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Accompagner les patients jusqu’où ?

Publié le 7 juin 2008
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Publicité déguisée ou information des malades ? Mercantilisme ou action de santé publique ? Une chose est sûre, les programmes d’observance financés par les laboratoires font débat. En attente d’un projet de loi, ils relancent la réflexion autour de l’accompagnement des patients… et du rôle du pharmacien dans cette démarche.

A 38 ans, Armelle a appris brutalement qu’elle souffrait d’une sclérose en plaques. « Il a fallu digérer l’annonce du diagnostic et les injections quotidiennes du médicament. Du jour au lendemain, je suis passée dans le camp des malades… Quand le neurologue m’a proposé un soutien par une infirmière, j’ai tout de suite dit oui. Franchement, ça m’a aidée », témoigne-t-elle. Armelle, comme la moitié des patients sous Rebif aujourd’hui, a bénéficié du programme SEP financé par le laboratoire Serono, l’un des sept programmes d’observance autorisés en France depuis 2003 : Roche dans l’obésité, Serono et Biogen dans la sclérose en plaques, Wyeth dans la polyarthrite rhumatoïde, Lilly dans l’ostéoporose, Sanofi-Aventis dans le diabète et AstraZeneca dans l’asthme.

Pour les spécialités administrées par auto-injection (Rebif, Forsteo…), l’idée est de former les malades à l’administration du médicament. En pratique, ils se voient proposer des entretiens téléphoniques et des visites à domicile réalisées par des infirmières formées par le laboratoire « maître d’oeuvre ». Moins coûteux, les autres programmes sont centrés sur la gestion des maladies chroniques et consistent à envoyer des brochures et à coacher les patients par téléphone.

Si les firmes pharmaceutiques sont promotrices des projets, elles n’interviennent pas directement auprès des malades. L’initiation est du ressort du médecin et toute la partie opérationnelle du programme est confiée à des « tiers de confiance ». Qui sont-ils exactement ? Principalement des prestataires de services (Direct Medica et Vivactis Mail Call), un éditeur de logiciels spécialisé dans la relation patient (Voluntis) et une société d’assistance (Mondial Assistance).

Des coordonnées strictement confidentielles

Sophie Kerob précise les modalités de l’implication de Direct Medica, dont elle est directrice générale, dans le programme de Rebif : « Le médecin et son patient cosignent une carte d’inscription qui nous est envoyée. Les coordonnées sont strictement confidentielles et ne sont en aucun cas communiquées au labo. Nos infirmières appellent les patients et leur proposent de leur envoyer de la documentation. Ensuite, ce sont eux qui nous recontactent, les infirmières n’ayant plus le droit d’appeler une fois le programme débuté. Cela veut dire que si les patients n’appellent plus, ils ne sont plus suivis… Je le regrette car cela nuit à la proactivité du programme. Quoi qu’il en soit, nous gérons le projet de A à Z et réalisons régulièrement des enquêtes de satisfaction de façon à proposer une réorientation si besoin. »

Information sur la pathologie, sur les effets secondaires et les modalités du traitement (le nom du médicament ne doit pas être prononcé), écoute, soutien psychologique parfois… La communication téléphonique dure en moyenne une quarantaine de minutes. « Mais elle peut se prolonger pendant 1 h 30 lorsque le patient vient d’être diagnostiqué », informe Sophie Kerob. Si besoin, Direct Medica dépêche une infirmière libérale à domicile. 80 travaillent actuellement sur le projet et sont rémunérées en honoraires.

Le programme SEP fait partie des premières démarches d’observance ayant reçu l’aval de la commission de la publicité à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Depuis 2003, dix-huit demandes ont été déposées (dont six en 2006). Huit d’entre elles se sont soldées par un refus et trois autres se trouvent en cours d’examen. Pourtant, il n’existe aucun cahier des charges.

