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L’insuffisance cardiaque chronique
L’insuffisance cardiaque est l’incapacité du cœur à assurer un débit sanguin suffisant pour subvenir aux besoins en oxygène et en nutriments de l’organisme. Sa prise en charge médicamenteuse repose sur de nouvelles recommandations européennes.
La maladie
L’incidence de l’insuffisance cardiaque chronique devrait augmenter de 25 % tous les quatre ans en France du fait du vieillissement de la population. La mortalité reste élevée pour ce syndrome clinique dont les signes sous-estimés retardent la prise en charge.
Des recommandations parues en 2021 et l’arrivée de nouveaux traitements sont l’occasion de faire le point.
Rappels de physiologie
Le système cardio-vasculaire
Constitué du cœur et des vaisseaux, ce système fournit l’oxygène et les nutriments nécessaires au bon fonctionnement des organes et élimine leurs déchets.
• Le cœur est la « pompe ». C’est un muscle qui se contracte régulièrement pour propulser le sang dans l’organisme. Il se divise en cœurs droit et gauche, chacun composé de deux cavités, l’oreillette et le ventricule, séparées par des valvules.
• Les vaisseaux assurent la circulation (voir schéma ci-contre). Les veines collectent et amènent le sang désoxygéné et chargé en dioxyde de carbone (CO2) des organes vers l’oreillette droite via les veines caves supérieure et inférieure 1. Le sang passe dans le ventricule droit 2, qui se contracte et l’envoie, via l’artère pulmonaire, dans les poumons 3, où il se débarrasse du CO2 et s’enrichit en oxygène (O2).
Le sang oxygéné est recueilli par l’oreillette gauche via les veines pulmonaires 4. Il passe alors dans le ventricule gauche, qui l’éjecte dans l’aorte 5. Enfin, l’aorte puis les artères secondaires et artérioles distribuent le sang oxygéné aux organes 6.
Le cycle cardiaque (voir p. 32)
Chaque battement cardiaque correspond à un cycle de moins d’une seconde où se succèdent des phases de contraction et de relaxation du muscle de façon synchronisée sous l’influence d’un courant électrique.
• La systole est la contraction des ventricules, de façon quasi simultanée, qui éjecte le sang du ventricule droit vers l’artère pulmonaire et du gauche vers l’aorte. En fin de systole, un volume résiduel de sang reste dans le ventricule, c’est la télésystole.
• La diastole est le relâchement des ventricules qui entraîne leur remplissage. Le volume de sang à la fin de la diastole est maximal ; on parle de télédiastole.
Les paramètres hémodynamiques
Des paramètres physiques caractérisent la performance du système cardio-vasculaire.
• La fréquence cardiaque est en moyenne de 65 battements par minute au repos. Dépendante du système nerveux autonome et du fonctionnement électrique du cœur, elle s’adapte aux besoins de l’organisme ; elle augmente lors d’efforts physiques.
• Le volume d’éjection systolique (VES) est le volume éjecté par le ventricule à chaque battement cardiaque. Il correspond à la différence entre la télédiastole et la télésystole. Il dépend :
→ de la précharge = capacité de relâchement et de remplissage du ventricule ;
→ de la post-charge = forces de pression qui s’opposent à l’éjection du sang, comme l’hypertension des artères ;
→ de la contractilité = force de contraction des cellules musculaires cardiaques.
• Le débit cardiaque est la quantité de sang éjectée par le cœur en une minute, soit le volume d’éjection systolique multiplié par la fréquence cardiaque. Il est en moyenne de 5 litres/min au repos. Il doit être suffisant pour assurer l’apport sanguin aux organes.
• La fraction d’éjection ventriculaire (FEV) est le pourcentage de volume de sang éjecté par le ventricule à chaque battement cardiaque.
→ Pour la calculer ? La FEV, exprimée en pourcentage, est obtenue en divisant le volume d’éjection systolique (VES) par le volume télédiastolique.
→ Quel est son intérêt ? La FEV reflète l’efficacité de la pompe cardiaque. La fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) est particulièrement importante pour évaluer les capacités du cœur à fournir assez de sang aux organes. Sa valeur normale est supérieure à 55 %, et non de 100 % car le ventricule ne se vidange pas complètement.
Définition
• L’insuffisance cardiaque chronique (ICC) est un syndrome clinique caractérisé par des symptômes, notamment une dyspnée (voir Dico+), une fatigue et des œdèmes, plus ou moins accompagnés de signes détectables à l’examen médical (voir Diagnostic p. 34), qui traduisent l’incapacité du cœur à pomper suffisamment de sang pour oxygéner les organes.
• L’incapacité de la pompe cardiaque est liée à une hausse de la pression dans le cœur et/ou à une baisse du débit cardiaque, lui-même causé par une anomalie de la structure et/ou du fonctionnement cardiaque. L’ICC est donc le plus souvent secondaire à une pathologie cardiaque préexistante (voir Causes).
Classification
Selon la FEVG
Distinguer des types d’insuffisance chronique selon la fraction d’éjection ventricule gauche (FEVG) est important car cela reflète des étiologies différentes et oriente le traitement.
• L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventricule gauche préservée : FEVG ≥ 50 %. On parle aussi d’IC « diastolique ». Le ventricule conserve ses capacités d’éjection du sang, mais peine à se remplir correctement car le muscle est peu distensible. En cause ? Le vieillissement, l’hypertension artérielle (HTA), le diabète…
Elle concerne environ 50 % des patients, le plus souvent âgés.
• L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventricule gauche diminuée : FEVG ≤ 40 %. On parle aussi d’IC « systolique » car elle est liée à un défaut de contraction du ventricule. Même s’il est correctement rempli, le ventricule se vide insuffisamment. Elle concerne environ 35 % des patients, typiquement avec des antécédents de maladie coronarienne, dont l’infarctus du myocarde.
