- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- LE RAPPORT QUI PLÉBISCITE LES PUI
LE RAPPORT QUI PLÉBISCITE LES PUI
Le rapport définitif de l’IGAS sur le financement des soins dispensés en EHPAD a été dévoilé le 18 janvier dernier. Il émet 20 propositions dont le développement des pharmacies à usage intérieur (PUI). L’officine en sort égratignée.
Le marché des EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), soit entre 700 et 800 millions d’euros, concerne environ 4 000 officines, dont la part de l’approvisionnement représente entre 3 et 20 % de leur chiffre d’affaires, un pourcentage enflant à mesure que l’on s’approche des zones les plus rurales (chiffres FSPF). Dans ce contexte, le rapport définitif de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le financement des soins dispensés en EHPAD, datant d’octobre 2011 mais mis en ligne le 18 janvier, jette un froid dans le réseau officinal. Ce rapport évalue, entre autres, le circuit du médicament, comparant les différentes organisations en fonction de la présence ou non d’une PUI.
Les auteurs formulent plusieurs recommandations dont la publication des « textes nécessaires (décret) pour habiliter les groupements de coopération d’établissements médico-sociaux à créer une PUI? » et la possibilité d’exonération de diminutions de dotation aux EHPAD créant une PUI. Ces recommandations, si elles étaient suivies, modifieraient la donne puisque 82?% des EHPAD sont approvisionnés par les officines. Par ailleurs, 28 % des EHPAD publics et seulement 7 % des privés le sont par une PUI (chiffres IGAS).
Des conclusions contradictoires et une méthodologie contestée
Une conclusion plutôt surprenante puisque le précédent rapport de l’IGAS sur l’évaluation de l’expérimentation de la réintégration des médicaments dans les forfaits de soins des EHPAD sans PUI, rendu en septembre 2010 soulignait l’utilité et l’adéquation aux soins du pharmacien référent et alertait sur le risque de la création de PUI pour le réseau officinal. « La fermeture de ces officines aurait des conséquences particulièrement délétères pour la santé publique et serait financièrement coûteuse pour les dépenses publiques. On s’attaque aux officines, déjà mal en point », s’indigne Benoît Thiébaut, président de l’Association de pharmacie rurale (APR).
Tous les représentants de la profession dénoncent une étude parcellaire, « opaque », selon Gilles Bonnefond, président de l’USPO (Union syndicale des pharmaciens d’officine), « où le coût du médicament est enterré dans le prix de journée ». Philippe Gaertner, président de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), alerte sur des comparaisons faussées : « On ne prend pas en considération la totalité des coûts des EHPAD avec PUI. Il est facile d’identifier les coûts directs (médicaments et personnels), mais les indirects (bâtiments, chauffage, électricité, personnels administratifs) sont mal évalués. Si d’autre part l’IGAS préconisait l’accès aux tarifs PUI pour les médicaments délivrés aux EHPAD par les officines, les résultats seraient bien différents… »
« C’est un rapport à charge contre l’officine ! »
Autres atouts mis en avant par l’IGAS pour défendre la pertinence des PUI : prix du médicament moindre, forte diminution du volume des prescriptions, plus grande sécurité pour le patient (prévention iatrogène), reconditionnement du médicament limitant les gaspillages, meilleur suivi de la prise du traitement et enfin gain de temps infirmier (les préparations des doses à administrer étant réalisées par les préparateurs)… Des arguments qui témoignent d’un autre biais méthodologique, selon Philippe Gaertner, l’étude souffrant d’une absence de comparaison avec les EHPAD travaillant avec un pharmacien référent d’officine dans le cadre de l’expérimentation, lequel, « tel que le prévoit la loi HPST, donnerait les mêmes gages de suivi et de qualité que la PUI ».
« C’est un rapport à charge contre l’officine », accuse Michel Caillaud, président de l’UNPF (Union nationale des pharmacies de France, qui pense que la diffusion tardive du rapport n’est pas fortuite, en pleine attente des arbitrages : « On veut nous conduire vers un système de délivrance unitaire à l’anglo-saxonne. Le message est clair : soit vous vous alignez et l’on conserve le binôme PUI-officine, soit c’est la mort des officines travaillant avec les EHPAD. » Le président de l’UNPF remarque également que le regroupement accordé aux EHPAD autour d’une PUI pour des coûts d’achats optimisés est toujours refusé aux officines dans le domaine des rétrocessions.
