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Créer un guichet unique du mieux vieillir
Pour Nicolas Menet, les pharmaciens devraient s’emparer du sujet de l’innovation dans le soutien à domicile des personnes âgées ou dépendantes. Sinon, ce marché en pleine croissance profitera aux prestataires de santé à domicile (PSAD) et à de nouveaux acteurs qui, eux, se sont déjà positionnés sur ce segment.
→ Diplômé d’un Master en Sciences sociales à l’Université Paris Descartes et d’un Master en Gestion et Evaluation publique (Université Paris-Dauphine & Ena), Nicolas Menet a dirigé pendant onze ans un cabinet de conseil en innovation. Nommé Directeur général Silver Valley en décembre 2017, il est également en charge de la Task Force Innovation du comité national de la filière Silver économie. Sociologue, expert de la société du vieillissement, il a publié plusieurs ouvrages. Le dernier en date, « Le grand livre de la longévité », paru aux éditions Eyrolles, en novembre 2019.
« Pharmacien Manager ». La Silver Valley, c’est quoi ?
Nicolas Menet. C’est un cluster européen, qui s’est créé il y a une dizaine d’années, pour accompagner les acteurs de l’innovation, notamment sur la thématique du soutien à domicile des personnes âgées ou dépendantes. Nous accompagnons et accélérons plus de 300 projets innovants émanant de start-ups, de grands groupes industriels ou d’organisations publiques et parapubliques.
P.M. Quels types de projets accompagnez-vous ?
N.M. 32 % portent sur les services à la personne. Dans cette catégorie, on trouve des solutions innovantes visant à rendre plus efficace l’organisation du travail des acteurs de cette filière ou à offrir de nouveaux services aux personnes âgées ou dépendantes. La santé et les soins à domicile concentrent un quart des projets que nous accompagnons. Enfin, l’habitat adapté et connecté et les services à domicile constituent le reste.
P.M. Quelles sont les thématiques des projets dédiés à la santé ?
N.M. Tous les sujets qui visent à améliorer la prise en charge des personnes âgées et des malades chroniques à leur domicile. Par exemple, nous soutenons GoodMix, une start-up qui a développé une application capable de proposer des menus adaptés au goût et à la pathologie de patients chroniques. La société Yealth propose, elle, une application de prévention des chutes et de la sarcopénie, à partir de l’analyse des données de prise de graisse et de perte de muscles mesurées via une balance connectée… Nous accompagnons également Manea, qui commence à vendre, dans des pharmacies situées à l’Ouest de la France, un flexible de douche apportant un vrai plus dans l’adaptation de la salle de bains.
P.M. Quelle est l’implication des pharmaciens pour soutenir ces projets ?
N.M. A ma connaissance, aucun groupement de pharmacies, ni d’éditeur de logiciels officinal ne participent à nos travaux ou nos événements. C’est bien dommage, car les pharmaciens disposent d’un réseau de proximité sans équivalent en France, qui accueille tous les jours des patients de plus de 60 ans. Les prestataires de santé à domicile (PSAD), eux, ne s’y sont pas trompés ! Par exemple, Cap Vital Santé, qui vient d’être racheté par un fonds d’investissement, pioche chez nous de nouvelles idées de produits ou de services pour conquérir de nouvelles parts de marché. La Silver économie constitue un levier majeur de l’économie française. 30 % des Français ont plus de 60 ans et la France est le pays au monde où l’espérance de vie en bonne santé est la plus longue. De plus, 74 % des plus de 60 ans sont propriétaires de leur logement et 94 % d’entre eux souhaitent y vivre le plus longtemps possible. Le marché est colossal.
P.M. Comment les pharmaciens devraient-ils se positionner ?
N.M. Les groupements de pharmacies, à travers leurs instances représentatives, devraient d’abord s’intéresser à ce nouvel écosystème, en rejoignant des structures comme notre pôle d’activité. Ils pourraient alors identifier des solutions susceptibles d’être déployées dans leurs officines. Je sais que le m2 coûte cher, mais le pharmacien a tout intérêt à aménager un espace dédié à la Silver économie, avec un bouquet de solutions innovantes pour favoriser la prévention, l’adaptation et le soutien à domicile. Et lorsque la surface ne le permet pas, un catalogue digital sur une tablette peut constituer un support intéressant pour le conseil et la vente. La pharmacie a toute légitimité pour s’imposer comme le guichet unique où l’on trouvera des conseils, des solutions et un accompagnement pour mieux vieillir chez soi. Si les pharmaciens ne le font pas, ils laissent le champ libre aux prestataires de santé à domicile (PSAD) et à de nouveaux acteurs, comme la Poste, qui ont déjà tout compris au potentiel énorme de ce marché.
P.M. Comment expliquez-vous que certaines innovations n’aient pas rencontré le succès commercial escompté ?
N.M. Associer les usagers à toutes les étapes de la conception pour qu’in fine ils acceptent ces innovations et les achètent, former les distributeurs pour qu’ils soient en capacité de les vendre… sont des points essentiels que certains acteurs de la Silver économie ont parfois tendance à oublier. C’est pourquoi de nombreux projets d’innovation n’ont jamais été commercialisés et les objets connectés de santé n’arrivent pas toujours à se vendre.
P.M. Pour éviter cet écueil, quelle est la bonne méthode à adopter ?
N.M. Dès le départ, il faut soumettre le projet aux fourches caudines du « design thinking » (Penser le design). D’ailleurs, tous les projets que nous accompagnons sont véritablement co-construits avec une communauté de 9 000 personnes âgées, que nous avons constituée au sein de notre Open Lab. Nous les sollicitons en permanence sur tous les sujets de vie quotidienne, ce qui nous permet d’orienter les choix et de tester les produits tout au long du processus de création. Et lorsque vous rendez les personnes âgées actrices de l’innovation, cela fonctionne car les solutions sont conçues pour et avec elles.
DIRECTEUR GÉNÉRAL SILVER VALLEY
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