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Le dépisteur
Depuis trois ans, Eric Gendrin propose à ses patients de remplir le cahier de suivi et de dépistage qu’il a conçu. Et ça marche ! A tel point que ce cahier est dorénavant téléchargeable sur le site de l’Association pour le développement de l’Internet en pharmacie (Adiph).
Ma mère est pharmacienne, j’ai donc toujours baigné dans le monde de l’officine. Je pense que le service à la personne est une façon plus moderne d’exercer notre métier. La délivrance des ordonnances, c’est bien, mais on doit trouver d’autres schémas pour développer de nouveaux services. Mon cahier est né de cette envie », explique Eric Gendrin, jeune titulaire installé à Iffendic (Ille-et-Vilaine). Et son cahier lui paraît comme une évidence à l’heure où prévention et dépistage font partie des missions du pharmacien inscrites dans la loi HPST.
Des tests fiables et reconnus officiellement
C’est lors du réagencement de l’officine, en 2007, que l’idée de créer ce cahier de suivi et de dépistage a germé. « On pratiquait quelques prises de mesure de tension, mais ce n’était pas formalisé. On n’avait pas d’espace pour ce faire et, même si on le faisait très bien, cela renvoyait un peu une image d’amateur », note Eric Gendrin, qui décide alors de répertorier les dépistages éventuellement réalisables à l’officine. Il en trouve vingt (hypertension artérielle, diabète, Alzheimer, mais aussi DMLA, cannabis, alcoolisme, somnolence diurne…). « J’ai cherché des sources officielles et reconnues pour que les tests soient fiables, car la finalité est d’envoyer les patients dépistés chez le médecin ou le spécialiste. » Ce travail de recherche permet à Eric Gendrin d’élaborer les questionnaires et les tests techniques qui constitueront le cahier. Les premiers peuvent être réalisés par n’importe quelle officine, les seconds demandent un investissement minimal de 500 euros (tensiomètre, débitmètre de pointe, mobilier…).
Le cahier verra le jour fin 2007. Il est sans ambiguïté pour le patient : « Ce livre contient des tests simples et rapides, des questionnaires, qui ne permettent pas d’établir un diagnostic que, seul, un médecin pourra vous apporter, mais qui vous orienteront correctement dans le système de soin et vous rassurera sur vos doutes », peut-on lire en page de garde.
Des animations organisées parallèlement
Annoncé via des affiches et des prospectus avec le programme des animations – car des animations sont organisées ! –, le cahier a rapidement trouvé sa place parmi les brochures conseil habituellement remises aux clients. En décembre, un audioprothésiste sera convié à l’officine pour pratiquer des tests sur l’audition. Début 2011 aura lieu une animation pour les diabétiques. « Il ne s’agira pas de contrôler la glycémie, mais de proposer un questionnaire à ceux qui se savent déjà atteints pour voir si leur prise en charge est optimale (soin de leurs pieds, visites régulières chez l’ophtalmologue, etc.) », précise Eric Gendrin.
Le planning des animations est aussi visible sur le site Internet de l’officine (http://pharmacie.gendrin.pharmattitude.fr/). Réactualisé tous les deux mois par le titulaire, il est enrichi d’articles (extraits souvent d’E-sante.fr) sur des thèmes de santé variés comme la médication familiale, la diététique et la santé, la sécurité alimentaire, l’environnement… « C’est très difficile de communiquer sur ce service de dépistage et de suivi, constate Eric Gendrin. Il faut éduquer les patients à venir se faire dépister à l’officine. Les animations toute l’année les sensibilisent. Depuis que le cahier a pris sa forme finale, c’est-à-dire depuis un an, les patients commencent à se manifester et à nous demander les thèmes et les dates des animations prévues. L’information circule lentement. »
Pourtant, une fois que l’habitude est prise, les patients sont très reconnaissants quand on leur dépiste une pathologie. Le Conseil de l’ordre des pharmaciens, que le titulaire a contacté pour lui faire part de son initiative, est resté muet. « Alors je me suis tourné vers l’Association pour le développement de l’Internet à l’officine*, qui était demandeur de travaux faits en officine. L’équipe a mis mon cahier en téléchargement libre ! », se réjouit Eric Gendrin.