• Lorsque la FEVG se situe entre 41 et 49 %, la Société européenne de cardiologie (ESC) parle de « zone grise » ou d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventricule gauche « moyennement réduite ». Elle concerne 15 % des patients au profil proche de l’IC à FEVG diminuée et qui bénéficient de la même prise en charge.
Gauche, droite ou les deux
On distingue l’IC droite ou gauche selon le ventricule défaillant, les deux pouvant être touchés dans l’IC dite « globale ».
• L’IC gauche traduit une inaptitude du cœur à éjecter assez de sang vers les organes.
• L’IC droite traduit une inaptitude du cœur à éjecter le sang veineux dans les poumons. « Elle est moins fréquente et fait essentiellement suite à l’insuffisance cardiaque gauche », explique le Pr Michel Galinier, chef du service de cardiologie du CHU de Toulouse (31).
Étiologies et manifestations peuvent donc varier.
Conséquences
Face aux défaillances de la pompe cardiaque, l’organisme instaure d’abord des mécanismes destinés à les compenser.
L’organisme s’adapte
Des mécanismes de régulation hormonaux se mettent en place.
• Pour maintenir le débit cardiaque, une sécrétion d’adrénaline par activation du système sympathique accélère le rythme cardiaque.
• La sécrétion de rénine augmente à la suite de la diminution du débit sanguin dans le rein, elle-même causée par la baisse du débit cardiaque. La rénine stimule la production d’angiotensine II, vasoconstrictrice, et d’aldostérone, qui accroît la résorption d’eau et de sodium au niveau du rein, et donc la rétention hydrosodée.
• Les cellules musculaires cardiaques sécrètent le peptide natriurétique de type B (BNP) en réponse à l’augmentation de volume ou de pression des cavités cardiaques. Le BNP a des effets vasodilatateurs et diurétiques ; il favorise l’excrétion sodée rénale. Ce BNP est un marqueur d’IC (voir Diagnostic p. 34).
Le cœur se remodèle
• Le ventricule défaillant se dilate par étirement des fibres musculaires pour augmenter son volume de télédiastole (= volume de sang maximal à la fin de la diastole) et maintenir un volume de sang éjecté stable.
• Cette dilatation du ventricule entraînant une plus forte tension sur ses parois, ses muscles s’hypertrophient (grossissent) pour maintenir une force de contraction suffisante pour l’éjection du sang. « Ce remodelage à visée compensatoire concerne l’IC à fraction d’éjection réduite. Si le muscle peut être hypertrophié en cas d’éjection préservée, ce n’est pas un mécanisme de compensation mais une cause en elle-même de l’insuffisance cardiaque », explique le Pr Galinier.
L’insuffisance cardiaque s’installe
Ces mécanismes sont d’abord bénéfiques, mais progressivement délétères ou épuisables. Le cœur consomme plus d’énergie pour fonctionner, s’épuise ; la tachycardie apparaît, l’effet de l’adrénaline décroît du fait d’une baisse de ses récepteurs… Quand ils sont dépassés, l’insuffisance cardiaque s’installe progressivement.
Causes
De l’insuffisance cardiaque chronique gauche
• Une atteinte du muscle cardiaque, en particulier une cardiopathie ischémique, comme un infarctus du myocarde qui entraîne une perte de myocytes.
L’atteinte peut aussi être d’origine congénitale, toxique (alcool, chimiothérapie…), infectieuse, métabolique (carence en vitamine B1, diabète, dysthyroïdie, obésité…)… L’amylose (voir Dico+), quelle que soit son origine, est également en cause.
• Une surcharge anormale du système cardio-vasculaire, comme l’hypertension artérielle, un défaut structurel des valvules cardiaques, une inflammation, une anémie sévère, la grossesse, une insuffisance rénale…
• Un trouble du rythme.
De l’insuffisance cardiaque chronique droite
L’ICC du cœur droit fait très souvent suite à une IC gauche. Les cas d’ICC droite isolée sont rares mais peuvent néanmoins faire suite à une hypertension des capillaires pulmonaires, des troubles du rythme ou un infarctus du ventricule droit.
Facteurs de risque
• Mode de vie : consommation excessive d’alcool, sédentarité.
• Facteurs de risque cardio-vasculaires : diabète, tabagisme, dyslipidémies, obésité et surpoids, notamment avec répartition abdominale.
• Maladies/traitements : insuffisance rénale, apnées obstructives du sommeil, dysthyroïdies, chimio/radiothérapies, bronchopneumopathies obstructives.
Signes cliniques
Manifestations
• L’ICC peut être longtemps asymptomatique car initialement compensée.
• Les symptômes typiques sont :
→ la dyspnée, l’orthopnée, c’est-à-dire une gêne respiratoire en position allongée car l’élévation des pressions capillaires et veineuses pulmonaires entraîne un transsudat inondant l’interstitium pulmonaire et les alvéoles ;
→ et la dyspnée paroxystique nocturne, par augmentation de la pression capillaire pulmonaire ;
→ la fatigue, par baisse du volume sanguin musculaire qui limite la tolérance à l’effort ;
→ et la rétention ou surcharge hydrosodée, qui peut conduire à des œdèmes des membres inférieurs, une congestion des poumons ou une prise de poids rapide (> 2 kg dans la semaine).
