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Faire face au deuil
Comprendre les phases de ce processus psychique, individuel et dépendant du lien, est nécessaire pour mieux écouter, voire orienter un client ou un collègue qui a perdu un être cher.
La mort, partie de la vie
Une réalité du comptoir
Confronté aux maladies et au chagrin des proches, l’officinal est témoin de deuils. Son écoute attentive et bienveillante peut aider l’endeuillé à traverser ce processus. Il l’orientera si besoin vers les ressources adaptées, au cas où la santé serait menacée. Savoir ce qui se passe lors des phases du deuil est important (voir plus bas).
Le deuil est lié à l’attachement
→ « Le deuil est un processus naturel, dont la durée est fonction de chaque culture. Il se traduit par la tristesse et le regret engendrés par la disparition de la personne défunte, par des troubles somatiques et par une récupération ultérieure. »(1) Deuil vient du latin dol, douleur. « Le deuil est la douleur liée à la perte d’un proche », indique Catherine Favre, présidente de l’association « Vivre son deuil Montpellier » et formatrice. Il est « en grande partie inconscient. Ainsi, l’expression « Faire son deuil » est à éviter car cela signifie que nous en aurions la maîtrise. En fait, ce processus se fait à travers nous ».
→ Un processus individuel. « Le deuil est un processus psychique mais lié au lien, donc individuel. Deux personnes endeuillées d’une même famille ne vivent pas la perte de la même manière », précise l’experte. Une personne peut être quasi indifférente au décès d’un parent mais bouleversée par celui d’un ami. D’où parfois l’incompréhension de l’entourage.
→ Se séparer. « Le but du deuil est d’arriver à se séparer, à accepter que l’autre ne soit plus là. Quand on est “dedans”, on ne voit que le négatif, mais le deuil permet toujours potentiellement de grandir », explique l’experte, tout en pointant les pertes plus compliquées d’un enfant ou d’un parent pour un tout-petit.
Connaître les phases
Le deuil est un état affectif douloureux. « On se retrouve confronté à quelque chose que l’on n’a pas souhaité. Le psychisme a tout un travail à faire pour accepter la nouvelle réalité », d’où l’importance d’assister aux funérailles, de voir le corps… Quand c’est possible. Michel Hanus, psychiatre, psychanalyste et fondateur de la Fédération européenne « Vivre son deuil » a repéré trois phases dans le processus de deuil d’une durée de 12-18 mois à deux à cinq ans en cas de deuils compliqués, suicide, mort d’un conjoint ou d’un enfant.
Les premiers moments
Cette première phase dépend du contexte et des circonstances de la mort, prévue ou brutale. L’endeuillé peut ressentir des émotions intenses, successives : culpabilité parce qu’il n’a pas fait ce qu’il aurait dû, surprise si la mort est brutale, colère… ou, au contraire, être paralysé, sous le choc. Le chagrin apparaît d’emblée ou plus tard. Obligation des obsèques, paperasse le plongent dans une réalité concrète et sont aussi une sorte de soutien. Cette phase dure de quelques jours à quelques semaines.
La phase de désorganisation
→ Plus de goût. Petit à petit, l’entourage reprend sa vie, ne parle plus du défunt. L’endeuillé a l’impression « d’être à côté », plus rien ne fonctionne comme avant. Sa vie est changée. Cette phase est dite aussi dépressive parce qu’elle ressemble au vécu d’une dépression : moins ou pas d’envies, fatigue, douleurs, troubles de l’alimentation, du sommeil… Avec un sentiment de manque et de solitude.
→ C’est « normal ». « Le psychisme travaille à intégrer la nouvelle, précise l’experte. Pour arriver de nouveau à se sentir bien vivant et avoir de nouveau envie de vivre, il faut traverser ça. Il n’y a pas d’autres moyens. Dans le lien au défunt, il y a de l’énergie psychique investie dans des projets, du désir qu’il va falloir désinvestir au risque de faire une dépression. Il faut lâcher ça, ce qui engendre de la tristesse. »
→ Cette phase centrale dure plusieurs mois durant lesquels la personne réexamine sa relation avec le défunt, « travaille » sa culpabilité, ce qu’elle a fait ou pas fait…
La phase de reconstruction
Petit à petit, en quelques mois, l’endeuillé arrive à lâcher, à pleurer, à accepter, et retrouve de l’énergie. En parallèle, se met en place une phase de reconstruction en dents de scie. La personne va bien deux jours, est mal le troisième. Déconstruction et reconstruction sont un peu emmêlées, mais on ne revient pas au même point.
Écouter et être là
En parler en équipe
→ Décidez. Informez l’équipe de tout décès. Vous pouvez être à l’initiative d’une courte réunion pour savoir ce que l’officine ou l’un d’entre vous veut faire. En fonction du lien tissé, certains iront à l’enterrement, enverront un mot, des fleurs…
→ Échangez. Confrontez vos points de vue sur l’endeuillé, pour vérifier s’il va bien les mois suivants, et l’orienter si besoin.
À l’annonce
Plutôt que dire, se demander : « Comment la personne le vit-elle ? Comment je la sens », suggère Catherine Favre.
→ Prendre acte gentiment. Si un proche vous annonce un décès, dire : « Ah oui, nous y pensions. » « Ah, c’est arrivé… »
→ Présenter ses condoléances. De vive voix ou par mail, dites : « Nous vous présentons nos sincères condoléances pour la perte de votre mari/parent. »
→ Faire sentir la proximité. Dire ou écrire « Nous sommes en pensée avec vous » signifie que vous vous en préoccupez, que vous êtes un potentiel recours.