« Les médecins, ça ne leur fait ni chaud ni froid ! »
Les tests qui attirent le plus les patients sont ceux du diabète, de l’hypertension artérielle, de l’asthme, mais aussi ceux qui touchent au poids, à la mémoire et à l’ostéoporose. Pour le diabète, en deux semaines d’animation, 150 personnes sont venues se faire tester. Deux d’entre elles se sont révélées positives. Pour les autres tests, Eric Gendrin n’a pas encore fait de statistiques. Ce n’est pas tant le nombre qui compte pour lui que le résultat. La population féminine, elle, est très sensible aux tests sur la surcharge pondérale ou l’anorexie. « En ce moment, on teste la dénutrition chez les personnes âgées, car on sait qu’il y a 450 000 personnes dénutries en France. Souvent, elles n’ont plus le courage de se préparer un repas et se contentent d’avaler un bol de café et deux tartines le soir… Ce test, basé sur l’autoquestionnaire de Broker, a remotivé l’équipe (trois préparatrices, une adjointe, ma mère et moi) et l’on distribue des conseils et des doses d’essai de compléments alimentaires. »
Plus surprenant, le test QPC sur les troubles de la mémoire ne fait pas fuir les patients. « Comme nous sommes très proches des personnes, nous décelons très rapidement des petits signes et on leur propose ce test pour les rassurer, car elles s’inquiètent souvent de perdre la mémoire. Comme on sait que la maladie d’Alzheimer doit être détectée tôt pour être stabilisée, c’est un test important ! » Enfin, le test qui concerne l’ostéoporose remporte un vif succès, car « le questionnaire, qui est un test rapide du risque réalisé par la Fondation internationale contre l’ostéoporose, est moins stressant que l’ostéodensitométrie et permet aux femmes de savoir si elles doivent passer l’examen ».
Auprès de ses confrères, le cahier d’Eric semble ne remporter qu’approbation, alors que, côté médical, il suscite plutôt l’indifférence : « Les médecins, ça ne leur fait ni chaud ni froid !, regrette Eric Gendrin. Parce que les gens viennent nous voir facilement, sans rendez-vous, je pense que l’officine a le potentiel pour rendre ce type de services. Si les pharmaciens sont de plus en plus nombreux à proposer ces services et s’ils sont rémunérés un jour, peut-être les patients viendront-ils d’eux-mêmes ?… »
Envie d’essayer ?
LES AVANTAGES ?
• L’information et l’accompagnement des patients dans le dépistage sont valorisants pour le pharmacien. Quand des patients sont dépistés « positifs », ils sont reconnaissants.
• C’est épanouissant d’évoluer dans la pratique de son métier et de sortir de la routine.
• On partage ses connaissances avec les patients et l’on échange des idées avec les confrères.
• C’est un outil professionnel tourné vers les autres pharmaciens : tous peuvent en profiter et l’utiliser, voire l’améliorer.
• Ce cahier s’inscrit parfaitement dans la loi HPST.
LES DIFFICULTÉS
• Le temps consacré au cahier dépend des ambitions du pharmacien.
• Certaines pathologies sont difficilement dépistables à l’officine ?: DMLA, alcoolisme, cannabis…
• Il faut un espace de confidentialité pour mettre les patients à l’aise.
• La communication auprès du patient est un travail de longue haleine : petites affiches dans l’officine, affichage du planning des dépistages et information au comptoir.
LES CONSEILS
• Il faut faire un travail de recherche important afin que les tests de dépistage s’appuient sur des sources fiables, officielles et scientifiques.
• Elaborer son projet pour le rendre utilisable par son équipe mais également par les autres pharmaciens.
• Proposer au patient un cahier bien présenté et clair.
• Présenter son « produit » à l’Adiph-officine ou à d’autres sites pharmaceutiques pour que l’information circule.
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