- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- Les missions officinales éloignent-elles le pharmacien du médicament ?
Les missions officinales éloignent-elles le pharmacien du médicament ?
Les officinaux sont confrontés à des choix dans la réalisation des nombreuses missions qui s’offrent à eux. L’émergence des différentes actions de prévention, de dépistage et d’accompagnement du patient est-elle de nature à détourner le pharmacien de son cœur de métier, la dispensation du médicament ? Trois représentants de la profession livrent leur point de vue sur la question.
OLIVIER ROZAIRE
![](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/06/MPL-OlivierRozaire-200x300.jpg)
Saint-Bonnet-le-Château (Loire)
Président de la chambre syndicale de la Loire (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France)
Président de l’union régionale des professionnels de santé pharmaciens Auvergne-Rhône-Alpes
Malgré les évolutions de son métier, le pharmacien reste le spécialiste du médicament. C’est notre mission principale et le médicament génère 75 % de notre activité. Une officine qui se focalise uniquement sur la dispensation des médicaments doit pouvoir en vivre. Or on ne les délivre pas aujourd’hui comme il y a dix ans, c’est devenu plus complexe. Dans le même temps, la rémunération de la dispensation n’a pas beaucoup évolué. Et l’enveloppe sert aussi à financer une partie des nouvelles missions, car elles n’ont pas de modèle économique propre.
Impliqué dans la représentation syndicale qui était la mienne à l’époque de leur signature, j’étais peu favorable aux avenants conventionnels sur les différents entretiens pharmaceutiques. L’objectif de l’Assurance maladie est louable : l’amélioration du bon usage du médicament. Ce ne sont, bien sûr, pas les entretiens eux-mêmes mais leur modèle économique qui pose problème. Les syndicats doivent défendre les intérêts des pharmaciens, non ceux de l’Assurance maladie. En rémunérant ces entretiens 50, 60 ou même 80 €, on est loin du tarif forfaitaire de 250 € qui s’applique pour un suivi en éducation thérapeutique du patient. Résultat : une très grande majorité de pharmaciens ne font pas d’entretien. Nous devrions travailler aujourd’hui sur un parcours de délivrance. Depuis 2021, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’expérimentation Oncoral, menée sur le modèle de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, crée un parcours de soins pour les patients atteints de cancer. Il repose sur des échanges entre l’hôpital et les professionnels de ville, dont les pharmaciens d’officine. Ceux-ci sont rémunérés 210 € pour chaque patient suivi.
Il faut voir aussi ce que l’on peut faire autour du médicament, je veux parler des actions de prévention. Les vaccins sont des médicaments et nous avons été chargés de les administrer et les prescrire. Rappelons que cette prescription nécessite une organisation bien particulière qui n’a pas été prévue par les textes. Les pharmaciens se sont fortement engagés dans cette mission de prévention.
Nous sommes utiles sur plein de sujets – cela nous va bien – mais rarement pour être payés davantage. Or il faudrait investir massivement dans le réseau officinal pour le pérenniser. Malheureusement, il n’y a pas de projet politique pour réformer le système de santé en France et encore moins pour la pharmacie. On ne voit que des ajustements, des conventions, des avenants, sans volonté de réforme structurelle.
JULIEN GRAVOULET
![](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/06/MPL-Julien_Gravoulet-199x300.jpg)
Pharmacien titulaire à Leyr
(Meurthe-et-Moselle)
Membre du conseil d’administration et du conseil scientifique de la Société française de pharmacie clinique
Secrétaire de l’union régionale des professionnels de santé pharmaciens Grand-Est
Professeur associé à la faculté de pharmacie de Nancy, université de Lorraine
Les entretiens pharmaceutiques tels qu’ils existent aujourd’hui ciblent des catégories de traitement et procèdent à un découpage des patients. Pour les bilans partagés de médication, par exemple, les critères d’adhésion sont très fermés et les objectifs à atteindre sont particulièrement larges. Ce qui explique qu’un pharmacien qui y consacre 20 minutes peut se sentir satisfait de son travail, tandis qu’un autre qui y passe quatre heures peut estimer qu’il n’a pas rempli ses objectifs. Sans parler des conditions difficiles de recrutement : les propositions d’entretiens sont souvent peu entendues par les patients qui ne connaissent pas ces dispositifs.
