie.

D’ici 2007, selon les directives du Plan cancer, chacune des régions françaises devrait être couverte par un « réseau régional du cancer » coordonnant l’ensemble des acteurs de soins. Ocomip (Midi-Pyrénées), Oncolor (Lorraine), Oncora (Rhône-Alpes), Oncauvergne, Oncosud (Provence-Alpes-Côte d’Azur), Ancelot (Basse-Normandie), OncoBretagne… ont déjà vu le jour. En Ile-de-France, ce sont des « réseaux de proximité territoriaux » (plus d’une dizaine à l’heure actuelle) qui se mettent en place afin de faire le lien entre la ville et l’hôpital. Quel est le rôle du réseau de soins en cancérologie ? Associer sur un territoire donné, l’ensemble des acteurs, hôpitaux, cliniques, médecins et infirmières de ville, etc. Ceci afin de permettre au malade de bénéficier d’une coordination des soins tout au long de son parcours.

Avec l’essor des sorties de la réserve hospitalière des anticancéreux (Faslodex, Xeloda, prochainement Navelbine oral) et de leurs traitements associés tels que l’érythropoïétine, les pharmaciens d’officine sont, eux aussi devenus, de fait, un maillon de la chaîne de soins autour du patient souffrant d’un cancer. Les réseaux d’oncologie qui se sont créés ne leur ont cependant pas tous ouvert leurs portes. Du moins pas encore. Chez ceux qui l’ont fait, la participation concrète des officinaux à la vie du réseau s’organise progressivement.

« Les médecins hospitaliers sont venus nous chercher ».

Les médecins généralistes et les infirmiéres libérales ont été bien souvent les premiers accueillis au sein des réseaux en cancérologie ville-hôpital déjà constitués. Les pharmaciens d’officine ? Ils n’étaient pas une cible prioritaire au départ. Exclus hier de la chaîne de soins, ils prennent place peu à peu dans les structures. A l’origine de ce phénomène récent : la réflexion des responsables des réseaux sur l’intérêt de voir coopérer les officinaux et les autres professionnels, la demande des médecins hospitaliers mais aussi la volonté des officinaux eux-mêmes à voir entrer leur profession au sein des réseaux de soins. Comme l’indique Laurent Cénard, coordonnateur du réseau Onco94 Ouest, réseau de proximité ville-hôpital du Val-de-Marne, structuré depuis 2003, « les pharmaciens n’ont pas été des acteurs initialement sollicités par le réseau. En fait, nous n’avons commencé à réfléchir à leur entrée qu’en septembre 2005. Et on s’est aperçu qu’ils pouvaient être utiles. Notre objectif est de permettre aux personnes qui habitent un secteur géographique de se faire soigner sur ce même secteur. Si celles-ci ont besoin de soins en ville, il est indispensable d’impliquer les pharmaciens. »

Olivier Daron, pharmacien titulaire à Limoges, préside la toute jeune section pharmacie, officialisée depuis le 28 février dernier, d’Oncolim, le réseau de santé en cancérologie de la région Limousin créé en 2001. « Les médecins hospitaliers, qui se trouvent en manque d’informations pour optimiser les protocoles, attendaient notre entrée dans le réseau. Ce sont eux qui sont venus nous chercher. Oncolim est un lieu de formation et d’échanges entre professionnels de santé et les pharmaciens y ont un rôle à jouer pour améliorer la prise en charge des patients. »

Autre réseau ayant ouvert ses portes aux officinaux : Onco92 Sud, réseau de proximité ville-hôpital du Sud des Hauts-de-Seine qui fonctionne depuis juillet 2005. « Notre objectif est d’organiser et de coordonner la prise en charge en ville. Depuis le début, nous sommes convaincus que ceci ne peut se faire sans la participation à la fois des médecins généralistes, des infirmières et des pharmaciens », insiste Stéphane Lévêque, gestionnaire administratif et financier du réseau Onco92Sud. Autre exemple avec Oncosud (PACA)qui a invité les pharmaciens, en janvier dernier, à participer à l’ouverture du réseau vers la ville.

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Un « projet pharmacien ».

Si les exemples concrets d’intégration des pharmaciens d’officine sont encore peu nombreux, le mouvement est en marche. Il en va ainsi pour le réseau Oncora (Rhone-Alpes) qui travaille sur la mise en oeuvre du « projet pharmacien ». Ou encore pour Oncomip (Midi-Pyrénées) qui réfléchit sur la manière de mieux faire circuler l’information entre pharmaciens d’établissement de santé et pharmaciens d’officine ainsi que, plus largement, sur l’organisation de la prise en charge de proximité des patients.