Combler un vide juridique

C’est bien là que le bât blesse : ces programmes ne reposent en effet sur aucune base juridique officielle. « L’Afssaps a construit, en bonne entente avec les laboratoires concernés, une procédure d’autorisation a priori ; en dehors de tout texte législatif d’habilitation […] », souligne un rapport de l’Inspection générale de la santé (IGAS). Non sans s’inquiéter des limites d’un tel système : aucune sanction directe possible en cas de dérive du laboratoire, compatibilité incertaine avec le droit communautaire (1)…

Publicité

Seule certitude, la publicité grand public d’un médicament sur ordonnance – c’est-à-dire la pratique américaine du « direct to consumer » – est interdite en Europe. Pour le moment… « Depuis plusieurs années, le lobby pharmaceutique fait le forcing auprès de l’Union européenne afin qu’elle autorise les firmes à communiquer directement auprès des patients. La Commission européenne envisage sous peu de faire une proposition législative sur l’information aux malades, voire de permettre à l’industrie un accès direct aux usagers », a-t-on appris au cours du colloque « Information des patients & observance » organisé en janvier dernier à Bruxelles par le groupe Kadris, une agence de conseil dans le domaine de la santé.

En France, l’urgence est aujourd’hui de combler un vide juridique et de coiffer Bruxelles sur le poteau. Le gouvernement a voulu statuer en janvier 2007 dans le cadre de l’adaptation du droit communautaire dans le domaine du médicament. Mais l’autorisation de légiférer par voie d’ordonnance pour régir les actions d’accompagnement conduites par l’industrie a eu du mal à passer. La presse notamment a dénoncé une publicité déguisée de la part des laboratoires et une volonté de fidélisation des patients pour des raisons commerciales, portant atteinte au libre choix du consommateur.

Pour le quotidien Le Monde, « les « labos veulent entrer au domicile des patients ». Pour Prescrire, « ces programmes permettraient de boucler la boucle dans un monde organisé par les firmes pharmaceutiques ». La revue pharmaceutique insiste sur l’implication déjà efficiente de l’industrie dans la formation des professionnels de santé et dans l’information des patients, sur ses influences déterminantes dans les processus d’AMM des médicaments.

Plus jamais sans les professionnels de santé ?

Près de 18 mois après la tentative de légalisation des programmes d’aide à l’observance, le débat est toujours brûlant. Selon la volonté de l’ancien ministre de la Santé Xavier Bertrand, l’IGAS a publié fin décembre 2007 un rapport sur le sujet. Ses conclusions : non à l’intervention – directe ou indirecte – des laboratoires auprès du public. Seules exceptions : « les situations où il y aurait de réelles difficultés dans l’apprentissage de l’utilisation du produit par la personne malade, en l’absence d’alternative thérapeutique ».

Le sénateur Nicolas About devait quant à lui présenter une proposition de loi en avril dernier. Mais Roselyne Bachelot en a voulu autrement. Ce sera un projet de loi émanant du gouvernement qui verra le jour, rapporté par le sénateur. Volonté de refaire pression sur les parlementaires ou de retarder un dossier jugé politiquement incorrect par l’opinion publique ? « Nous n’avons aucun texte pour le moment mais, selon les rumeurs, il ne porterait que sur l’apprentissage technique des actes thérapeutiques », indique-t-on au cabinet de Nicolas About.

Du côté du Leem, on joue désormais la concertation avec les professionnels de santé. Parmi ses propositions, publiées en novembre dernier, on note que les programmes d’accompagnement s’inscrivent dans le système de soins, laissant dans ce contexte une place centrale pour l’intervention des professionnels de santé (médecins, pharmaciens, infirmières…).

Mais comment les aborder ? Côté médecins, il s’agit de remporter leur adhésion et de regagner leur confiance – ébranlée suite à la polémique née de l’initiative gouvernementale. Ce ne sera sans doute pas suffisant, comme le suggère la société Eurostaf dans une étude sur le sujet (2) : « il semble inéluctable et logique de considérer que les médecins libéraux devront être rémunérés pour leur participation active ».

Quid des pharmaciens ? « Si l’on veut faire du coaching, autant le faire avec des acteurs de proximité plutôt qu’avec des intervenants extérieurs qui ne sont pas neutres », a déclaré Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO (3). Et force est de constater qu’ils sont totalement absents des vastes programmes d’observance. « Les laboratoires sont de plus en plus intéressés par le rôle des officinaux », révèle pourtant Sophie Kerob. Ainsi, dans certains projets plus confidentiels, le pharmacien doit, à partir d’une discussion fouillée avec les malades souffrant de la pathologie concernée, recueillir un maximum d’informations sur le suivi thérapeutique. Ces données sont ensuite renvoyées au prestataire de services. Comme tout travail mérite salaire, le pharmacien reçoit une compensation liée au nombre de patients et à la durée du programme. Soit en moyenne 250 euros pour une quinzaine de malades suivis sur six mois, selon cette société. Mais l’implication des officines se heurte au manque de temps et d’espace de confidentialité. « Il faut aussi que toute l’équipe s’investisse », note Sophie Kerob.