• Comment l’expliquer aux patients
• Des symptômes moins typiques peuvent exister : toux nocturne, sifflements, sensation de ballonnement, perte d’appétit, confusion, dépression, turgescence de la jugulaire visible à l’œil nu, reflux hépato-jugulaire (voir Dico+)…
• Des signes cliniques peuvent être retrouvés à l’auscultation : pouls irrégulier, rythme cardiaque de « galop »… « Pour caractériser l’insuffisance cardiaque, j’utilise souvent l’acronyme JOCH, pour Jugulaire turgescente, œdème des membres inférieurs, Crépitements inspiratoires et Hépatomégalie », explique le Pr Galinier.
• Les manifestations sont similaires, que l’IC soit à fraction d’éjection diminuée ou préservée. Elles peuvent néanmoins être plus spécifiques selon le côté du cœur atteint : essoufflement majoré en position allongée et fatigue plus caractéristique à gauche et œdèmes/prise de poids à droite.
Sévérité
La New York Heart Association (NYHA) classifie l’ICC selon la sévérité des symptômes et l’activité physique en quatre stades.
→ Stade I : pas de symptômes, même à l’effort.
→ Stade II : symptômes (dyspnée, fatigue, palpitations) pour un effort, limitation légère des activités physiques. >
→ Stade III : symptômes à l’effort, limitation marquée des activités physiques.
→ Stade IV : symptômes au repos, limitation sévère des activités physiques.
Cette classification est utilisée pour décrire la gravité des symptômes et l’intolérance à l’exercice physique, mais la sévérité des symptômes est peu corrélée avec la FEVG.
Diagnostic
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque repose sur l’association de symptômes, avec une élévation du peptide natriurétique de type B (BNP) et une anomalie cardiaque à l’échographie.
• Les symptômes font suspecter une ICC, notamment l’association EPOF : Essoufflement, Prise de poids rapide, Œdèmes, Fatigue impactant l’activité physique. Ces symptômes sont parfois difficiles à détecter chez une personne obèse, âgée ou ayant une maladie pulmonaire chronique. Peu spécifiques, ils sont par ailleurs sous-estimés par les patients, qui ne les relient pas à un trouble cardiaque. Deux tiers des personnes présentant ces quatre signes ne consultent pas de cardiologue dans les douze mois
• L’examen médical approfondi recherche des éléments en faveur d’une ICC : antécédents (maladie coronarienne, hypertension, médicaments cardiotoxiques/irradiation, dyspnée nocturne…), signes cliniques (râles pulmonaires, souffle cardiaque, turgescence jugulaire…) et électrocardiogramme anormal (troubles du rythme, séquelles d’infarctus…).
• Un taux normal de BNP rend le diagnostic improbable : le dosage du peptide natriurétique ou de sa fraction inactivée (NT-proBNP) est demandé en présence de signes évocateurs. Le taux normal en ambulatoire est < 35 ng/L pour le BNP et < 125 ng/L pour le NT-proBNP.
• L’échographie du cœur pose le diagnostic en cas de BNP anormaux. Elle permet en particulier de calculer la fraction d’éjection du ventricule gauche, de visualiser sa taille, son épaisseur, les fonctions de remplissage et toute anomalie structurelle qui oriente l’étiologie de l’insuffisance cardiaque, et donc son traitement.
• Des examens complémentaires affinent l’étiologie et orientent la prise en charge : IRM cardiaque, coronographie à la recherche d’anomalies ischémiques des coronaires, radiographie du thorax…
Complications
• L’évolution varie individuellement, selon la prise en charge et l’étiologie. Les symptômes peuvent rester stables longtemps, avant de s’aggraver progressivement (voir classification NYHA en page de gauche). Des complications peuvent apparaître avec le temps, notamment des troubles du rythme, des accidents thrombo-emboliques, dont l’embolie pulmonaire, ou une insuffisance rénale.
• Les décompensations aiguës de l’ICC peuvent survenir ponctuellement, parfois à la faveur d’un facteur déclenchant, comme la non-observance, un écart de régime, une infection pulmonaire, une poussée hypertensive…
Elles sont caractérisées par une aggravation brutale des symptômes, avec dyspnée exacerbée, prise de poids subite, œdèmes des membres inférieurs, plus ou moins associés à d’autres signes tels que nausées, vomissements, ictère, palpitations… Elles nécessitent une prise en charge rapide et en général une hospitalisation, souvent de façon récurrente. Elles engendrent 200 000 hospitalisations annuelles en France, dont 45 % des personnes seront réhospitalisées dans l’année
• L’apparition d’un œdème pulmonaire aigu, caractérisée par une dyspnée intense brutale, une toux, des crachats mousseux et une oppression thoracique, est une urgence.
Pronostic
• La mortalité reste élevée malgré les avancées thérapeutiques, entre 30 et 50 % cinq ans après le diagnostic, contre 60 à 70 % dans les années 1990. Néanmoins, l’impact sur la qualité de vie demeure et les hospitalisations et réadmissions restent fréquentes, notamment en raison de l’augmentation de l’espérance de vie.
• Les facteurs prédictifs de décès ou d’hospitalisation sont notamment l’âge, les anomalies de la fonction rénale, le taux plasmatique bas de sodium (hyponatrémie), l’hypertension artérielle, le sexe (davantage d’hommes sont touchés), la valeur de la FEVG, le diabète, la sévérité des symptômes fonctionnels selon la classification NYHA.
• La méconnaissance de la maladie et des signes d’alerte est aussi un facteur de risque : 56 % des patients hospitalisés pour symptômes d’IC sortent sans identifier l’IC comme la cause de l’hospitalisation
Suivi
Au stade I, si les symptômes sont bien contrôlés et stables, un suivi semestriel chez le médecin traitant, avec fréquence cardiaque, tension artérielle, numération formule sanguine, fonction rénale, bilan électrolytique…, et annuel chez le cardiologue, incluant électrocardiogramme (ECG) et échocardiographie, détecte une éventuelle progression asymptomatique de la pathologie. Aux stades plus avancés, le suivi est plus fréquent, mensuel chez le généraliste si besoin, et pluriannuel chez le cardiologue.