Comment l’information sur le réseau proche de l’officine ou sur le réseau régional arrive-t-elle jusqu’au pharmacien ? Stéphane Lévêque répond : « Nous avons contacté les pharmaciens par courrier à plusieurs reprises depuis la création du réseau, nous leur avons adressé des plaquettes d’information avec nos coordonnées téléphoniques, les formations qui sont organisées. » « Nous avons informé les syndicats de pharmaciens, envoyé des formulaires d’adhésion par l’intermédiaire du conseil de l’Ordre (dans le Bulletin de l’Ordre) », précise Audrey Vernot du réseau Oncolim (Limousin). Du côté d’Onco94, il est prévu d’inviter prochainement les pharmaciens du département par courrier afin de leur présenter le réseau, ses différentes actions, ses projets. Le bouche à oreille fonctionne aussi très bien. « L’an dernier, nous avons vu arriver, dans nos réunions de travail et de formation, des pharmaciens qui avaient entendu parler du réseau par des médecins ou des infirmières libérales. Ils nous ont informé des difficultés qu’ils rencontraient : manque de formation, nécessité de mieux informer les malades et leurs proches. Leur participation anticipée au réseau a contribué à alimenter notre réflexion sur la place des pharmaciens et à avancer sur la mise en oeuvre pratique de leur intégration », constate Laurent Cénard.

Les avantages d’appartenir à un réseau.

Et pour les pharmaciens, que signifie concrètement faire partie d’un réseau ? Tout d’abord, la première étape, pour vous comme pour tout autre professionnel de santé, consiste à vous engager à respecter la charte de qualité du réseau et à signer une fiche d’adhésion. L’adhésion peut être gratuite ou payante (exemple : 15 euros par an pour Onco92 Sud, 8 euros pour Oncolim). Une fois membre du réseau, quelles sont vos missions, vos obligations ? « Les pharmaciens qui ont rejoint Onco92 Sud se sont investis dans des groupes de travail tels que la mise en place de cellules de soins palliatifs pour le maintien à domicile des personnes âgées, ou encore dans l’organisation de formations à destination de tous les professionnels du secteur. Ils sont également pour nous des relais importants pour informer le grand public et les malades sur notre existence et ce qu’on peut leur proposer », expose Stéphane Lévêque. « Les oncologues attendent de nous que l’on suive les affections récurrentes et les autres prescriptions, que l’on soit particulièrement vigilants quant aux interactions, que l’on remonte les informations. Participer au réseau, c’est jouer le jeu en terme d’échanges d’informations », ajoute Olivier Daron.

Quant à la structure même des réseaux en cancérologie, l’Institut national du cancer (INCa) a donné des directives pour les réseaux régionaux. Pour les réseaux de proximité, il existe un cahier des charges initial, mais l’organisation dépend du profil des responsables locaux (si ce sont des gestionnaires, des hospitaliers ou des médecins de ville qui portent le projet), du contexte hospitalier en terme de proximité (dans le 94 par exemple, il y a l’Institut Gustave Roussy), de l’origine du réseau (s’il est parti de la ville ou de l’hôpital), de leur mission (Onco94 est un réseau de coordination soins supports/équipe mobile pour les soins à domicile). En fait, les projets ne sont pas tous les mêmes et chacun gère à sa manière. Quels avantages peut en tirer le pharmacien d’officine dans sa pratique professionnelle ? Principal intérêt d’une participation au réseau : la formation. Tous les réseaux réfléchissent actuellement sur la manière de l’organiser efficacement. Comme l’explique Olivier Daron, « Oncolim va créer un cadre pour la prise en charge de la formation des officinaux et de leur équipe. Une formation qui sera abordée sous l’angle professionnel, avec des cas pratiques, etc. Nous allons organiser des réunions régionales mais aussi créer localement des forums pluridisciplinaires. »

Autre atout du réseau : le pharmacien peut y rencontrer d’autres professionnels, faire part des problèmes rencontrés dans sa pratique quotidienne, dans la dispensation en ville. « Grâce au réseau, il est possible de décloisonner les relations entre professionnels. C’est essentiel pour améliorer les pratiques de chacun, à la ville comme à l’hôpital », souligne Olivier Daron. Pour Laurent Cénard, même si l’on n’en est seulement qu’au début de l’intégration, appartenir à un réseau apporte déjà au pharmacien « de la valeur ajoutée, une aide à l’orientation des malades et de leur entourage ». Autrement dit, une première réponse pour améliorer la pratique et mieux accompagner les patients.

