Interpro Réservé aux abonnés

Adom’Médical ou l’union des pharmaciens pour le MAD

Publié le 11 septembre 2010
Par Jean-Jacques Talpin
Mettre en favori

Avec ses confrères de l’est du Loiret, Lionel Rousseau a créé un point de vente de matériel médical, qui vient d’ouvrir ses portes à Gien. Adom’Médical alimentera officines et EHPAD, mais sera également ouvert au grand public.

Avec l’ouverture le 14 juin d’Adom’Médical à Gien, les pharmaciens de l’est du Loiret ont voulu jouer la carte de l’union pour mieux assurer une continuité des soins à domicile. Ce point de vente de 800 m2 est en effet le fruit de l’initiative d’une dizaine de professionnels des cantons de Gien, Briare et Châtillon-sur-Loire, qui se sont associés pour lancer cette structure désormais portée par une société anonyme simplifiée (SAS). « Nous sommes situés à l’extrême est du Loiret, explique Lionel Rousseau, pharmacien à Briare et président de la SAS. Nous sommes loin de tout, il faut donc s’entraider et se prendre en main. » En 2004, les 14 pharmaciens de ces trois cantons décident de se réunir au sein de l’Association des pharmaciens du Sud Loiret (APSL). « Nous voulions travailler ensemble sur des questions de formation afin de monter des sessions sur place et d’éviter ainsi d’aller à 80 km de là, à Orléans ou à Auxerre. » Mais l’APSL se voulait aussi un lieu de réflexion « sur nos pratiques, sur les difficultés de l’exercice au quotidien, ainsi qu’un cadre de dialogue avec les autres professionnels de santé ». A l’initiative de deux pharmaciens titulaires d’un diplôme universitaire en maintien à domicile, une réflexion s’est également engagée en 2008 sur le MAD et les difficultés relationnelles avec les distributeurs : « Nous sommes à la merci de leur bon vouloir. Ce sont des interlocuteurs indispensables, mais leur réactivité n’est pas toujours évidente. Ils sont en outre mieux adaptés à l’exercice urbain qu’au milieu rural, où les officines sont souvent de petite taille, poursuit Lionel Rousseau. Nous voulions aussi promouvoir une certaine éthique du maintien à domicile selon laquelle on se rend encore au domicile des patients pour analyser les besoins et proposer des réponses adaptées. Ce côté humain manque inévitablement chez des distributeurs comme Locapharm, Orkyn ou Pharmareva. »

Dix confrères, un projet

L’association décide donc de franchir le pas et de lancer une structure qui doit répondre à trois objectifs : permettre aux pharmaciens de se fournir directement en matériel, s’ouvrir aux autres professionnels de santé (infirmières et kinésithérapeutes), qui achètent souvent sur Internet alors qu’Adom’Médical peut les approvisionner rapidement et à prix intéressants, et enfin être ouvert au grand public, notamment à des clients qui, par souci de confidentialité, rechignent à se rendre en officine (pour les équipements d’incontinence par exemple).

Au début de 2008, les adhérents de l’APSL montent le dossier et se lancent alors dans la « compétition » pour concrétiser le projet. Mais 10 pharmaciens seulement, représentant 9 officines, sautent finalement le pas, les autres faisant marche arrière pour diverses raisons. Dans un premier temps, une société civile immobilière est constituée pour acquérir un bâtiment pendant que les 10 pharmaciens constituent une SAS en apportant chacun 15 000 euros. Lionel Rousseau est élu à la tête des SAS et SCI. Féru de bricolage, il est aussi désigné comme « maître d’œuvre » : à charge pour lui de coordonner les différentes étapes administratives et d’assurer le suivi du chantier au quotidien. Après avoir – « moins facilement que prévu » – convaincu une banque de les accompagner dans l’aventure, la société investit plus de 550 000 euros dans l’achat du bâtiment, les travaux d’aménagement et le premier stock.

Avant l’ouverture, Lionel Rousseau a dû aussi constituer une équipe : une responsable du magasin, ancienne de chez Locapharm, un technico-commercial, passé avant chez Orkyn, et un livreur. Les pharmaciens ne seront pas présents dans le point de vente pour ne pas mettre les clients mal à l’aise et pour bien séparer l’activité officinale de celle, plus commerciale, de vente de matériel.

