- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- « J’exerce à la québécoise »
« J’exerce à la québécoise »
Trois mois de stage au Québec ont ouvert de nouveaux horizons à Delphine Ulrich. Depuis la reprise de la pharmacie familiale à Villeurbanne, en 2000, la titulaire a eu à coeur de mettre en application le suivi et l’accompagnement des patients, fondements des soins pharmaceutiques pratiqués dans la province canadienne. Ses outils : un dossier patient et des fiches conseil.
Quand Delphine Ulrich a repris la pharmacie maternelle en 2000, les souvenirs de son immersion dans une officine québécoise étaient encore frais dans son esprit. « J’avais effectué un stage de trois mois au début de l’année 1999 et soutenu ma thèse en novembre, intitulée « Des outils pour la promotion des soins pharmaceutiques à l’officine : expérience québécoise, adaptation en France » », raconte la jeune titulaire. C’était à Saint-Lambert, une commune de Montérégie de 20 000 habitants, chez Diane Lamarre, pharmacienne et professeur à la faculté de pharmacie de Montréal.
Delphine Ulrich en a rapporté une pochette pleine d’idées : des fiches conseil, des fiches patients, des étiquettes de couleur verte, jaune… « Ces étiquettes étaient apposées sur les boîtes de médicaments pour signaler si, par exemple, le produit est à boire avec beaucoup d’eau. Je ne les ai pas utilisées mais j’en garde les modèles », précise-t-elle en ouvrant la pochette qu’elle conserve dans son bureau. De son séjour sur le sol canadien, elle est surtout revenue avec la ferme volonté de s’impliquer dans le suivi et l’accompagnement des patients bien au-delà de la simple dispensation.
« Au Québec, le pharmacien centre son intervention sur le patient et non sur le seul médicament, relate Delphine Ulrich, aujourd’hui installée à Villeurbanne dans le Rhône. L’intervention du pharmacien vise à faire adhérer le patient au traitement, à s’assurer de sa bonne observance et à s’impliquer dans l’obtention du résultat thérapeutique recherché. Le contexte de la pharmacie où j’ai réalisé mon stage était particulier : elle était située au sein d’un complexe de maisons de retraite et en desservait d’autres ainsi qu’un centre de soins palliatifs. La clientèle était donc polymédiquée. Un cadre idéal pour appliquer les soins pharmaceutiques. »
Analyser systématiquement l’historique du patient
« Le projet d’entreprise que j’ai défini veut aller dans le sens des critères des soins pharmaceutiques, souligne Delphine Ulrich. C’est ainsi que je l’ai présenté aux membres de mon équipe et aux stagiaires que je reçois chaque année. Dans le concept de soins pharmaceutiques, l’idée est de recueillir, de résumer, d’analyser les données objectives que l’on reçoit et de poser d’éventuelles questions liées à la pharmacothérapie. J’ai transposé le dossier patient « à la québécoise » en incitant mon équipe à effectuer une analyse systématique de l’historique des clients avant chaque délivrance et à compléter le dossier par le maximum de données qui leur sont relatives. Si un problème d’observance est constaté par exemple, l’objectif est d’en rechercher les raisons : le patient a-t-il des difficultés à utiliser son traitement à cause des effets secondaires ? Est-ce parce qu’il n’a pas compris l’intérêt de sa thérapie ? … A nous de trouver les mots pour le recadrer, voire de contacter le prescripteur pour proposer une alternative en cas d’effets indésirables. Dans le cadre des soins pharmaceutiques, il s’agit de mettre en place un plan de soins pour tenter d’obtenir le résultat thérapeutique optimal. »
Le suivi des patients est assuré grâce à l’informatique et par le biais du cahier de liaison sur lequel sont notés les appels et les remarques les concernant. Delphine Ulrich a encore en mémoire le cas très récent d’une patiente qui renouvelait trop fréquemment ses ordonnances. « Nous soupçonnions des problèmes de mémoire. Nous voulions sensibiliser la famille. Pour ce faire, nous avons réussi à contacter l’aide ménagère puis la famille par son intermédiaire. Nous avons également pu joindre le médecin pour lui faire part de nos observations. Très rapidement, la famille nous a annoncé qu’elle allait demander des examens complémentaires à la recherche d’éventuels troubles de la mémoire. »
Pour la titulaire, c’est un bon exemple d’un suivi qui dépasse l’acte de délivrance. « Nous sommes partis de l’analyse du dossier patient, tout en restant dans le champ pharmaceutique. » Depuis février, l’officine villeurbannaise expérimente le dossier pharmaceutique, à l’instar de certaines officines de la région lyonnaise.