Son traitement
Objectifs
• La prise en charge vise à soulager les symptômes et à améliorer la qualité de vie, à réduire la progression de la maladie et les épisodes de décompensation cardiaque, source d’hospitalisations, et à diminuer la mortalité.
• Les cardiopathies causales telles que les cardiopathies ischémiques…, et les comorbidités comme l’hypertension artérielle, l’insuffisance respiratoire, l’obésité, le diabète, etc. doivent en parallèle être traitées comme la carence martiale, l’une des comorbidités extra-cardiaques les plus fréquentes.
Stratégie thérapeutique
Prise en charge globale
Indispensable, elle repose sur la connaissance par le patient de sa pathologie, avec les signes d’aggravation, de ses traitements, des médicaments à éviter, tels les AINS, et des recommandations d’hygiène de vie (voir ci-après).
Elle peut être réalisée en structure spécialisée (hôpital, pôle de santé…), mais découle aussi des conseils donnés par chaque professionnel consulté : médecin, cardiologue, équipe officinale, kinésithérapeute, infirmier…
Elles reposent notamment sur le maintien d’une alimentation équilibrée, qui participe au contrôle du poids, et sur la limitation des apports en sel.
Être actif selon ses capacités physiques et cardiaques est indispensable, avec des preuves d’efficacité sur l’amélioration de la dyspnée et des capacités musculaires, et plus globalement sur l’évolution de la maladie. Pour ce faire, une réadaptation cardiaque peut être nécessaire.
Elle est proposée après une décompensation cardiaque ou quel que soit le stade de la maladie dans la mesure où celle-ci est stabilisée, notamment après une chirurgie cardiaque ou en cas de sédentarité, et donc de déconditionnement à l’effort. Elle redonne confiance au patient, améliore les capacités à l’effort, la qualité de vie et diminue le risque d’hospitalisations.
Réalisée à l’hôpital, si possible en ambulatoire, ou au sein de structures adaptées, comme les clubs « Cœur & santé » de la Fédération française de cardiologie (FFC), elle associe éducation thérapeutique, avec connaissance de ses médicaments, nutrition, activité physique, réentraînement à l’exercice adapté individuellement, avec la mise en place d’exercices d’endurance et de renforcement musculaire, et selon le cas, une optimisation des traitements médicamenteux.
La prescription d’une activité physique adaptée est recommandée, notamment à la suite de la réadaptation cardiaque, en vue de prolonger et d’améliorer les résultats. L’objectif est que le patient retrouve une activité physique quotidienne en autonomie.
Traitement pharmacologique
• Traitement symptomatique. Les diurétiques sont utilisés pour soulager les symptômes de congestion : œdèmes périphériques, congestion pulmonaire. Ils améliorent rapidement la dyspnée, la tolérance à l’effort et la qualité de vie. Chez les patients asymptomatiques, ils sont diminués, voire arrêtés. Les diurétiques de l’anse, puissants, constituent le traitement de référence. Les thiazidiques (hydrochlorothiazide), qui induisent une diurèse moins intense mais plus prolongée, peuvent être ajoutés en cas d’œdèmes résistants.
• Traitement de fond.
→ En première ligne. Les dernières recommandations européennes de 2021 préconisent l’association de quatre classes thérapeutiques en première ligne « car elles ont prouvé un bénéfice pour diminuer la mortalité liée à la maladie », explique le Pr Galinier, chef du service de cardiologie du CHU de Toulouse (31). Il s’agit :
– d’un inhibiteur du système rénine angiotensine aldostérone (SRAA) : soit un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC), soit l’association valsartan-sacubitril, « qui s’avère plus efficace », précise l’expert ;
– d’un bêta-bloquant, qui contrecarre les effets du système sympathique ;
– d’un antagoniste de l’aldostérone : spironolactone ou éplérénone ;
– d’un inhibiteur du SGLT-2 ou gliflozine : dapagliflozine ou empagliflozine, qui agit via un effet diurétique et vasodilatateur.
– En pratique, il n’y a plus de schéma type de prescription : « L’objectif est d’introduire ces médicaments le plus tôt et le plus vite possible en fonction des circonstances, explique le spécialiste (voir Point de vue p. 35). L’association de ces quatre classes thérapeutiques est particulièrement efficace sur les signes congestifs – crépitants à l’auscultation, œdèmes périphériques – et permet de diminuer plus facilement la dose de diurétique ».
– L’association valsartan-sacubitril peut être prescrite d’emblée, ou remplacer un IEC ou un sartan déjà prescrit.
– Ces quatre classes thérapeutiques doivent être prescrites à la dose maximale tolérée, après une augmentation progressive des posologies qui peut prendre deux mois, sauf pour les gliflozines, dont la posologie est fixe.
– Les sartans – hors association valsartan-sacubitril – ne sont pas mentionnés en première ligne car ils n’ont pas prouvé leur bénéfice sur la mortalité globale, toutes causes confondues.
→ En deuxième ligne.
– Les sartans sont recommandés en cas de contre-indication aux IEC et/ou à l’association valsartan-sacubitril.
– L’ivabradine est recommandée chez les patients dont la fréquence cardiaque au repos reste supérieure à 70 bpm malgré le bêta-bloquant, ou en cas d’intolérance à ce dernier.
– La digoxine est éventuellement prescrite en cas de symptômes persistants malgré un traitement de première ligne optimal ou chez les patients en fibrillation atriale (voir Dico+ p. 36).
• Traitement non chirurgical.