Fidéliser les médecins en priorité

« Les programmes d’observance s’inscrivent dans les nouveaux plans de gestion du risque demandés par l’Agence européenne du médicament lors de la mise sur le marché de certains médicaments », argumente Sylvie Paulmier-Bigot, directrice de la publicité et des informations médicales au Leem. Mais l’IGAS constate que « pour aucun produit, le plan de gestion du risque n’a conduit l’Afssaps à imposer un programme d’accompagnement des patients ». Sur ce sujet, le collectif Europe et Médicament ne transige pas. En octobre dernier, il indiquait que « les mesures existantes de surveillance des médicaments (plans de gestion du risque et études post-AMM) ne doivent en aucun cas être confondues avec les programmes industriels d’observance, au risque d’ôter toute crédibilité aux autorités de santé ».

Sylvie Paulmier-Bigot est pourtant affirmative : « l’enjeu de santé publique est prioritaire pour l’industrie, bien avant l’enjeu économique ». Faut-il la croire ? Certes, l’observance ne demande qu’à être améliorée en faveur du bon usage du médicament. Néanmoins, les laboratoires ne sont pas que des philanthropes. Selon la revue Prescrire, les calculs sont vite faits : il est six fois moins coûteux de fidéliser un client que d’en trouver un nouveau. Cependant la marge bénéficiaire directe semble limitée à court terme. Le coût minimal d’un programme d’accompagnement étant estimé à 100 euros par patient et par an, il faudrait, pour conserver une marge de 70 % sur le prix d’un médicament, doubler ses ventes mensuelles, selon l’IGAS. Ce qui semble évidemment irréalisable dans la mesure où ces programmes ne permettent pas d’attirer de nouveaux consommateurs.

La motivation de l’industrie pourrait être avant tout une question d’image auprès des prescripteurs. C’est en tout cas l’avis de Sophie Kerob : « En mettant en place des programmes d’observance, les laboratoires mettent en avant ce service à haute valeur ajoutée pour se différencier auprès des médecins. » Le but est de les fidéliser en promettant une meilleure observance et par conséquent une plus grande efficacité du traitement. Les stratégies de développement de l’industrie pharmaceutique sont donc en train de changer. « D’une part, l’impact de la visite médicale est en baisse, note Dominique Depinoy, médecin consultant pour le groupe Kadris. Le scénario de blockbuster avec déroulement du rouleau compresseur auprès des médecins n’est plus aussi efficace. D’autre part, depuis la loi de démocratie sanitaire en 2002, il faut donner au patient la place qu’il mérite dans le système de santé. On est passé d’une culture verticale, où le savoir était donné, à une culture centrée sur l’éducation du patient. »

Les assureurs dans les starting-blocks

Le train de l’accompagnement des patients est donc en marche. La CNAM l’a bien compris en lançant son propre programme (voir encadré page 34). Les assureurs ne sont pas en reste, en particulier les mutuelles ne dépendant pas du Code de la mutualité. L’exemple le plus probant est celui d’Axa qui a lancé en 2005 ses « coachings santé ». Le principe est de proposer un suivi par téléphone – assuré par des médecins urgentistes – du sevrage tabagique et de la diététique. Ce programme est offert aux adhérents pour notamment se démarquer de la concurrence.

Contrairement aux laboratoires, les assureurs et la CNAM ont à leur disposition les coordonnés des malades. Ne s’oriente-t-on pas vers un système où le patient se verrait obligé de suivre un coaching s’il veut être accepté en ALD ? Ne risque-t-il pas de se voir imposer un accompagnement, moyennant paiement ou non, pour bénéficier du remboursement de la mutuelle ? Gare aux libertés individuelles ! Pour Dominique Depinoy, les financeurs des programmes d’accompagnement devront expliquer clairement leurs motivations. Rappelons qu’aux Etats-Unis le « disease management » est un business pour les assurances…

Au-delà des controverses, l’objectif demeure l’amélioration du suivi des patients. Car la non-observance thérapeutique est un fléau. Elle concernerait près d’un patient sur deux, voire plus de 90 % des personnes souffrant de maladies chroniques. Les répercussions économiques pour la collectivité ne sont pas négligeables mais non évaluées. Les laboratoires américains estiment quant à eux à 30 milliards de dollars par an leur manque à gagner liés aux mésusages.