« Cela n’a pas changé notre pratique au quotidien car nous avions déjà l’habitude de réaliser et d’analyser les historiques de nos patients, souligne Delphine Ulrich. Mais le dossier pharmaceutique est un outil valorisant le rôle de l’ensemble des pharmaciens auprès des patients, lesquels n’ont pas toujours conscience du travail qui est réalisé pour leur santé. Quand le dossier pharmaceutique sera généralisé, nous pourrons aussi connaître tous les délivrances déjà effectuées par les autres pharmaciens d’officine. »
Accompagner le patient par des fiches conseil
Depuis trois ans, ce souci d’améliorer la qualité du conseil et de l’accompagnement s’est aussi formalisé par la réalisation de fiches conseil. « Elles permettent de normaliser le discours et d’offrir une qualité constante », explique Delphine Ulrich. A ce jour, une cinquantaine ont été réalisées. Là aussi, les fiches conseil du Québec ont servi à la titulaire de Villeurbanne de source d’inspiration. « Pour les réaliser, nous avons travaillé sur une mise en page standardisée en précisant bien sur chaque fiche « N’hésitez pas à demander conseil à votre pharmacien, chaque situation est particulière ». »
Les thèmes ont été choisis en fonction des demandes des patients et de l’équipe officinale. Plusieurs fiches ont ainsi trait au diabète : elles indiquent comment réaliser une glycémie capillaire avec un lecteur de glycémie, quelle diététique suivre (comment organiser les repas, quels aliments privilégier) ou encore comment soigner le pied du diabétique pour prévenir les complications.
Autre thématique forte des fiches conseil : les recommandations hygiénodiététiques pour « répondre à une clientèle diverse comprenant à la fois des jeunes mamans et des personnes âgées. Les fiches ont été élaborées par tranche d’âge, des plus petits aux adolescents et aux seniors. Nous avons également une fiche en cours sur la diversification alimentaire ». Les antivitamines K ont aussi été traitées. « C’était une demande relativement prioritaire, précise Delphine Ulrich, car il s’agissait d’expliquer comment bien gérer ces produits. Le pharmacien doit s’investir sur ce sujet pour prévenir les accidents. »
Collaboration avec l’INPES et l’Assurance maladie
C’est toujours dans le même esprit que la titulaire a accepté de participer, de 2001 à 2005, à une démarche expérimentale d’éducation à la santé chez les adolescents avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES)* et l’Assurance maladie. « Nous nous sommes interrogés sur la faisabilité d’une telle démarche. Nous avons suivi une formation à l’éducation à la santé et cela s’est concrétisé par des entretiens individualisés avec des adolescents volontaires. »
Après cette phase pilote, un groupe de travail a été constitué à l’INPES pour élaborer des outils d’éducation à la santé destinés aux professionnels de santé. « Cette expérience a permis de valoriser le rôle du pharmacien : aux yeux des adolescents, c’est un professionnel de santé librement et gratuitement accessible, 24 heures sur 24. Elle a également prouvé que les pharmaciens savaient collaborer avec d’autres professionnels de santé. »
Pour l’instant, deux premières réunions du groupe de travail, auxquelles Delphine Ulrich participe, ont eu lieu. D’autres suivront, et l’on devrait à nouveau entendre parler de la titulaire.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– Au comptoir, l’accueil des fiches conseil par les patients est très positif. Elles contribuent à renforcer la relation de confiance.
– Les fiches permettent également de rouvrir la discussion avec des patients chroniques qui peuvent avoir pris de mauvaises habitudes, notamment dans le cas de prise d’antivitamines K.
Les difficultés
– La réalisation de fiches conseil, la validation de leur contenu et leur mise à jour prennent du temps.
– L’analyse de l’historique du patient doit se faire chaque fois qu’il se présente avec son ordonnance. Cela requiert une concentration et une attention constantes.
Les conseils de delphine
– « Il faut oser communiquer avec le patient sur le travail de contrôle qui est effectué, en disant par exemple « Je vais appeler votre médecin », « Je vais faire une recherche » ou « Je vais vérifier tel ou tel point ». »
– « Disposez d’un cahier de liaisons qui facilitera la diffusion de l’information relative aux patients. Chaque membre de l’équipe y inscrit les informations qu’il juge importantes, comme par exemple le fait que l’aide ménagère devait rappeler pour donner un numéro de téléphone dans le cas de la patiente qui présentait des troubles de mémoire. »
- Economie officinale : les pharmaciens obligés de rogner sur leur rémunération
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Explosion des défaillances en Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Occitanie
- La carte Vitale numérique, ce n’est pas pour tout suite
- [VIDÉO] Financiarisation de l’officine : « Le pharmacien doit rester maître de son exercice »
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- [VIDÉO] Négociations, augmentations, ancienneté… Tout savoir sur les salaires à l’officine
- [VIDÉO] 3 questions à Patrice Marteil, responsable des partenariats Interfimo
- [VIDÉO] Quand vas-tu mettre des paillettes dans ma trésorerie, toi le comptable ?
![[VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/03/bonnefoy-dpc-680x320.png)
![[VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/03/grollaud-sans-680x320.png)