→ La pose d’un défibrillateur automatique implantable est indiquée lorsque la FEVG reste inférieure ou égale à 35 % après trois mois de traitement médicamenteux optimal, en particulier lorsqu’il existe une cardiopathie ischémique. Implanté sous la peau dans la région sous-claviculaire, le défibrillateur détecte des troubles du rythme ventriculaire et les traite par stimulation électrique.
→ La resynchronisation cardiaque se fait via l’implantation d’un stimulateur biventriculaire qui comporte trois électrodes fixées au muscle cardiaque et reliées à un générateur d’impulsions placé sous la peau. Elle corrige notamment un bloc de branche, qui est un trouble de la conduction ventriculaire chez des patients sous traitement médical optimisé.
• Traitements délétères.
→ Inhibiteurs calciques : hormis l’amlodipine et la félodipine, sans effets délétères, ils peuvent aggraver la pathologie. Le diltiazem et le vérapamil sont contre-indiqués en cas de FEVG diminuée.
→ Antiarythmiques : seule l’amiodarone est utilisable.
→ Anti-inflammatoires non stéroïdiens : ils peuvent provoquer une rétention hydrosodée et diminuer l’effet des diurétiques. Ils augmentent par ailleurs la morbidité et la mortalité des patients insuffisants cardiaques.
Selon les nouvelles recommandations, la prise en charge de ces patients est la même que pour ceux qui ont une VEGF diminuée car les études montrent un bénéfice pour les quatre classes préconisées.
« Les gliflozines sont désormais à la base du traitement car les essais thérapeutiques montrent qu’elles diminuent le risque d’hospitalisation », précise le Pr Galinier. La Haute Autorité de santé considère d’ailleurs que l’empagliflozine est un traitement de première intention chez ces patients
Médicaments
Diurétiques de l’anse
• Molécules : bumétanide, furosémide (+ amiloride dans Logirène).
• Mode d’action : agissant sur la branche ascendante de l’anse de Henlé, ils inhibent la réabsorption tubulaire du sodium, du potassium et du chlore, d’où une augmentation de la diurèse. L’amiloride est un diurétique épargneur potassique d’action modérée.
• Effets indésirables. Troubles hydro-électriques, type hyponatrémie, et hypokaliémie, avec hypovolémie et déshydratation, hypotension orthostatique, hyperuricémie pouvant provoquer une crise de goutte, élévation de la glycémie ; troubles auditifs possibles.
• Surveillance : du poids et des signes cliniques de déshydratation.
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
• Molécules : captopril, énalapril, fosinopril, lisinopril, périndopril, quinapril et ramipril.
• Mode d’action : ils s’opposent à l’activation de l’angiotensine I en angiotensine II, puissant vasoconstricteur, par blocage de l’enzyme de conversion, et génèrent ainsi une action vasodilatatrice. Ils limitent également la synthèse d’aldostérone. D’où une baisse de la précharge et de la post-charge sans accélération du rythme, une amélioration de la fonction contractile et une hausse du débit cardiaque.
• Effets indésirables : hypotension en début de traitement, céphalées liées à la vasodilatation, toux, hyperkaliémie ; plus rarement, dysfonction rénale. Risque d’angiœdèmes bradykiniques, notamment en association aux gliptines, imposant l’arrêt définitif de tout IEC et sartans
• Surveillance : pression artérielle, kaliémie, créatininémie.
Bêta-bloquants
• Molécules : bisoprolol, carvédilol, métoprolol et nébivolol. n Mode d’action : blocage de l’activation sympathique provoquée par la pathologie et diminution de la survenue de troubles du rythme.
• Effets indésirables : bradycardie, vertiges, céphalées, sensation de froid ou d’engourdissement dans les extrémités, hypotension, asthénie ; possibles troubles de l’érection selon les molécules et/ou du sommeil, avec cauchemars.
• Surveillance : fonction artérielle, fréquence cardiaque, symptômes de l’insuffisance cardiaque qui peuvent s’aggraver durant la titration, d’où la nécessité d’une augmentation très progressive des posologies ; surveiller la fonction rénale sous carvédilol. Risque de masquer les signes d’une hypoglycémie.
• Législation : prescription initiale du bisoprolol et du carvédilol réservée aux spécialistes en cardiologie et médecine interne. Renouvellement non restreint.
Antagonistes de l’aldostérone
• Molécules : éplérénone et spironolactone (+/- altizide).
• Mode d’action : blocage des effets de l’aldostérone, ce qui favorise l’élimination urinaire d’eau et de sodium et la réabsorption de potassium. L’éplérénone réalise un blocage plus spécifique et provoque moins d’effets anti-androgéniques tels que gynécomastie et troubles de l’érection.
• Effets indésirables : hyperkaliémie, insuffisance rénale, gynécomastie chez l’homme et troubles des règles chez la femme, éruptions cutanées.
• Surveillance : kaliémie et fonction rénale.
Inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine et de la néprilysine
• Molécule : association valsartan-sacubitril.
• Mode d’action : le valsartan bloque les récepteurs de l’angiotensine II. Le sacubitril stoppe la dégradation des peptides natriurétiques, qui augmentent l’élimination urinaire de sodium produits par l’organisme en inhibant la néprilysine. D’où une augmentation de la diurèse, mais aussi une vasodilatation.
• Effets indésirables : hypotension, hyperkaliémie, altération de la fonction rénale notamment. S’y ajoutent fatigue, céphalée, toux et risque d’angiœdème.
• Surveillance : pression artérielle, kaliémie, fonction rénale.
Inhibiteurs du SGLT-2
• Molécules : dapagliflozine, empagliflozine (lire Le point sur… les gliptines, Porphyre n° 593-594, décembre 2022-janvier 2023).