Transparence totale des comptes et bilans

L’entreprise doit désormais vivre sa propre vie. Mais, pour assurer son fonctionnement, les 10 actionnaires ont pris des engagements fermes : apporter au moins 75 % de leur activité de MAD à Adom’Médical tandis que leur ancien matériel placé en location chez des clients est racheté par la société qui le louera de nouveau à l’officine ou au patient. Ces clauses supposent notamment que chaque adhérent fournisse ses bilans avec une totale transparence de ses comptes, « ce qu’il est parfois difficile d’obtenir chez des libéraux ». De même, si un pharmacien se retire du capital, ses parts ne pourront être rachetées que par un autre pharmacien : « On ne veut pas privilégier la rente ou le profit, car Adom’Médical est d’abord un outil de travail. » Mais cette base de fonctionnement est insuffisante pour assurer la vie de l’entreprise, dont le budget prévisionnel sur une année complète est proche de 300 000 euros. C’est pourquoi le commercial va aussi démarcher les établissements qui hébergent des personnes âgées dépendantes (EHPAD), les professionnels de santé, comme les infirmières ou les ergothérapeutes, puis les autres officines. La SAS a également mené une première campagne de publicité à destination du grand public. Pour sa réussite, Adom’Médical doit avant tout répondre par les prix et la réactivité. L’enseigne achète ainsi directement aux fournisseurs référencés tout en adhérant à la Vitrine Médicale, une centrale d’achat et de référencement. Avec cet appui, Adom’Médical s’engage, avec devis et délais garantis, à livrer rapidement ses commandes. « Nous sommes souvent compétitifs sur les prix, explique Lionel Rousseau, même si nous n’avons pas la puissance d’achat des grands distributeurs. Mais nous offrons en plus le conseil et le service aux clients pour expliquer, présenter et installer nos équipements. »

Publicité

Une œuvre de « service public » dans les trois cantons

Quelques semaines après son ouverture, Adom’Médical cherche encore ses marques. Mais la structure va évoluer. Un petit chantier va être lancé pour livrer dans quelques semaines une unité de stockage d’oxygène, et des équipements pour la nutrition seront également proposés à court terme. « Nous aurons alors une gamme complète, se réjouit Lionel Rousseau, à l’exception de l’orthopédie car nous avons estimé que nous maîtrisions bien cette question et que nous pouvions l’assumer chacun dans nos officines. » D’autres évolutions pourront intervenir. Adom’Médical réfléchit encore sur son périmètre :« Nous ne nous interdisons rien, insiste son président. Nous interviendrons dans nos trois cantons, mais aussi dans toute la région et peut-être au-delà. La seule question qui nous importe est d’apporter un réel service. » La SAS va également accueillir deux nouveaux pharmaciens, qui ne s’étaient pas encore engagés. Avec cet outil, les pharmaciens pensent avoir fait une œuvre de « service public » au service d’un territoire et d’une population. Mais ils savent qu’ils confortent aussi, dans une conjoncture difficile, leurs officines rurales.

Envie d’essayer ?

LES AVANTAGES

• Un projet collectif qui resserre les liens entre pharmaciens d’un même territoire.

• La possibilité de nouer le dialogue avec d’autres professionnels de santé.

• Les pharmaciens sont autonomes par rapport aux distributeurs.

• Une meilleure connaissance de toutes les gammes de MAD.

• Des prix plus compétitifs.

• Des délais rapides et garantis.

LES DIFFICULTÉS

• Les délais administratifs pour créer une entreprise.

• Un besoin de financement important et, donc, la nécessité de recourir aux banques.

• La gestion d’une entreprise commerciale, différente de celle d’une officine.

• La nécessité de convaincre des partenaires pharmaciens.

• Avoir une bonne communication interne pour s’assurer la cohésion des actionnaires.

• Le recrutement d’une équipe de professionnels du matériel médical.

LES CONSEILS

• Créez une association pour réfléchir avant de vous lancer dans tout projet commercial.

• Prenez votre temps, laissez mûrir le projet sans brûler les étapes.

• Désignez un « pilote », qui sera responsable du projet.

• Gardez une taille humaine, ne visez pas trop grand avec des actionnaires trop nombreux.

• Adaptez-vous à un territoire cohérent, un « bassin de vie » reconnu.

• Informez et communiquez auprès des autres professionnels de santé.