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La santé publique hors les murs de l’officine

Publié le 30 mai 2009
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Le pharmacien a un rôle d’acteur de santé publique à jouer au-delà du comptoir. Une conviction que Bernard Champanet, qui exerce à Albi, met en pratique depuis bien longtemps en participant à de nombreuses actions de prévention et de sensibilisation, notamment dans les domaines de l’alcoolisme au volant ou de la toxicomanie. Une façon citoyenne de donner une autre vision de la profession.

L’agenda de Bernard Champanet est déjà bien chargé. Pourtant, s’il est sollicité en tant que pharmacien, il n’hésite jamais à se rendre disponible pour intervenir hors de l’officine. C’est que le président du syndicat des pharmaciens du Tarn à une conviction chevillée au caducée : « Le pharmacien doit sortir de ses murs pour jouer pleinement son rôle d’acteur de santé publique. C’est parce qu’on a acquis la confiance des clients que l’on peut aller à l’extérieur partager un peu de ses compétences auprès de différents publics. »

Une démarche que Bernard Champanet ne réalise pas seul mais dans le cadre du syndicat et en relation avec des associations partenaires. Pour lui, il n’y a pas de différence entre le comptoir, qu’il pratique depuis 36 ans, et l’extérieur, tant que le pharmacien peut y jouer son rôle, notamment d’information et de prévention. « Soyons fiers de notre diplôme, aime à dire Bernard Champanet. Allons le faire reconnaître partout où cela est possible, non pas pour se faire voir mais pour lui donner sa pleine utilité. »

Des milliers d’éthylotests distribués dans le Tarn

Ainsi, depuis plusieurs années, le syndicat des pharmaciens du Tarn et l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie du Tarn organisent, en partenariat avec la préfecture, des actions de sensibilisation, notamment auprès des jeunes. Depuis les dernières fêtes de fin d’année et durant toute l’année 2009, l’opération « Zen la route » permet de mettre à disposition du public des éthylotests à 0,20 euro, dans les pharmacies entre autres. Un prix de vente rendu possible grâce à l’implication financière du conseil général et au soutien de plusieurs partenaires : la Mutualité sociale agricole (MSA), la Mutualité tarnaise et la caisse primaire d’assurance maladie du Tarn. « Cette action, qui a bien fonctionné (17 000 éthylotests ont été écoulés la première semaine), est très intéressante. Nous ne réalisons aucune marge. Proposer l’éthylotest est une façon d’engager un dialogue différent avec nos clients, jeunes et moins jeunes. Les dégâts de la route touchent tout le monde ; la sensibilisation peut donc passer aussi bien par les grands-parents que les enfants. »

Différents partenaires, oeuvrant chacun à leur manière dans le secteur de la santé, ont appris à travailler ensemble et renouvellent régulièrement ce type d’opération. Bernard Champanet est en outre correspondant de l’Observatoire départemental de la sécurité routière, ce qui lui permet de suivre de près l’évolution de ce fléau.

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Sensibiliser et informer les jeunes à la toxicomanie

Autre domaine d’intervention pour notre confrère albigeois : la toxicomanie. Depuis plus de vingt ans, Bernard Champanet s’engage pour sensibiliser, informer et prévenir les dégâts occasionnés par les drogues ou les psychotropes, dans le cadre de l’espace « Accueil, information, toxicomanie », émanation de l’hôpital du Bon-Sauveur d’Albi. « Avec des médecins, des éducateurs sociaux mais également des policiers ou des gendarmes, nous intervenons dans les lycées ainsi qu’à l’Ecole des mines ou dans différentes structures de formation. C’est toujours une expérience très enrichissante. On part de leurs mots, on essaie de casser leurs certitudes et de leur montrer que des adultes sont à leur écoute, qu’il existe des lieux d’accueil et des personnes référentes qu’ils peuvent contacter. Souvent, ils croient être bien informés et pensent pouvoir maîtriser leur addiction. Nous ne sommes pas là pour faire la morale mais pour échanger et aider ces jeunes à comprendre les ravages de la drogue. Ou leur donner des clés pour sortir de cet engrenage. »