• Mode d’action : inhibiteurs sélectifs et réversibles du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT-2), qui permet la réabsorption de 90 % du glucose filtré au niveau du glomérule rénal et la réabsorption de sodium. D’où une baisse de la glycémie et une diurèse induisant une réduction de la pré- et post-charge du cœur et une légère diminution de la pression artérielle.
• Effets indésirables : infections génitales (vulvovaginites, balanites) et urinaires en lien avec la glycosurie, majoration du risque d’hypotension en association à des antihypertenseurs et d’hypoglycémie en association à l’insuline ou à un insulinosécréteur type sulfamide. Rares mais potentiellement graves : acidocétose (accumulation de corps cétoniques) sans anomalie marquée de la glycémie, à suspecter devant nausées, douleurs abdominales, soif intense, difficulté à respirer, et confusion, gangrène de Fournier (voir Dico+), surrisque d’amputation des membres inférieurs chez des patients diabétiques.
• Surveillance : fonction rénale.
Antagonistes de l’angiotensine II
• Molécules : candésartan, losartan, valsartan.
• Mode d’action : blocage des récepteurs de l’angiotensine II, d’où une action similaire aux IEC sur le système rénine-angiotensine.
• Effets indésirables. Identiques à ceux des IEC : hypotension, céphalées, hyperkaliémie. La toux est plus rare ainsi que les angiœdèmes mais ils restent possibles.
• Surveillance : tension artérielle, kaliémie.
Inhibiteur du courant If
• Molécule : ivabradine.
• Mode d’action : l’ivabradine ralentit le rythme cardiaque par inhibition des canaux If (IFunny) du nœud sinusal qui module la fréquence cardiaque (voir Info+). C’est un effet chronotrope négatif.
• Effets indésirables : bradycardie, phosphènes (= perception visuelle d’étincelles lumineuses), hypo- ou hypertension, céphalées en général au cours du premier mois.
• Surveillance : de la fonction cardiaque
Digoxine
• Mode d’action : glucoside cardiotonique qui induit une augmentation du débit cardiaque par une hausse de la contractilité myocardique, couplée à une diminution du tonus sympathique.
• Effets indésirables : hyperexcitabilité ventriculaire et troubles digestifs, psychiatriques (convulsion, délire, hallucinations), et de la vision faisant évoquer un surdosage.
• Surveillance : médicament à marge thérapeutique étroite. L’apparition de vomissements, diarrhées, coloration en jaune de la vision, hallucinations et troubles cardiaques fait suspecter un surdosage et nécessite un avis médical en urgence.
Les conseils aux patients
Dépistage
Les patients atteints d’une maladie cardio-vasculaire (pathologie coronarienne, infarctus du myocarde, hypertension artérielle, fibrillation atriale…), de diabète, de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou d’insuffisance rénale chronique sont à risque d’insuffisance cardiaque. Ces personnes doivent connaître les signes d’alerte qui doivent amener à consulter pour éviter des complications potentiellement graves.
Observance
Connaître la maladie
L’insuffisance cardiaque ne peut pas être guérie mais une bonne connaissance de la maladie, des événements qui l’aggravent, des conseils d’hygiène de vie qui l’améliorent, retarde son évolution et améliore les symptômes.
La présence d’un ou plusieurs symptômes inhabituels ou leur aggravation reflète une décompensation de la maladie : essoufflement dans ses activités quotidiennes ou au repos, notamment en position allongée, obligeant à dormir en position semi-assise, apparition d’œdèmes des pieds ou des chevilles, prise de poids, fatigue. Ils sont regroupés sous le signe EPOF (voir la campagne de l’Assurance maladie sur le site ameli.fr). Le patient doit alors consulter rapidement son médecin et/ou l’alerter et, en accord avec lui, augmenter les doses des diurétiques.
• Il est recommandé de se peser, par exemple le matin à jeun, au moins une à deux fois par semaine et deux à trois fois aux stades avancés, car une prise de poids rapide est corrélée à la rétention hydrosodée. Prendre deux ou trois kilos en moins d’une semaine doit conduire à consulter rapidement.
• Une perte de poids rapide, notamment en cas de fortes chaleurs, de vomissements ou de fièvre, doit faire évoquer une déshydratation et nécessite aussi un avis médical rapide.
• Le cas échéant, l’autosurveillance de la tension artérielle est essentielle. « L’optimisation du contrôle tensionnel est le meilleur traitement de l’insuffisance cardiaque à FEVG préservé », insiste le Pr Galinier.
• Toute infection, fièvre inexpliquée, palpitations, douleur thoracique nécessite un avis médical.
• Connaître les bénéfices des différents traitements améliore l’observance, essentielle pour stabiliser la maladie. Expliquer que les IEC et les diurétiques, y compris l’anti-aldostérone, diminuent la volémie et la résistance des vaisseaux, donc la charge de travail du cœur. Les bêta-bloquants ralentissent le cœur car celui-ci est « hyperactivé » au cours de l’insuffisance cardiaque.
• Ne jamais interrompre le traitement par soi-même, mais en signaler les effets indésirables, notamment toux, vertige, hypotension, fatigue, infections génitales ou signes d’acidocétose sous gliflozines.
• Gérer les effets indésirables. Respecter l’augmentation progressive des posologies en début de traitement. Prévenir les hypotensions orthostatiques par un lever en deux temps. Prendre les diurétiques le matin pour éviter les levers nocturnes.
Automédication
• Certains médicaments d’automédication peuvent interagir avec les traitements prescrits et aggraver la maladie. Les AINS (ibuprofène et autres) majorent le risque d’insuffisance rénale aiguë, les laxatifs stimulants favorisent une hypokaliémie, pouvant induire des troubles du rythme cardiaque, et les formes effervescentes, riches en sodium, sont à proscrire.