Expérience : Patrick Zeitoun – Membre du réseau Onco94 (titulaire à Maisons-Alfort)

« Les échanges entre professionnels permettent de répondre aux besoins de chacun, dans l’intérêt du malade. »

Lors des réunions avec les médecins, on parle des médicaments prescrits, on se met en accord avec eux quant aux produits que nous pouvons fournir (types de poches, compresses, pansements, etc.) afin d’éviter des problèmes de délivrance et de remboursement pour les patients. Informer les médecins hospitaliers sur les conditions de dispensation en ville fait aussi partie de notre rôle. Par ailleurs, je fais remonter les informations concernant les patients, les effets des traitements… Parallèlement, je m’informe sur les produits, les associations pratiquées, comment les médecins les utilisent, à quelles posologies, etc. Cela évite les questions à l’officine du genre : qu’est-ce que cette association ? Est-ce normal que la dose d’antidouleur soit aussi élevée ? Les échanges entre professionnels sont essentiels, ils permettent de répondre aux besoins de chacun, dans l’intérêt du malade.

Athos va au devant des officinaux

Athos est un réseau issu de la collaboration entre la structure hospitalière Cochin à Paris et les pharmaciens d’officine, en place depuis 2005. « Lorsqu’un malade est accueilli à Cochin en cancérologie et lors de sa première cure de chimiothérapie en hôpital de jour, nous lui demandons le nom et l’adresse du pharmacien d’officine qui sera son référent. Nous envoyons alors à ce dernier un courrier d’information lui précisant le traitement mis en place (tel protocole contenant tel et tel produit), les administrations associées (antiémétiques, etc). Nous insistons auprès de lui afin qu’il ait le produit en stock. Enfin, nous lui donnons un numéro de téléphone où il peut nous joindre en cas de besoin (conseils au patient, conduite à tenir, etc.) », explique François Lemare, pharmacien hospitalier et membre du réseau.

Les officinaux ont pu également remplir un questionnaire de satisfaction. « En neuf mois, 150 patients ont été intégrés au réseau et le retour des officinaux contactés est plutôt favorable. Nous allons faire une demande de financement et souhaitons étendre cette expérience à tous les patients. »

Expérience : Alain Marcillac – Membre du réseau Onco92 Sud (titulaire à Châtillon)

« Nous devons aller au-devant des malades »

Avec les sorties de la réserve hospitalière, nous rencontrons un grand nombre de problèmes à l’officine. Bien souvent, nous n’avons pas la totalité des informations nécessaires à la délivrance des prescriptions ou à la commande du matériel (ordonnances mal rédigées, pas de quantité indiquée…). Pour faciliter le travail des pharmaciens mais aussi des infirmières (qui courent après l’information) et la vie des patients (qui sont obligés de se présenter plusieurs fois à la pharmacie pour une même ordonnance), nous avons fait au sein du réseau tout un travail en amont pour préparer l’acte pharmaceutique : nous avons élaboré des ordonnances pré-imprimées et les avons distribuées aux médecins, généralistes ou hospitaliers, du secteur.

Nous travaillons également sur le problème de l’approvisionnement à l’officine. Notre objectif est d’anticiper les commandes, notamment par rapport aux sorties hospitalières, afin que le malade puisse trouver son produit au moment voulu chez son pharmacien habituel. Si la prise en charge du cancer passe aussi par nous, officinaux, nous devons également aller au-devant des malades. Il est évident que notre place est là, au centre des réseaux de soins.

Expérience : Claire Filloux – Membre du réseau Oncolim (adjointe à Limoges)

« J’ai insisté pour que les adjoints aient la même possibilité d’intégrer le réseau que les titulaires »

Ayant été très affectée par cette maladie dans ma famille, j’ai eu au départ l’idée de monter une association autour du cancer. J’ai ensuite appris l’existence d’Oncolim. Je me suis dit que j’avais un rôle à y jouer. Il a d’abord fallu monter une section pharmacie. J’ai ensuite insisté pour que les adjoints aient la même possibilité d’intégrer le réseau que les titulaires. Ce qu’Oncolim m’apporte ? Une meilleure connaissance de la maladie qui fait que je comprends mieux les attentes des malades, de leur entourage. Me sentant plus proche d’eux, je peux mieux les conseiller, les accompagner. C’est aussi ce qu’attendent de nous les cancérologues : que nous prenions le relais après des patients quant à l’explication de l’ordonnance. Comme nous connaissons bien les malades, leur famille, ceux-ci nous parlent plus librement, ils se confient beaucoup, ils abordent avec nous des problèmes simples dont ils n’osent pas forcément discuter avec le spécialiste. Nous avons également un autre rôle important : celui de faire remonter les informations auprès du prescripteur (effets indésirables, etc.). Le réseau, c’est aussi, pour tous les professionnels de santé, apprendre à se connaître, à travailler ensemble. »