- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- 5 raisons de délivrer l’oxygénothérapie
5 raisons de délivrer l’oxygénothérapie
Dans la mouvance du maintien à domicile, l’oxygénothérapie peut constituer une opportunité de développement intéressante pour les pharmacies en quête de spécialisation. Quel type de clientèle peut-elle drainer ? Comment est-elle gérée dans les officines ? Si ce marché reste très concurrentiel, le pharmacien a une vraie carte de proximité à jouer.
1. Pas de stockage dans les officines
Si le pharmacien fait partie des principaux acteurs dans la dispensation de l’oxygène, les titulaires limitent le stockage des bouteilles d’oxygène dans leurs officines. Ils traitent avec des prestataires régionaux ou nationaux l’installation du matériel chez leurs clients et leur approvisionnement en oxygène. Des contrats spéciaux lient ainsi les pharmaciens « donneurs d’ordre » à leurs fournisseurs. L’avantage ? Le pharmacien est exempté des risques d’accident liés au stockage et à la manipulation de l’oxygène, les dégageant de toute responsabilité. Si l’officine se décide néanmoins à stocker des bouteilles d’oxygène dans son point de vente, il doit solliciter une extension de sa couverture d’assurance en responsabilité civile. La distribution de l’oxygène aux patients des pharmacies peut alors être assurée de trois manières :
→ par un officinal en lien avec un prestataire ;
→ directement par un prestataire qui dispose d’une autorisation officielle par arrêté préfectoral ;
→ par une structure associative transformée en société commerciale.
2. Le pharmacien, acteur clé
La dispensation de l’oxygène est toujours supervisée par un pharmacien. D’après les BPDO (Bonnes pratiques de dispensation à domicile de l’oxygène), le pharmacien doit assurer le conseil, l’éducation et la fourniture des explications aux patients et à leurs proches, surtout pour la sécurité. En particulier, le pharmacien doit connaître les interactions de l’oxygène avec les hypnotiques ou encore les risques de brûlures en cas d’usage de crèmes grasses. « Le pharmacien ne doit pas relâcher sa vigilance », met en garde Christiane Messerschmitt, titulaire à Saint-Maximim-la-Sainte-Baume (Var), qui assurait autrefois la fonction de pharmacien responsable chez un prestataire spécialisé en oxygénothérapie. Comme le prévoit les BPDO, la pharmacienne effectue une visite chez son patient le jour de l’installation de l’oxygène puis une fois par an. Pour promouvoir cette spécialisation, l’officinale expose régulièrement le matériel lié à l’oxygénothérapie, au même titre que le MAD (maintien à domicile). Et elle n’hésite pas à circuler plusieurs heures sur des routes de montagne pour rendre visite à ses patients insuffisants respiratoires et présentant souvent des symptômes d’angoisse. Car le pharmacien est un acteur clé de ce marché. « Il est le correspondant en matière de matériovigilance et de pharmacovigilance », comme le rappelle le groupe de réflexion piloté par le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine.
3. De nombreuses indications
Cette thérapie a tendance à se développer, surfant sur la courbe croissante du marché du MAD et de l’explosion de certaines pathologies comme la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive). Si elle améliore de façon significative l’espérance de vie des patients atteints de cette pathologie, l’oxygénothérapie est également indiquée dans l’apnée du sommeil, certaines migraines, l’algie vasculaire de la face, la cicatrisation de plaies de l’œil, et plus généralement, les insuffisances respiratoires sévères. Celles-ci nécessitent une prise d’oxygène de quinze heures chaque jour (ou davantage). Dans ce cas, c’est l’oxygène liquide (ou reconstitué) qui est prescrit. Dans les algies, les ORL et les neurologues optent pour l’oxygène gazeux. Jacqueline Dereggi, titulaire de la pharmacie nouvelle située au Canet, note une corrélation entre la demande d’oxygène et le grand nombre de clients âgés.
