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Contraception progestative, prescription de substituts nicotiniques… quelles missions allez-vous désormais devoir opérer ?

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Contraception progestative, prescription de substituts nicotiniques… quelles missions allez-vous désormais devoir opérer ?

Publié le 13 novembre 2024
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Avec la mise en place de ses nouvelles missions, le pharmacien a cessé d’être uniquement un dispensateur pour s’ériger en accompagnateur des patients et… en prescripteur. Un rôle pivot amené à se déployer dans les années à venir.

Vaccination, dépistage et tests rapides d’orientation diagnostique (Trod), téléconsultation, télésoin, entretiens, dispensation adaptée (DAD), Trod… Depuis une dizaine d’années, les missions confiées aux officinaux se multiplient. Si elles répondent à une volonté du corps pharmaceutique, elles relèvent aussi une nécessité sociologique. Le manque de médecins impose désormais aux autres professionnels de santé de prendre le relais. Ces dispositifs, mis en place par l’Assurance maladie, visent aussi, à terme, à générer des économies de santé en favorisant l’essor d’une médecine préventive et personnalisée. En la matière, l’année 2024 a marqué un tournant majeur en permettant aux pharmaciens de dispenser des antibiotiques ou de réaliser des Trod pour les cystites. Une grande majorité des officinaux adhèrent à cette révolution des pratiques. Les chiffres sont d’ailleurs éloquents : selon une étude menée par la coopérative Ospharm auprès de ses 11 000 adhérents, 98 % des pharmaciens se sont déjà approprié au moins une des nouvelles missions. À court, moyen et long termes d’autres dispositifs verront le jour.

À court et moyen termes

L’entretien d’accompagnement des patients sous traitement antalgique sera possible dans les pharmacies dès janvier 2025. Destiné aux patients de plus de 18 ans sous antalgiques opiacés de palier II (tramadol, poudre d’opium, codéine, dihydrocodéine, nalbuphine), cet entretien permettra aux pharmaciens de rappeler, lors du premier renouvellement de traitement, les règles de bon usage, les risques de mésusage et d’évaluer le risque de dépendance. Cette mission, rémunérée 5 €, formalise une pratique peu ou prou existante.

Déjà permise pour les groupes du filgrastim et du pegfilgrastim depuis avril 2022, la substitution s’est étendue le 3 novembre au groupe biologique similaire du ranibizumab (Lucentis). « Cet exemple est appelé à se répéter pour d’autres molécules, faisant de la substitution des médicaments biosimilaires une mission tangible pour les pharmaciens. Une étape de plus a d’ailleurs été franchie le 4 novembre à l’Assemblée nationale avec un amendement visant à légaliser la possibilité, pour les pharmaciens, de bénéficier de remises sur les médicaments hybrides et biosimilaires », explique Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). La navette parlementaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat débute tout juste, mais l’amendement porté par le gouvernement a de grandes chances d’aboutir. Dès janvier commenceront alors les négociations sur les différents taux de remises. Elles devraient se poursuivre jusqu’en juin. La mission pourra concrètement être lancée au second semestre 2025, ce qui devrait générer plusieurs centaines de milliers d’euros pour le réseau officinal. En attendant, d’ici le 31 décembre 2024, l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) compte publier une liste complète des médicaments substituables.

Dès 2026

Les expérimentations Osys (Orientation dans le système de soins) pourraient donner naissance à des missions supplémentaires dès la révision de l’avenant économique prévue en juin-juillet 2026. Ce projet a pour objectif de faciliter l’accès aux soins de premiers recours et de limiter les consultations inappropriées aux urgences. Sur le terrain, le pharmacien deviendrait le premier interlocuteur dans le cas de plaies simples, de piqûres de tique, de brûlures au premier degré, de douleurs pharyngées et de conjonctivite. Il effectuerait ainsi un triage, en dispensant des médicaments dans les situations simples, en orientant vers une consultation médicale en cas de besoin, voire en dirigeant le patient vers les urgences. « La ligne de conduite en matière de nouvelles missions est désormais d’aller vers plus de simplification. La pharmacie est un lieu de santé facile d’accès, il faut donc en profiter », souligne Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