• Pas de millepertuis ou de pamplemousse sous ivabradine.
Vaccinations
Les infections respiratoires, en particulier grippe, pneumocoque, Covid-19, peuvent décompenser la maladie. Les vaccinations antigrippale, annuelle, antipneumococcique, tous les cinq ans, et, le cas échéant un rappel anti-Covid, sont recommandés.
Vie quotidienne
Conseils diététiques
Il est préconisé de ne pas dépasser 5 g de sel par jour selon l’Organisation mondiale de la santé et les dernières recommandations européennes, soit 2 g de sodium, en limitant certains aliments tels que charcuterie, fromages, pain, plats transformés en général, biscuits apéritif…, et en remplaçant le sel par des épices ou des herbes aromatiques.
Les conseils d’une diététicienne peuvent aider à mettre en place ces changements. Une restriction stricte n’est en général pas recommandée, en raison d’un risque d’hyponatrémie et de dénutrition, surtout chez les personnes âgées.
• Hors recommandation médicale particulière, boire régulièrement en fonction de sa soif, sans excès, « en moyenne 1,5 à 2 litres par jour, toutes boissons confondues : chaudes, froides, lait, potage… », note le Pr Galinier.
• En cas de risque de déshydratation, de fortes chaleurs, de vomissements…, « un avis médical est nécessaire pour évaluer la nécessité de modifier le traitement et, le cas échéant, adapter les apports hydriques », recommande le spécialiste.
• En cas de fortes chaleurs, rappeler les gestes de prévention. Rester à l’intérieur autant que possible, y compris dans des structures climatisées – bibliothèque, cinéma… –, et/ou recourir aux ventilateurs, sortir aux heures les moins chaudes et limiter les exercices physiques, avoir une bombe d’eau thermale sur soi, prendre des douches ou des bains frais, ne pas boire d’alcool car il déshydrate…
• Fatigue, nausées, vomissements, apparition d’œdèmes imposent un avis médical rapide.
Si une dénutrition risque d’aggraver l’insuffisance cardiaque, l’excès de poids est à corriger également car il limite les capacités physiques et aggrave les pathologies associées, comme le diabète.
• Une consommation excessive et chronique d’alcool est néfaste pour le cœur car elle favorise notamment des cardiomyopathies. Sa consommation doit être limitée ou stoppée si la cause de l’insuffisance cardiaque est liée à l’alcool.
• Le tabac augmente le risque cardio-vasculaire. Le sevrage tabagique doit être encouragé autant que possible.
Activité physique
• L’activité physique améliore la fonction cardio-vasculaire, la capacité à l’effort, diminue l’essoufflement et le risque d’aggravation de la maladie. Elle doit être adaptée à l’état du patient et à ses comorbidités, c’est-à-dire ne pas déclencher l’apparition d’essoufflement ou de malaise.
→ La prescription d’une activité physique adaptée permet de définir l’intensité et le type d’activité qui convient. Elle s’échelonne sur trois semaines, en ambulatoire ou en hospitalisation, à raison d’environ trois séances par semaine, associant exercices d’endurance et de renforcement musculaire
→ L’objectif est de poursuivre ensuite un exercice physique régulier en autonomie (marche, vélo…) ou en bougeant davantage : marche plutôt que voiture, tâches domestiques, jardinage…
• Les activités physiques intenses (musculation, plongée…) sont contre-indiquées. Les activités aquatiques sont possibles si la température de l’eau est supérieure à 25 °C, en raison d’un risque arythmogène d’une eau plus froide. En montagne, l’altitude, jusqu’à 2 500 mètres, ne pose pas de problème particulier.
Avec l’aimable collaboration et relecture du Pr Michel Galinier, chef du service de cardiologie du CHU de Toulouse (31).
(1) Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure, European Society of Cardiology, 2021.
(2) Jardiance, synthèse d’avis, Commission de la transparence, Haute Autorité de santé, 1er juin 2022.
(3) Angiœdème bradykinique : penser aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) mais aussi aux antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (sartans) et aux gliptines, communiqué de l’ANSM mis à jour le 30 décembre 2020.
(4) Insuffisance cardiaque chronique-Prescription d’activité physique, Haute Autorité de santé, juillet 2022.
Dico+
→ Dyspnée : difficulté de la respiration.
Info+
→ L’insuffisance cardiaque peut aussi être aiguë (ICA), avec une apparition brutale de symptômes, comme un œdème aigu pulmonaire. Elle est liée à un facteur déclenchant : infarctus du myocarde, pic d’hypertension artérielle, embolie pulmonaire ou décompensation d’une insuffisance cardiaque chronique. Sa prise en charge en urgence diffère de celle de l’insuffisance cardiaque chronique.
Info+
→ Les sels de régime riches en potassium peuvent majorer le risque d’hyperkaliémie. Leur utilisation nécessite systématiquement un avis médical.
→ Fréquence ou rythme cardiaque ?
Les deux évoquent la même notion mais la fréquence cardiaque est une notion quantitative, soit le nombre de battements ou de pulsations par unité de temps, alors que le rythme est une notion qualitative, qui caractérise la manière plus ou moins régulière dont s’enchaînent les battements cardiaques.
Dico+
→ Reflux hépato-jugulaire : hausse de pression du foie due à la turgescence de la veine jugulaire.
→ Amylose : maladie caractérisée par la production anormale de protéines agglomérées en fibrilles qui peuvent notamment s’accumuler dans le muscle cardiaque, provoquant son dysfonctionnement. Elle peut être héréditaire, liée à l’âge ou à un dysfonctionnement des globules blancs.
Point de vue “Les inhibiteurs du SGLT-2 sont devenus incontournables”
Pr Michel Galinier, chef du service de cardiologie du CHU de Toulouse (31).