Certes, dans mon officine, je vois des personnes âgées qui prennent sept médicaments par jour depuis 10 ans et qui n’ont pas besoin de passer beaucoup de temps à échanger avec moi. A contrario, un jeune adulte qui commence un traitement antihypertenseur peut avoir besoin d’être suivi. L’entretien pharmaceutique pourrait être totalement revu en nous accordant plus de confiance dans le recrutement et l’accompagnement. Pour aboutir éventuellement à la construction d’un plan pharmaceutique personnalisé. C’est à nous qu’il reviendrait de repérer une difficulté dans l’adhésion thérapeutique ou la présence d’un risque iatrogène. Nous, pharmaciens, avons systématisé la dispensation des médicaments. Nous avons encore du mal à implémenter la proposition et la réalisation de ces parcours plus complexes. Nous pourrions être mis en alerte au comptoir selon des critères codifiés. La Société française de pharmacie clinique a élaboré une graduation de ce parcours, notamment dans ses recommandations de bonnes pratiques de pharmacie clinique. Il s’agit d’une sorte d’« entretien universel » qui donnerait davantage de latitude au pharmacien. Il serait possible de standardiser la plupart des entretiens. Ce serait d’ailleurs plus simple pour leur intégration automatisée dans les logiciels d’officine.
Il faudrait créer ce continuum entre dispensation au comptoir et entretien dans un espace de confidentialité. Concrètement, quand vient un patient, on lui donne rendez-vous pour le renouvellement de ses médicaments. A son retour, l’ordonnance serait déjà préparée et facturée. Nous profiterions du temps de présence du patient pour échanger avec lui sur son traitement. Sur le plan économique, cela pourrait se traduire par une valorisation des honoraires de dispensation. En ce sens, les entretiens pharmaceutiques constituent un accompagnement adapté au patient en lien avec son traitement. Nous sommes le « professionnel incontournable du médicament ». Défendons nos compétences spécifiques et notre expertise pharmaceutique clinique ! Pour les missions que nous partageons avec d’autres professions, comme la vaccination et les bilans de prévention, nous ne faisons que venir en renfort.
GUILLAUME RACLE
![](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/06/MPL-GuillaumeRacle-246x300.jpg)
(Marne)
Membre du bureau de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine
Cofondateur de la communauté professionnelle territoriale de santé Nord-Aisne
Dans mon officine, nous avons intégré la dispensation des médicaments et les autres missions dans un même parcours pour le patient. Ce sont des actes supports, complémentaires de la dispensation. Ils sont proposés systématiquement et l’équipe s’y emploie également. On pourrait comparer cela à des briques pour améliorer la santé du patient. En pratique, je regarde l’âge de la personne pour vérifier la nécessité d’un rappel de vaccination ou d’un dépistage du cancer colorectal. Si l’ordonnance comporte un anticoagulant, l’entretien lui est proposé. Le bilan partagé de médication est présenté aux patients éligibles en sortie d’hospitalisation. Evidemment, cela doit être programmé en cas d’affluence dans l’officine ou si le patient n’est pas disponible sur le moment. Il ne s’agit pas de réaliser des entretiens pour le simple fait d’en faire. Il y a toujours un fait que l’on détecte ou une information que l’on apprend au patient. Bien sûr, cela ne vient pas tout de suite. Au début, il faut du temps. Au bout d’un moment, cela devient comme un réflexe, l’entretien est mené sans s’appuyer sur le formulaire que l’on remplit ensuite.
- Enquête de l’Anepf : la vie des étudiants en pharmacie, pas si rose
- Économie officinale : faut-il ressortir les gilets jaunes et les peindre en vert ?
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Prescription des analogues du GLP-1 : les médecins appellent au boycott du dispositif imposé
- Burn-out des pharmaciens : le malaise grandissant d’une profession épuisée
- Médicament contre la douleur : une alternative aux opioïdes
- Maladie de Charcot : le Parlement vote une amélioration de la prise en charge
- Salaire : un premier échec dans les négociations 2025
- Ogast et Ogastoro : arrêt de commercialisation
- Cancers pédiatriques : le gouvernement réinjecte les 15 millions supprimés
![Substitution par un biosimilaire : possible pour tout médicament biologique, sauf exceptions](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/01/iStock-1141239836-680x320.jpg)
![Osys veut faire naître la mission de « pharmacien de premier recours »](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/12/iStock-2161964801-680x320.jpg)