→ Apporter de l’aide. Si la personne arrive bouleversée à la pharmacie, demandez : « Avez-vous besoin de quelque chose/ qu’on fasse quelque chose pour vous ? » Si elle est choquée, aimerait en parler mais n’ose pas, dites : « Vous semblez tourmentée. Vous voulez me dire comment ça s’est passé ? » Si elle répond non, prenez acte ou dites : « Pas de souci. J’essayais de comprendre pour peut-être vous aider. »
→ Vérifier le soutien : « Est-ce qu’il y a quelqu’un avec vous ? Est-ce que quelqu’un peut vous accompagner à tel endroit ? », « Avez-vous besoin qu’on appelle le médecin ? » Parfois, la personne est incapable d’appeler le médecin ou les pompes funèbres, notamment si elle est âgée, sans famille…
→ Être naturel. Si vous êtes touché par le décès d’un patient, si vous pleurez en discutant avec la famille, pas de panique ! Dites simplement que vous êtes ému. Si c’est trop dur, dites-le et passez la main.
Assurer le suivi
Dans la phase de déconstruction
→ De la douceur. Conseillez de prendre soin de soi parce que la personne est fragile, notamment si elle est âgée. Sur l’échelle des stress, la mort du conjoint est le plus grand : « Vous vivez une épreuve. Vous devez faire attention à vous, essayer de continuer à manger. Soyez doux avec vous-même. »
→ Elle a besoin de parler du défunt. Écoutez-la dans la mesure du possible, et proposez : « Je vois que vous avez besoin de parler de votre fils/mari… Vous savez, il y a des associations [voir plus bas]. »
→ Du temps. Le Dr Christophe Fauré, dans son livre Vivre le deuil au jour le jour, compare le deuil à une cicatrisation. Le temps fait son affaire, mais il faut aider le cœur à cicatriser avec un étayage. « C’est le lien qui sauve. La personne peut avoir besoin de créer une relation avec un professionnel ou un bénévole », suggère Catherine Favre.
→ « On m’a dit que je ne devais pas aller au cimetière tous les jours. » Répondez : « Est-ce que ça vous fait du bien ? Oui. Eh bien allez-y ! » Si ça lui fait du mal : « Peut-être pourriez-vous y aller moins souvent. » L’endeuillé a besoin de se sentir normal.
→ « C’est normal de ne pas avoir envie de vider l’armoire de mon défunt mari ? » Répondez : « Vous le ferez quand vous le sentirez. Vous le saurez. Ne vous inquiétez pas, il y a un moment où vous le ferez », « Si ce n’est pas le bon moment pour vous, alors ne le faites pas ».
→ Attention à la fuite ! Se noyer dans le travail, voyager ou prendre des antidépresseurs à mauvais escient retardent le processus de deuil. Vous pouvez dire : « Cela va vous aider, mais cela va décaler le moment du deuil car les médicaments ne permettent pas de faire le deuil. »
Dans la reconstruction
→ De la bienveillance. Demandez régulièrement : « Comment vous vivez les choses ? Comment vous vivez son absence ? »
→ La personne se plaint, dit : « Ça va durer combien de temps ? » Dites : « Ayez confiance, ça chemine » ou « Quand vous allez bien, pensez que ça ne va pas durer, mais quand vous allez mal, pensez aussi que ça ne va pas durer. » Il faut accepter. « C’est difficile à dire mais ça va finir par finir. Cela prendra le temps que ça doit prendre. »
→ Soutenir son énergie de vie. Elle dit : « Je ne sais pas si je suis capable de reprendre la gym. » Dites : « Essayez, vous verrez. Je pense que vous pouvez. Vous avez le droit de reprendre votre vie, d’avoir des bons moments, du plaisir. »
À surveiller
→ Conduites à risque. La personne se referme : « Je suis bien, moi, tout seul », ou boit trop, se noie dans le travail, dites : « Je vois que cela ne va pas bien. Avez-vous songé à contacter des personnes susceptibles de vous aider ? » Donnez les coordonnées d’une association dédiée au deuil sur www.vivre-son-deuil.com.
→ Orienter. En cas d’indices cliniques tels que des signes de dépression caractérisée, perte importante de poids (> 5 %), altération de l’état général, dites : « Je vois que vous ne mangez plus/que votre état cutané s’aggrave*. Je m’inquiète. Le médecin pourrait vous aider. Voulez-vous que je l’appelle ? »
À proscrire
« Nous vous souhaitons du courage » ou « Bon courage » peut être ressenti comme une obligation à faire face, à être fort. L’endeuillé n’a d’autre choix que d’en avoir. Évitez aussi : « Il est mieux là où il est », « Il n’a pas souffert », car nul ne le sait.
Si c’est un collègue
Un collègue endeuillé peut avoir des troubles de la mémoire, de l’attention ou de compréhension. Dire : « Comment te sens-tu ? Il nous semble que tu ne vas pas très bien. Comment pourrions-nous t’aider à passer le cap ? » En parler avec le titulaire et voir comment aménager son poste ou son emploi du temps.
Un grand merci à Catherine Favre, présidente de Vivre son deuil Montpellier, pour sa précieuse collaboration.
(1) Le deuil, compréhension, approches, par Jacques Monday, Le Médecin du Québec, 2002.
* Une personne âgée prostrée par le chagrin, sousalimentée, peut faire des escarres sacrées.
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