Comment sont introduites les quatre classes thérapeutiques recommandées ?
Tout dépend du contexte. À l’hôpital, la mise en place se fait rapidement, en une semaine, à des doses modérées et progressivement augmentées. En ambulatoire, deux grandes situations se posent. Si le patient est décompensé, sans hospitalisation nécessaire, on commence par les médicaments à action diurétique : diurétique de l’anse, anti-aldostérone et inhibiteur du SGLT-2. Puis, quand les signes de congestion régressent, on ajoute l’IEC ou l’association valsartan-sacubitril et enfin le bêta-bloquant. Chez un patient nouvellement diagnostiqué pour insuffisance cardiaque, sans décompensation ni œdèmes, on débute par les médicaments les plus efficaces : IEC (ou valsartan-sacubitril) et bêta-bloquant, puis on ajoute l’inhibiteur de SGLT-2 et l’anti-aldostérone.
Les inhibiteurs du SGLT-2 sont incontournables ?
Oui. Ils sont devenus le traitement ubiquitaire de toutes les insuffisances cardiaques, quelle que soit la fraction d’éjection ventriculaire gauche. Et avec une seule prise par jour, l’observance et la tolérance sont bonnes. L’effet indésirable le plus fréquent est le risque d’infections génitales, mycoses le plus souvent, qui doit faire rappeler d’avoir une bonne hygiène corporelle, avec douche et changement de sous-vêtements quotidiens. Éventuellement, le prescripteur peut recommander d’augmenter légèrement l’hydratation les premiers jours du traitement. S’ajoute la nécessité d’ajuster les autres antidiabétiques chez les patients diabétiques.
Info+
→ Les préparations orales de fer ne sont pas recommandées dans la carence martiale associée à l’insuffisance cardiaque en l’absence d’études. La prise en charge se fait à l’hôpital via des injections intraveineuses de fer.
Dico+
→ Fibrillation atriale ou fibrillation auriculaire : trouble du rythme cardiaque le plus fréquemment lié à une accélération de la contraction des oreillettes.
Info+
Les diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide, altizide) exposent au même type d’effets indésirables que ceux de l’anse, hormis le risque d’ototoxicité.
Principales contre-indications
→ Anti-aldostérones : hyperkaliémie, insuffisance rénale sévère, allaitement.
→ Bêta-bloquants : insuffisance cardiaque non contrôlée, bradycardie ou hypotension symptomatique, asthme et BPCO sévères, troubles artériels périphériques et phénomène de Raynaud sévère.
→ Digoxine : tachycardie et fibrillation ventriculaires, hypokaliémie non corrigée.
→ Diurétiques de l’anse : déshydratation, hypokaliémie ou hyponatrémie sévère.
→ Gliflozine : insuffisance rénale sévère, grossesse, allaitement.
→ IEC et ARA II : deuxième et troisième trimestres de grossesse, antécédents d’angiœdème. Insuffisance hépatique sévère pour candésartan, losartan, valsartan.
→ Ivabradine : bradycardie, hypotension sévère, angor instable, insuffisance hépatique sévère, grossesse, allaitement.
→ Sacubitril + valsartan : antécédent d’angiœdème sous IEC ou ARA II, angiœdème héréditaire, insuffisance hépatique sévère, cirrhose biliaire, deuxième et troisième trimestres de grossesse.
Info+
→ La plupart de la population consomme deux fois plus de sel que ce qui est recommandé.
Source : Organisation mondiale de la santé sur who.int/fr/news/item/05-05-2021-new-who-benchmarks-help-countries-reduce-salt-intake-and-save-lives
Dico+
→ Gangrène de Fournier : infection polybactérienne nécrosante des régions périnéales, à suspecter devant douleur intense, sensibilité, érythème, gonflement de la région génitale ou périnéale, et fièvre ou malaise.
En savoir +
→ Site de l’Ordre national des pharmaciens
→ Y sont disponibles des affiches pour sensibiliser les patients ainsi qu’une brochure d’information. cespharm.fr
→ Société française de cardiologie (SFC)
Groupe insuffisance cardiaque & cardiomyopathies. De nombreuses infos et vidéos sont à disposition des patients. giccardio.fr
Les officinaux ont un rôle à jouer
→ Le rôle des préparateurs et des pharmaciens dans l’insuffisance cardiaque se situe à deux niveaux, explique le professeur Galinier : « D’abord, dépister l’insuffisance cardiaque chez les malades, mais aussi ceux à risque d’insuffisance cardiaque, en particulier les coronariens et les hypertendus, en interrogeant sur les symptômes EPOF : Essoufflement, Prise de poids, œdème, Fatigue. Ensuite, apprécier chez un patient insuffisant cardiaque la bonne prise en charge de la maladie et l’encourager en s’appuyant sur l’acronyme EPON : Exercice physique, surveillance de son Poids, Observance des traitements, Nutrition (contrôle du sel) ».
→ Ces symptômes évocateurs de la maladie, essentiels au diagnostic et au suivi, et ces quatre piliers d’hygiène de vie de l’insuffisant cardiaque sont repris dans la brochure de l’Assurance maladie destinée aux officinaux (voir En savoir plus p. 41).
En savoir +
→ Assurance maladie
Pour les patients, le dossier « Insuffisance cardiaque », complet, explique de façon simple la pathologie et permet de comprendre l’importance des traitements, du suivi et de l’hygiène de vie. ameli.fr/assure/sante/themes/insuffisance-cardiaque
Un support d’information pour l’équipe officinale est également disponible afin de comprendre la maladie et de guider le dialogue avec les patients. ameli.fr/sites/default/files/Documents/insuffisance-cardiaque-support-information-pharmacien_assurance-maladie.pdf
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