4. Un créneau concurrentiel
Mais, paradoxalement, les officinaux dont l’expertise est reconnue ne voient pas leur activité augmenter à la mesure de ces prescriptions. La raison ? Le marché, très concurrentiel, est souvent capté à la source, dès le prescripteur. Les officinaux installés près des grands centres hospitaliers sont ainsi les premiers à dénoncer ces pratiques. Michèle Magnan, titulaire de la pharmacie des Marronniers, à Gréoux-les-Bains (04), qui pratique l’oxygénothérapie depuis vingt ans, suit actuellement trois patients… mais affirme que des prestataires lui ont soufflé au moins une dizaine d’autres clients. Ainsi, 80 % des prescriptions en oxygénothérapie échapperaient aux officinaux. « Dans la région de Marseille, je remarque que des pharmaciens sont délestés par des prestataires de service qui cueillent le patient à la sortie de l’hôpital », renchérit Christiane Messerschmitt. Pierre Auphelle, président de Locapharm, un prestataire de service qui assure être « l’un des rares groupes nationaux à ne travailler qu’avec les officinaux », confirme ce « détournement » d’ordonnances. Il appelle la CNAM à plus de vigilance face à ces dérapages et exhorte les pouvoirs publics à faire respecter le libre choix du patient. Ce prestataire, qui détient des contrats avec plus de 15 000 pharmacies, est persuadé que les pharmaciens peuvent « anticiper et faire de la prévention, mais le problème demeure si, à la sortie d’hôpital du patient, ils ne voient même pas l’ordonnance ! ». Chez Orkyn, un autre prestataire, Christophe Garnier, responsable marketing pharmacie, tempère. « Nous travaillons aussi par le réseau hospitalier, mais, dans ces cas, nous informons le pharmacien que nous avons installé du matériel chez son client et lui proposons de s’impliquer en réalisant la visite pharmaceutique. »
5. Jouer la carte de la proximité
Les pharmaciens ont des opportunités à saisir dans le cadre de la loi HPST, permettant de jouer la carte de la proximité, avec des prescriptions orientées « pour moitié vers les soins palliatifs sur un marché de proximité en provenance des médecins généralistes », assure Christophe Garnier. Une autre piste de prospection doit, selon le prestataire, être examinée de près : le diagnostic des bronchopneumopathies chroniques obstructives. « Un tiers des BPCO sont diagnostiquées trop tardivement », renchérit-il. Pour preuve, une étude de l’hôpital Larrey de Toulouse menée auprès de 672 patients de neuf pharmacies a permis d’identifier 17,5 % de sujets nécessitant des investigations plus poussées pour une BPCO. Le professeur Nicolas Roche, pneumologue à l’Hôtel-Dieu à Paris, révèle également, dans une autre étude, que la BPCO concerne 5 à 10 % de la population adulte, mais seuls 10 à 15 % de ces malades font l’objet de soins. Les associations de patients réclament elles aussi une meilleure prise en charge et estiment que les pharmaciens peuvent jouer un rôle dans la fourniture du matériel et le suivi des patients. « Nous n’avons pas, actuellement en France, un maillage suffisant de prestataires. Certains départements en sont presque dépourvus et une présence de pharmaciens est tout à fait indispensable », déclare Jean-Claude Roussel, président honoraire de la FFAAIR (Fédération française des associations et amicales des malades insuffisants ou handicapés respiratoires). Pourquoi alors ne pas envisager un espace de confidentialité dans la pharmacie où l’équipe pourrait recevoir leurs clients pour des questions d’apnée du sommeil ou encore de BPCO ?
Attention danger
En mai dernier, des bouteilles d’oxygène entreposées dans la pharmacie d’un centre commercial de la banlieue de Nancy (Vandœuvre-lès-Nancy) explosaient suite à un incendie. L’une d’elles, transformée en missile, s’est projetée sur un immeuble voisin, causant d’importants dégâts matériels et quelques blessés légers. Cette pharmacie était une officine « relais ». Il n’en existe qu’une ou deux par département. Contrairement aux autres officines engagées dans l’oxygénothérapie, elles ne délivrent pas d’oxygène aux patients, mais sont des intermédiaires entre les fabricants et les professionnels de santé, tels que les ambulanciers, les vétérinaires, les mairies (piscines communales, stations balnéaires)… Pour ces points de vente, il existe une réglementation stricte. D’abord, ils ne peuvent stocker que de 10 à 30 bouteilles (selon la taille du local). Ce stockage doit être assuré dans des locaux adjacents à l’officine dotés de portes pare-feu. Ces locaux sont soumis à une réglementation stricte sur leur taille et leur proximité de matières dangereuses et de sources de chaleur. Un audit doit être effectué au préalable et une inspection est ensuite réalisée par la DRASS (désormais intégrée dans l’ARS). A la suite du fait divers de Vandœuvre-lès-Nancy, ces « officines relais » font actuellement l’objet d’une discussion entre titulaires, fabricants, la direction générale de la santé et les préfectures afin « de sécuriser encore davantage la distribution d’oxygène médicinal via le réseau officinal », comme le note Valérie Roinac-Fonvieille, pharmacien conseil pour la région Grand Ouest chez Air Liquide Santé.
- Enquête de l’Anepf : la vie des étudiants en pharmacie, pas si rose
- Économie officinale : faut-il ressortir les gilets jaunes et les peindre en vert ?
- Prescription des analogues du GLP-1 : les médecins appellent au boycott du dispositif imposé
- Bon usage du médicament : doit-on oublier la dispensation adaptée ?
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Quétiapine en rupture de stock : comment adapter la prise en charge des patients ?
- Les médecins étrangers veulent un contrat pérenne
- Ménopause : qu’attendre des traitements laser contre la sécheresse vaginale ?
- Nature Care, gamme naturelle pour le soin des plaies
- Pharmaciens et IA : l’ère du professionnel augmenté