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Autre avancée possible : la multiplication des Trod. La pharmacie pourrait ainsi s’ouvrir au dépistage du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), de l’hépatite, de la glycémie ou encore de l’hypertension. Et quid du dépistage du risque cardiovasculaire ? Depuis sa mise en route en 2019, dans quatre circonscriptions des Hauts-de-France, il a pris de l’ampleur en septembre dernier et concerne désormais toutes les officines du Nord, du Pas-de-Calais et de l’Aisne. La profession table sur un élargissement de la mission au niveau national courant 2 026.

La contraception progestative proposée directement par les pharmaciens figure aussi parmi les dispositifs souhaités par l’Ordre des pharmaciens. Les officinaux, déjà autorisés à prescrire la pilule du lendemain et à renouveler une prescription de contraceptifs, pourraient ainsi commencer un traitement « dont nous informerions le médecin et qui serait, bien sûr, limité dans le temps. Comme nous sommes déjà acteurs sur le front de la contraception, cette mission ne semble pas compliquée à mettre en place. Il faut que nous en définissions rapidement le cadre avec les médecins et les infirmiers », souligne Alain Delgutte, président du Groupement pharmaceutique de l’union européenne (GPUE) et conseiller ordinal.

Enfin, l’adaptation du médicament aux soins pédiatriques s’annonce comme un sujet central dès l’an prochain. Pour l’heure, le médecin doit faire une prescription demandant au pharmacien de préparer des gélules spécialement dosées. « Nous souhaitons désormais pouvoir modifier nous-mêmes une ordonnance, par exemple, pour des quarts de comprimé. Ces derniers ne sont vraiment pas commodes pour les parents et pour leurs enfants. Nous pourrions ainsi procéder à la préparation de gélules sans avoir à en demander l’autorisation au médecin. La poudre contenue dans les gélules est facilement dispensable dans un biberon ou une compote. Cette mission relève tout simplement du bon sens », continue Alain Delgutte.

Des blocages persistants

Le déploiement de ces missions est toutefois conditionné aux… lourdeurs administratives du système français. « Il faut compter, entre deux à trois ans pour qu’un projet se concrétise. Il s’agit de prouver aux administrations le bien-fondé de tel ou tel acte par le biais d’études qui démontrent les économies d’antibiotiques, l’impact sur la santé publique… Analysées par les députés, elles deviennent des propositions soumises ensuite aux votes. C’est toujours relativement long… », pointe Pierre-Olivier Variot. Pharmaciens et patients font les frais de cette lenteur. « Prenons l’exemple du sevrage tabagique. La prescription de substituts nicotiniques était inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022, on en parle même depuis 2018. Au regard de l’enjeu de santé public, elle devait entrer en vigueur rapidement. Actuellement, nous n’en sommes même pas au stade de l’expérimentation », note Éric Myon, secrétaire général de l’Union nationale des pharmaciens de France (UNPF). Philippe Besset va même plus loin : « Si le texte réglementaire fixant l’expérimentation n’est toujours pas publié le 31 mars prochain, j’attaquerai la Sécurité sociale devant le Conseil d’État. » La vaccination du voyageur est, elle aussi, un des dossiers sur lesquels rien n’avance, malgré une application qui apparaît relativement simple. « Nous œuvrons pourtant auprès de la Direction générale de la santé, mais des blocages persistent », regrette Pierre-Olivier Variot. Même son de cloche à la FSPF pour qui la seule difficulté « consiste à déterminer qui est le véritable décideur… ». Si les batailles risquent d’être longues, les débats se révéleront assurément passionnants. « Il y a toujours des réticences, mais c’est là tout l’intérêt des débats. Chaque réflexion sur les nouvelles missions est l’occasion de faire avancer notre profession et d’améliorer la prise en charge de nos patients », conclut Alain Delgutte.