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Des parcours de soins au plus près des patients et des professionnels
Protocoles cystites et angines, Escap, expérimentations article 51 : les nouvelles formes de coordination se dessinent et bâtissent les parcours de soins de demain. Chacun y trouvera l’exercice qui correspond à ses aspirations et à ses besoins. Témoignages de professionnels engagés.
Escap : une forme de coordination simplifiée à ne pas prendre à la légère
C’est une entité interprofessionnelle souple et simplifiée qui est sur le point d’être expérimentée. Les équipes de soins coordonnées autour du patient (Escap) sont nées d’une proposition commune de l’intersyndicale Libéraux de santé et de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS). Médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, orthophonistes ou encore podologues seront de la partie. « Leur intervention serait justifiée et déclenchée par les seuls besoins de prise en charge du patient », souligne Fabrice Camaïoni, membre du bureau national de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Egalement vice-président de l’UNPS, il explique : « Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont centrées sur un territoire, les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) le sont sur une patientèle. L’Escap consiste en une coordination au plus près du patient selon un mode de fonctionnement qui ne la pénalise pas. Il n’y a pas de structure particulière, pas de statut, pas de projet de santé. La coordination peut se faire et se défaire à tout moment, c’est à géométrie variable. » Ce modèle plus simple pour les professionnels sera donc plus accessible aux patients. Les associations représentatives de ces derniers y sont favorables. Et désormais également l’Assurance maladie, qui ne s’est pas toujours montrée convaincue par ce concept, mais qui pourrait finalement l’inscrire dans les conventions des professionnels concernés. Un des atouts majeurs est d’éviter l’écueil de structures médicocentrées pénalisées par le refus d’implication de médecins. « Cependant, nous ne savons pas encore si nous y intégrerons des délégations de tâches », temporise Fabrice Camaïoni. En pratique, le dispositif doit permettre à tout professionnel de santé présent aux côtés du patient de déclencher une coordination lors d’un épisode de soin. Avec le recours à une grille d’évaluation dont le score permettra d’inclure ou non le patient et de caractériser son besoin de coordination. Des outils numériques sont mis en œuvre : la téléexpertise entre professionnels de santé et une messagerie de type WhatsApp sécurisée. L’expérimentation va cibler spécifiquement trois catégories de patients : les personnes âgées de plus de 75 ans recevant au moins deux traitements chroniques, les patients diabétiques sujets à des déséquilibres glycémiques et les patients en post-hospitalisation à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Cette dernière situation impliquera moins les officinaux que les orthophonistes, par exemple. « Les soins palliatifs ont également été intégrés à la demande de l’Assurance maladie », ajoute le représentant des pharmaciens. Une expérimentation, de portée nationale, était prévue, mais les négociations sont restées en stand-by. Finalement, un avenant à l’accord-cadre interprofessionnel (Acip) devrait être négocié entre l’UNPS et l’Assurance maladie d’ici fin 2023.
Optimed Ile-de-France : le modèle du pharmacien référent en Ehpad s’affirme
Un peu, beaucoup, passionnément ? Les pharmaciens d’officine qui fournissent les traitements aux résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) s’impliquent aussi dans la qualité de leur prise en charge médicamenteuse. Cette mission à géométrie variable a un nom : pharmacien référent en Ehpad. Elle apparaît dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009 et dans le Code de la santé publique (articles L.5125-1-1A et L.5126-10). Il y est également fait mention dans les conventions qui lient les officines et les établissements qu’elles approvisionnent. Pour concourir au bon usage des médicaments, le pharmacien référent en Ehpad participe avec le médecin coordonnateur à l’élaboration d’une liste de médicaments à utiliser de manière préférentielle. Il a de nombreuses autres fonctions à remplir. Problème : cette activité qui implique de s’investir et de se déplacer jusqu’à l’Ehpad n’est pas rémunérée à ce jour. L’agence régionale de santé d’Ile-de-France a décidé d’en tester les contours : l’expérimentation Optimed a été lancée fin 2021 sur le modèle de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018. Elle vise à définir le périmètre d’intervention du pharmacien référent et de tester une nouvelle organisation pluriprofessionnelle au bénéfice des résidents. Une officine dans chacun des six départements de la région francilienne y participe pendant une durée de trois ans. Marie Leterme est adjointe dans les Yvelines. Sa pharmacie fournit les médicaments à un Ehpad participant à l’expérimentation. Elle s’y rend tous les lundis matin et dans la journée du jeudi à raison de quatre heures par semaine rémunérées 40 € chacune. « C’est l’occasion de procéder à des rappels sur la restitution des médicaments non utilisés, de vérifier la dotation de médicaments pour besoins urgents ou de relever des événements de pharmacovigilance, ce que je ne pourrai pas faire sans me déplacer », explique l’adjointe. Avec l’appui de quiz interactifs, elle dispense des formations à l’équipe soignante, par exemple sur la thématique de la compression veineuse. Depuis le lancement de l’opération, Marie Leterme a passé en revue l’ensemble des prescriptions. Ce qui a pu donner lieu à des rectifications, notamment en proposant une galénique adaptée à la situation particulière de résidents. « Il y a toujours eu quelque chose à améliorer. L’efficience de cette démarche est incroyable ! », se félicite la pharmacienne. Selon le protocole de l’expérimentation, des bilans partagés de médication sont réalisés. Ils sont facilités par les règles établies au sein de l’établissement. « Moins de questions se posent : les horaires des repas sont connus, c’est l’infirmière qui procède à l’administration et on peut compter sur une présence médicale dans les murs. » Le succès de la mission dépend de l’attitude du médecin coordonnateur. « Une proposition vue avec lui peut être prise en compte instantanément. Certains médecins coordonnateurs sont plus enclins que d’autres à prescrire. Cela doit aussi se faire en lien avec le médecin traitant du résident qui, pour le coup, n’a pas la même disponibilité. » Les professionnels de l’Ehpad approuvent une démarche qui ne fait pas uniquement apparaître un prestataire mais aussi un partenaire engagé auprès des équipes. « On se connaît bien, le courant passe entre nous. Apparaît une compréhension de nos impératifs de travail que l’on ne trouve pas toujours dans les équipes soignantes. »
Dispositif Osys : l’officine « gare de triage » facilite l’accès à la consultation médicale
Le protocole Osys permet aux pharmaciens d’orienter les patients dans six situations de premier recours bien identifiées, comme la présence d’une plaie simple ou d’une cystite. Cette expérimentation menée sur le modèle de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018 vient d’être étendue, au-delà de la Bretagne, aux régions Centre-Val de Loire, Occitanie et à la Corse. Au comptoir, le pharmacien oriente vers la consultation d’un médecin, d’un service d’urgence ou s’en tient au conseil officinal. « L’orientation est guidée par des arbres décisionnels établis par des binômes de pharmaciens et de médecins, dont un urgentiste, deux généralistes et un praticien de SOS Médecins », rappelle Nicolas Fauquet, directeur scientifique et technique de Pharma Système Qualité (PHSQ), l’association à l’origine du projet. Celui-ci s’est donc mis en place en lien étroit avec les médecins et leurs représentants syndicaux au sein des unions régionales des professionnels de santé (URPS) des médecins libéraux. « Avec ce dispositif, le pharmacien est facilitateur de l’accès à la consultation médicale. Les médecins, qui n’ont pas forcément conscience du rôle de premier recours de l’officine, doivent avoir confiance dans les triages qui y sont réalisés. » Selon le protocole Osys, quel que soit le type de prise en charge, le pharmacien transmet un compte rendu après orientation du patient et avec son accord. « Si le patient refuse cette transmission, c’est un point bloquant. Le pharmacien ne pourra pas lui délivrer de médicaments si cela s’avère nécessaire. » Du côté des médecins, il faut avoir avant tout présenté l’expérimentation et les modalités du triage. « Dans le cadre de cette expérimentation, il n’y a pas besoin d’un médecin déléguant, comme pour les protocoles nationaux de coopération de l’angine et de la cystite*. Mais le praticien doit accepter de travailler en équipe avec le pharmacien. » Le médecin donne son accord pour recevoir un patient qui aurait besoin d’être pris en charge de manière urgente. Et il accepte également de délivrer un avis médical lorsqu’il est sollicité par le pharmacien. Tous les six mois, ce dernier adresse au médecin un bilan consolidé des situations prises en charge. « A cette occasion, il est important de lui demander si, de son côté, il a constaté des dysfonctionnements. Et d’accepter qu’il les fasse remonter pour améliorer un dispositif encore en cours de construction. »
Protocoles de coopération : des pharmaciens très impliqués dans les CPTS
La communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de Balagne (Haute-Corse) couvre deux communautés de communes, celle de Calvi et de l’Ile-Rousse. Née à l’été 2021, c’est la seule CPTS existante à ce jour en Corse. Dominique Simeoni, médecin généraliste, en est la présidente. Elle a immédiatement été convaincue de mettre en place le protocole de coopération « pollakiurie et brûlures mictionnelles » dans ce territoire de 36 communes totalisant près de 23 000 habitants. Son lancement remonte à décembre 2022. « Nous voulions montrer que cela pouvait marcher et aller vite. Pour cette raison et parce que j’accueille le soin non programmé à mon cabinet, je suis médecin délégant de cet acte pour la pharmacie. » Ses confrères se sont montrés peu enclins à y participer. « Une frilosité qui peut s’expliquer en partie par le fait qu’au même moment des pharmacies se sont équipées de bornes de téléconsultation. » Deux officines se sont rapidement engagées aux côtés du médecin. Puis l’ensemble des pharmacies les ont rejoints, soit un total de neuf. La présidente de la CPTS a formé 18 pharmaciens au protocole. La particularité du territoire est que le nombre de résidents est multiplié par sept entre mai et octobre. C’est à ce moment-là que s’est produite une montée en charge du recours au protocole. A fin août, une bonne centaine de réalisations étaient comptabilisées. « Pour la cystite, il fallait sortir d’un conseil officinal qui présente le risque de retarder la prise en charge. » Le médecin a besoin de disposer dans la journée d’une remontée des données cliniques par messagerie sécurisée au cas où elle devrait reprendre la main. Ce qui n’est pas arrivé. « Deux ou trois fois les officines m’ont contacté comme je les avais invitées à le faire si besoin », relate Dominique Simeoni. Le pharmacien adresse tous les mois un tableau de reporting à l’assistante de coordination de la CPTS. Ce qui lui permet de se faire payer par l’Assurance maladie.
- * Un arrêté en date du 17 août 2023 autorise les pharmaciens impliqués dans Osys à mettre en œuvre les protocoles nationaux odynophagie et pollakiurie sans la nécessité d’être intégrés à une structure d’exercice coordonné.
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