La solution miracle n’existe pas encore. Toutes les actions en faveur de l’observance, qu’elles émanent des professionnels de santé, des pouvoirs publics ou de l’industrie, se soldent par des résultats variables selon les pathologies et, globalement, incertains dans la durée, d’après l’IGAS. Quant à la question de l’implication de l’industrie dans l’accompagnement et l’éducation des patients, elle est avant tout éthique. A-t-on le droit d’influencer le comportement d’un individu, d’autant plus que le promoteur de l’opération a tout à gagner d’une consommation médicamenteuse accrue ? Plus que jamais, la réponse appartient aux patients.

Sondage directmedica

Sondage réalisé par téléphone du 19 au 21 mars 2008 sur un échantillon de 107 pharmacies représentatif en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

Faire son métier

Quel est le rôle des laboratoires ?

Etre impliqué dans l’accompagnement

Les laboratoires pharmaceutiques réclament une réglementation leur permettant de mettre en place des programmes d’accompagnement du patient. Cette position vous paraît :

Proximité

D’après vous, qui est le mieux placé pour accompagner les patients dans le suivi de leurs traitements ?

Un suivi pour tous

D’après vous, quels sont les patients qui auraient le plus besoin d’un suivi rapproché ?

Les malheurs de Sophia

Le 22 janvier dernier, la CNAM a dévoilé son opération d’accompagnement des diabétiques de type 2. Baptisée Sophia, elle a démarré expérimentalement dans 10 départements et s’adresse à 136 000 diabétiques en ALD. Ils recevront une information par leur médecin traitant et pourront adhérer au programme s’ils le souhaitent. Dès septembre, un accompagnement téléphonique personnalisé par les infirmières de la CNAM sera mis en place, avec à terme la proposition de services Internet. Coût de l’opération : environ 10 millions d’euros par an.

L’intention est louable et l’objectif est clair : « réduire la fréquence des complications du diabète et des coûts associés ». Si les médecins paraissent dubitatifs quant au principe, les pharmaciens sont carrément révoltés contre un dispositif d’éducation thérapeutique qui les ignore. La CNAM a en effet signé un accord conventionnel avec les médecins mais n’a pas fait de même avec la profession officinale. « On va se retrouver dans des situations où la plate-forme téléphonique pourra repérer un problème d’observance sans en informer le pharmacien, s’inquiète Isabelle Adenot, du Conseil national de l’ordre des pharmaciens. Le pharmacien se voit là relégué au rang de simple distributeur de médicament, alors même que la Haute Autorité de santé prône le dialogue entre différents professionnels de santé pour améliorer la prise en charge des malades ! »

Des malades bientôt sous télésurveillance

L’amélioration de l’observance thérapeutique est un marché d’avenir pour les opérateurs de l’Internet et de la téléphonie mobile. A tel point qu’Orange y a entièrement consacré un département (Orange Healthcare). Il faut dire qu’avec des logiciels spécifiques, un écran d’ordinateur, une connexion Internet et un téléphone portable, une multitude de scenarii sont possibles : suivi à distance des maladies chroniques par le médecin, chambre multimédia à l’hôpital… De la science-fiction ? Non. « Dans les pathologies chroniques, on se dirige vers un système de suivi permanent assuré par la télésurveillance. L’idée est de communiquer les résultats de contrôles et d’examens via Internet directement à son médecin, ou à un centre spécialisé. L’intérêt est de pouvoir déclencher un rendez-vous lorsqu’il est nécessaire et ainsi d’optimiser les résultats cliniques », explique Denise Silber, présidente de Basil Stratégie, société spécialisée en e-santé.

Où l’on reparle du DP

Dans les faits, les labos utilisent déjà les nouveaux moyens de communication pour favoriser l’observance. Exemples ? Des messages de motivation sont envoyés par SMS aux consommateurs de substituts nicotiniques (Niquitin) ou aux femmes à l’heure où elles doivent prendre leur pilule (Grünenthal). « Les études montrent l’efficacité de nombreuses méthodes complétant la consultation dans l’amélioration de l’observance », indique Denise Silber.