Reste à savoir à présent comment ce rapport sera utilisé par ceux qui l’auront en main : « J’attends que le gouvernement prenne position contre, livre Gilles Bonnefond. La réponse de Nicolas Sarkozy sera un signe politique fort. » A voir…
REPÈRES
• Août 2009 : remise des conclusions de la mission Lancry préparatoire à l’expérimentation de la réintégration du budget médicaments dans le forfait de soins des EHPAD.
• Automne 2009 : lancement de l’expérimentation dans 360 EHPAD dont 265 sans PUI.
• Septembre 2010 : rapport de l’IGAS sur l’évaluation de l’expérimentation. Celle-ci n’étant pas concluante, il est décidé de sa poursuite pour deux ans.
• Octobre 2011 : rapport définitif de l’IGAS sur le financement des soins dispensés en EHPAD (mis en ligne le 18 janvier 2012).
• 16 novembre 2011 : circulaire précisant la poursuite de l’expérimentation jusqu’au 1er janvier 2013 (diffusée sur le site de La Fédération hospitalière de France le 4 janvier 2012).
3 QUESTIONS ÀSOPHIE ARMAND-BRANGER,
PHARMACIENNE GÉRANTE DE LA PUI CGS EHPAD-TERRITOIRE DE BELFORT (8 ÉTABLISSEMENTS, SOIT 1 250 LITS)Le rapport IGAS met en avant la tarification globale offrant « un espace budgétaire relativement large » mais ne détaille pas les prix-journées. Quels sont ceux d’une PUI ?
La mission préparatoire à l’expérimentation, présidée par Jean-Pierre Lancry de juillet 2009 préconisait un prix de journée médicament de 4,12 €. Dans notre PUI, notre prix journalier moyen est de 3,68 €, médicaments, dispositifs médicaux et charges compris (frais de fonctionnement et salaires).
Outre les économies possibles, l’IGAS liste les bénéfices en termes de maîtrise de la prescription et de sécurisation du circuit du médicament d’une PUI. Pensez-vous que la différence avec l’officine soit qualitative ?
Je ne suis pas une meilleure pharmacienne que mon confrère officinal. Simplement, je ne fais que cela et la sécurisation du circuit est mon cœur de métier. J’ai le temps, par exemple, de mener un audit sur l’écrasement des comprimés et de mettre en place un protocole ou d’assister à des réunions de synthèse avec le médecin coordinateur. On objecte souvent notre manque de souplesse, lié au salariat: je précise que nous sommes deux pharmaciens à être d’astreinte dans notre PUI. Un officinal prépare, livre, mais à 35 centimes par jour et par résident comme le prévoit sa rémunération de pharmacien référent, a-t-il les moyens de faire plus ?
Vous pensez donc que la formule PUI est la plus adaptée ?
Lorsqu’une officine fournit un EHPAD à proximité et que l’hôpital est situé plus loin, je ne vois pas l’intérêt de changer le système. Mais, encore une fois, nous sommes plus disponibles et il reste beaucoup à faire, notamment pour faire baisser les prescriptions. Je vais ainsi lancer un protocole de pharmacie clinique, en duo avec un médecin, sur le modèle Stopp-Start, outil de détection de la prescription médicamenteuse inappropriée chez la personne âgée.
- Enquête de l’Anepf : la vie des étudiants en pharmacie, pas si rose
- Économie officinale : faut-il ressortir les gilets jaunes et les peindre en vert ?
- Prescription des analogues du GLP-1 : les médecins appellent au boycott du dispositif imposé
- Bon usage du médicament : doit-on oublier la dispensation adaptée ?
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Ménopause : qu’attendre des traitements laser contre la sécheresse vaginale ?
- Nature Care, gamme naturelle pour le soin des plaies
- Pharmaciens et IA : l’ère du professionnel augmenté
- Maladie de Charcot : le Parlement vote une amélioration de la prise en charge
- Médicament contre la douleur : une alternative aux opioïdes
![DE LA RECHERCHE À LA PRODUCTION](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/07/article-defaults-visuel-680x320.jpg)