Une démarche là encore menée en relation étroite avec les organismes sociaux, l’Education nationale et les différents services de l’Etat. Le procureur de la République a d’ailleurs demandé à Bernard Champanet de participer, en tant qu’accesseur – citoyen spécialisé dans les questions de l’enfance -, au tribunal des mineurs. « C’est très instructif. L’objectif est de pousser les jeunes à s’interroger. Tant que nous pouvons avoir un dialogue, nous servons à quelque chose. »

Mettre ses connaissances au service des autres

Rencontres publiques, dîners-débats, opérations spécifiques…, toutes les occasions sont bonnes pour Bernard Champanet de porter la bonne parole sur ces questions délicates. Loin du comptoir, le pharmacien est-il là dans son rôle ? Le président du syndicat ne comprend même pas que l’on puisse se poser cette question. « Le pharmacien est sous-employé par rapport à sa formation. Il est très important de rester disponible pour mettre, quand on le peut, une partie de nos connaissances au service des autres. Quand des jeunes viennent vous voir et vous disent que ça leur a fait du bien, on est heureux et on a envie de continuer. » Au sein de l’officine, ce pharmacien au dynamisme inépuisable fait également de la prévention. « Je connais bien mes clients, avec lesquels j’ai instauré une relation de confiance qui me permet d’aborder par exemple le problème du tabac. Je leur propose de passer des tests pour évaluer leur dépendance. Cela les fait réfléchir, ils savent que je peux les aider à arrêter. Ils reviennent me voir pour en parler et je peux ainsi les accompagner. »

Un exercice pharmaceutique enrichi et valorisant pour l’image

Bernard Champanet en convient : tout cela demande beaucoup de temps et d’énergie. De l’énergie, ce passionné de sport et de chevaux en a à revendre. Pour le reste, c’est une question d’organisation. « J’avoue avoir la chance de bénéficier d’une structure officinale qui me permet d’être beaucoup à l’extérieur. » Chez les Champanet, en effet, on travaille en famille. L’officine compte 4 pharmaciens, dont l’épouse et le fils de Bernard, et 5 préparateurs. « Je sais que tous mes confrères n’ont pas la possibilité de se consacrer autant à ce type d’activités, mais chacun peut, à sa mesure, et en lien avec d’autres, participer à des actions publiques ou citoyennes. »

Bernard Champanet est aussi engagé dans d’autres activités, comme l’Institut Klorane où il participe, avec d’autres officinaux du secteur, à des actions de protection du patrimoine végétal auprès des enfants des écoles et des collèges. Avec la MSA, il anime des groupes de santé locaux sur des thématiques très variées, allant du bon usage du médicament à la phytothérapie. Sans négliger, bien sûr, la vie du syndicat qu’il préside depuis quinze ans. « Tout cela va dans le même sens : ça rend l’exercice pharmaceutique plus riche et ça l’ouvre sur différents milieux. Tout en donnant une autre image des pharmaciens. »

Envie d’essayer ?

Les avantages

– Un enrichissement personnel qui apporte beaucoup à l’exercice officinal.

– Une ouverture sur différents milieux et différentes réalités.

– Un autre rapport avec les clients.

– La valorisation de compétences du pharmacien, autres que celles liées au médicament.

– L’affirmation du rôle d’acteur de santé publique des pharmaciens.

– Une reconnaissance qui sert l’ensemble de la profession.

Les difficultés

– La gestion du temps.

– L’organisation du travail pour ne pas pénaliser l’officine.

– Beaucoup de préparation en amont.

– Se rendre disponible en journée ou en soirée.

Les conseils

– Evitez les démarches personnelles. Rapprochez-vous plutôt des instances professionnelles et agissez en accord avec elles pour des actions cohérentes, visibles et reconnues par l’ensemble des praticiens.

– N’hésitez pas à sortir de la pharmacie dès qu’il s’agit de questions de santé publique.

– Restez en contact régulier avec les associations et les autorités.