Et si les nouvelles technologies permettaient aux pharmaciens d’affirmer leur rôle dans l’observance ? « Le dossier pharmaceutique est une belle illustration d’un système pouvant allier efficacité et déontologie par voie électronique. En traçant l’historique médicamenteux, il permet de repérer un hiatus dans l’observance, rappelle Isabelle Adenot, du Conseil national de l’Ordre. La surveillance sera d’autant plus efficace que les données pourront être collectées et exploitées rapidement. »

Les SSII planchent sérieusement sur des solutions. Pharmagest, par exemple, expérimente actuellement un système d’alerte de renouvellement des traitements. « Une fois l’accord du patient obtenu au comptoir, le pharmacien lui envoie un SMS, un message téléphonique ou un e-mail lui signalant qu’il doit se rendre en pharmacie pour renouveler son traitement », détaille Jérôme Lapray, responsable marketing direct chez Pharmagest. Le message a été rédigé avec l’accord de l’ordre des pharmaciens. Le module sera opérationnel dans les mois à venir. Pour en bénéficier, le titulaire doit, en sus de son abonnement, « acheter des packs de communication dont l’unité ne dépassera pas 0,12 centime », informe Jérôme Lapray. L’alerte par e-mail est gratuite mais a bien sûr moins d’impact qu’un SMS. –

Myriam Loriol

Entretien avec Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé« Il faut ouvrir dans les officines des espaces d’éducation thérapeutique »

« Le Moniteur » : Quelle est votre position à propos des programmes d’observance financés par les laboratoires ?

Christian Saout : Les moyens utilisés – c’est-à-dire la mise en place d’une simple hotline et la distribution de brochures – ne suffisent pas à régler le problème de l’observance. Il faut agir simultanément sur trois axes : l’information, certes, mais aussi la motivation et, surtout, la résolution des problèmes sociaux. Le patient a avant tout besoin d’un face-à-face avec un professionnel de santé. Je sais que certains programmes envoient des infirmières à domicile, mais la place des laboratoires n’est certainement pas au chevet des patients !

Le programme de la CNAM ou les « coachings santé » mis en place par certains assureurs vous paraissent-ils plus appropriés ?

Sophia n’est pas un modèle au sens où c’est un moule, qui est loin de remplir la variabilité des attentes en matière d’accompagnement. Quand aux offres des assureurs, c’est à mon sens du marketing. Le coaching santé sera suivi par ceux qui en auront le moins besoin.

Alors, quel est selon vous le scénario idéal en matière d’accompagnement ?

Les patients doivent avoir le droit au choix ! Chaque situation est différente, les malades n’ont pas tous les mêmes attentes. Certains ont besoin d’un suivi très rapproché, d’autres apprécient une approche plus discrète. Les uns veulent un accompagnement individuel, les autres préfèrent la démarche collective.

Et le pharmacien, quelle est sa place dans l’accompagnement des patients ?

Elle est extrêmement importante dans la mesure où il reste le professionnel de santé de proximité par excellence. Mais pour qu’il s’implique vraiment, il faut aussi faire évoluer les pratiques et ouvrir des espaces d’éducation thérapeutique. Pour une profession qui est aujourd’hui sur le fil du rasoir, l’accompagnement des patients peut se révéler comme une opportunité pour le pharmacien de faire valoir son rôle en santé publique.

Visite médicale d’observance

La pratique est émergente. « Pfizer en est le précurseur », assure Sophie Kerob, directrice générale de Direct Medica. Le principe est de mettre en place un réseau de visiteurs médicaux spécialisés dans l’éducation des officinaux en matière d’observance. Les pathologies étudiées sont bien sûr choisies selon les domaines de prédilection du laboratoire, en l’occurrence l’hypercholestérolémie, les douleurs neuropathiques et le sevrage tabagique.

5 000 pharmacies ont été ciblées pour débuter. Au bout de 6 mois, près de 70 % d’entre elles déclarent que la démarche favorise l’observance. « Au vu de la réceptivité des équipes, de leur niveau de satisfaction et de l’impact sur leur qualité de conseil, cette nouvelle démarche a de beaux jours devant elle », prévoit Sophie Kerob.

(1) « Encadrement des programmes d’accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques », G. Duhamel, E. Grass et A. Morelle, décembre 2007.

(2) « Les programmes d’éducation thérapeutique et d’observance aux traitements : quelles perspectives de développement en France ? »

(3) « Midi Libre », janvier 2007.