Interpro Réservé aux abonnés

Hôpital-domicile : un pont expérimental dans les Hauts-de-France

Publié le 20 avril 2024
Par Matthieu Vandendriessche
Mettre en favori

Se réunir à distance entre pharmacien d’officine, médecin traitant et professionnel hospitalier pour évoquer la situation de patients âgés et polymédiqués, c’est l’un des volets du programme Iatroprev, menée à Lille et Amiens. Un modèle interprofessionnel qui pourrait bien être étendu à l’échelle nationale.

 

Lancé grâce à l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2018, qui permet d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits, le dispositif Iatroprev, entrepris par les centres hospitaliers universitaires (CHU) de Lille (Nord) et d’Amiens (Somme), avec le soutien des unions régionales des professionnels de santé (URPS) médecins et pharmaciens des Hauts-de-France, a fait ses preuves selon un premier bilan dévoilé aux Journées de la Société française de pharmacie clinique (SFPC), qui se sont déroulées du 10 au 13 mars 2024 à Toulouse (Haute-Garonne). A ce jour, près de 272 pharmaciens d’officine sont impliqués dans cette expérimentation qui doit se prolonger jusqu’en juillet 2024.

63 % de femmes

 

L’ambition de ce dispositif est de jeter un pont entre l’hospitalisation en court séjour gériatrique et le retour au domicile pour des patients à risque élevé d’iatrogénie médicamenteuse. Lors d’une hospitalisation en médecine aiguë gériatrique, l’inclusion du patient peut être proposée selon trois critères : la présence d’un événement iatrogène, le traitement à marge thérapeutique étroite ou une sortie d’hospitalisation avec plus de trois modifications thérapeutiques. Cette inclusion doit être acceptée par des médecins traitants et des pharmaciens d’officine. Selon les premiers résultats, qui portent sur une période allant de février 2021 à décembre 2023, la moyenne d’âge des patients inclus est de 86 ans, avec 63 % de femmes. Une entrée dans le dispositif par la ville est aussi possible pour des patients de plus de 75 ans et prenant plus de dix médicaments par jour. Orientés par leur médecin traitant ou leur pharmacien, ils peuvent bénéficier d’une consultation à l’hôpital avec un gériatre et un pharmacien clinicien. Quel que soit le mode de recrutement, une réévaluation du traitement est effectuée afin de l’optimiser. Une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) impliquant médecin traitant, officinal, gériatre et pharmacien clinicien est ensuite organisée en visioconférence. Pendant une vingtaine de minutes en moyenne, la prise en charge thérapeutique est expliquée et discutée, de même que les recommandations d’optimisation médicamenteuse proposée par l’équipe hospitalière.

Plus impliqués que les médecins

 

Jusqu’en décembre dernier, 281 patients ont été intégrés par le biais de leur hospitalisation, sur 541 repérés. Dans près de la moitié des cas (44 %), l’inclusion ne s’est pas faite car le médecin traitant l’a refusée, faute de vouloir s’y investir. Dans près du quart des cas (27 %), la RCP n’a pas pu être organisée. Cette réunion peut se dérouler avec les quatre professionnels en même temps ou en deux fois, avec le médecin traitant puis avec le pharmacien d’officine. « Les pharmaciens d’officine se distinguent par leur implication et peuvent être plus ou moins participatifs lors de la réunion, indique Chloé Cornille, interne en innovation pharmaceutique et recherche dans le service de gériatrie aiguë au CHU d’Amiens. En l’absence du médecin traitant, ils prennent davantage la parole, notamment pour évoquer les conditions de vie quotidienne des patients ou la nécessité d’un suivi infirmier au domicile. » La démarche permet aussi d’instaurer de premiers échanges entre professionnels de ville pour coordonner la prise en charge en ambulatoire. A l’issue de la RCP, un plan pharmaceutique personnalisé (PPP) est élaboré collectivement. Près de 5 300 recommandations ont été formulées, soit une quinzaine en moyenne par patient. La majorité concernait des révisions thérapeutiques (71 %). Un suivi est réalisé 45 et 90 jours plus tard, qui donne lieu au versement d’un forfait de participation. A ce stade, les recommandations ont davantage porté sur la gestion des traitements, sur la base des constats des officinaux. Le dispositif est actuellement évalué par le ministère de la Santé qui se penche sur une éventuelle extension nationale.

Publicité