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L’incontinence urinaire féminine
Très fréquente mais taboue, l’incontinence urinaire féminine est prise en charge, selon les cas, par la rééducation, la chirurgie et éventuellement par des médicaments.
Définition
L’incontinence urinaire n’est pas une pathologie mais un symptôme. Elle est définie par toute perte involontaire d’urine. Ce n’est ni une maladie, ni une fatalité liée à l’âge, même si les changements dus au vieillissement peuvent contribuer au développement de troubles mictionnels. On différencie l’incontinence organique, dont les causes sont liées aux atteintes du système vésicosphinctérien, de l’incontinence fonctionnelle liée aux difficultés de la personne (âgée, handicapée) dans son environnement et dont la prise en charge sera totalement différente. Dans cet article, seront considérées uniquement les incontinence organiques.
Les incontinences organiques
L’incontinence survient quand les forces d’expulsion (pression dans la vessie) dépassent les forces de retenue (pression dans l’urètre). Selon l’origine du trouble, on distingue essentiellement trois types d’incontinence urinaire.
• L’incontinence urinaire d’effort, d’origine urétrale, peut être due à une défaillance du support vésico-urétral, du sphincter ou des deux. La fuite survient à l’occasion d’un effort sans avoir eu envie d’uriner.
•L’incontinence urinaire par hyperactivité vésicale est due soit à une modification des propriétés de la paroi de la vessie, soit à une perturbation de son contrôle neurologique, entraînant des contractions involontaires du détrusor (muscle de la vessie). Elle se traduit par une perte d’urine précédée d’un besoin urgent sans pouvoir différer la miction.
•L’incontinence urinaire mixte combine les deux types de symptômes.
Les stratégies thérapeutiques
Le choix thérapeutique est conditionné par l’étiologie, le retentissement fonctionnel et la gêne de l’incontinence. Il faut éviter de passer à côté d’une infection urinaire, de troubles neurologiques, d’une constipation chronique, d’erreurs hygiénodiététiques (surconsommation de caféine…) ou de médicaments favorisants.
Incontinence d’effort
On préconise la rééducation périnéosphinctérienne. En cas d’échec ou d’incontinence très invalidante, la chirurgie est proposée, à type de soutènement sous-urétral. Aucun médicament n’est recommandé.
Incontinence par hyperactivité vésicale
Chez les patientes motivées, valides et sans troubles cognitifs, on associe plusieurs techniques visant à inhiber les contractions vésicales : les traitements comportementaux, la rééducation périnéosphinctérienne et l’électrostimulation fonctionnelle. On peut également proposer un médicament anticholinergique en première intention ou en cas d’échec de ces techniques, en l’absence de contre-indications. Ce médicament peut être associé à la tenue d’un calendrier mictionnel et à des mesures éducatives. En l’absence d’efficacité du médicament au bout de un à deux mois, soit on change de molécule, soit on réalise un bilan plus complet, aboutissant parfois à la chirurgie.
Incontinence mixte
En première intention, on recommande la rééducation isolée ou associée à une électrostimulation fonctionnelle, à un biofeedback ou à des traitements comportementaux, avec ou sans médicament. En cas d’échec, un bilan plus approfondi sera réalisé.
Les traitements
La rééducation périnéosphinctérienne
La rééducation vise à renforcer le tonus des muscles du périnée pour une meilleure qualité du contrôle de la vessie et du sphincter urinaire. Elle permet de prendre conscience de sa musculature périnéale puis elle aide à la fortifier et à la contracter volontairement. La rééducation s’effectue en dix à vingt séances par des masseurs-kinésithérapeutes ou des sages-femmes en post-partum. Les techniques sont manuelles ou non.
• La rééducation manuelle périnéale classique manuelle consiste à suivre un programme d’exercice des muscles pelviens. La patiente apprend différentes contractions musculaires qu’elle réalisera avant un effort pour éviter les fuites. Ce programme peut être réalisé avec l’aide du thérapeute qui exerce une pression manuelle à l’intérieur du vagin ou parfois avec des cônes vaginaux. L’insertion de cônes dans le vagin induit des contractions réflexes des muscles pelviens pour éviter leur chute. Progressivement, on utilise des cônes de plus en plus lourds portés généralement un quart d’heure deux fois par jour durant un mois.
• Le biofeedback permet à la patiente de visualiser l’effet de ses contractions sur un écran. Grâce à une sonde introduite dans le vagin, cette technique permet d’objectiver la contraction des muscles du plancher pelvien et d’aider la patiente à améliorer le recrutement musculaire. Le biofeedback améliore le contrôle de la miction dans les incontinences d’effort et mixtes.
• L’électrostimulation utilise des courants électriques appliqués dans le vagin avec une sonde munie d’électrodes pour provoquer soit une contraction musculaire (fréquence 50 Hz), soit une inhibition vésicale (fréquence 5 à 25 Hz) dans l’incontinence par impériosité. Cette technique, qui sollicite les muscles et les nerfs du périnée, améliore les incontinences d’effort et d’impériosité.
Les médicaments
• Les anticholinergiques antispasmodiques. Mécanisme d’action : la stimulation des récepteurs cholinergiques parasympathiques du détrusor permet la contraction vésicale, d’où l’intérêt d’utiliser des médicaments anticholinergiques antispasmodiques pour supprimer les contractions vésicales quelle que soit l’étiologie. Ces médicaments diminuent l’amplitude de la contraction vésicale involontaire. Ils sont indiqués dans le traitement des incontinences par hyperactivité vésicale et mixtes. Ils n’ont aucune indication dans l’incontinence d’effort. Le traitement est toujours évalué au bout de quatre à six semaines. Effets secondaires : ils entraînent tous, plus ou moins, des effets indésirables de type atropinique : sécheresse buccale, constipation, vision floue, mydriase, tachycardie, nausée, érythrose faciale, agitation et troubles de la miction. Une diminution de la posologie diminue cette incidence. De plus, la plupart peuvent provoquer une somnolence, ce qui peut être dangereux chez les plus âgées. Associations à prendre en compte : addition des effets indésirables avec d’autres substances atropiniques associées (antidépresseurs imipraminiques, anti-H1, antiparkinsoniens…). Ces médicaments sont déconseillés durant la grossesse et l’allaitement.
• Flavoxate (Urispas). Effets secondaires : constipation, sécheresse buccale, céphalées, nausées. Contre-indications : obstructions pyloriques et duodénales, lésions obstructives intestinales, hémorragies gastro-intestinales, glaucome par fermeture de l’angle.
• L’oxybutynine (Ditropan, Driptane, Zatur). Effets secondaires : somnolence, troubles visuels, nausées, constipation, sécheresse buccale, gêne abdominale, troubles de la miction, tachycardie, rougeurs de la face, agitation, vision floue. Contre-indications : risque de rétention urinaire, occlusion intestinale, mégacôlon toxique, atonie intestinale, colite ulcéreuse sévère, myasthénie, glaucome par fermeture de l’angle ou chambre antérieure peu profonde. Précaution d’emploi : la diminution du débit salivaire peut favoriser les caries dentaires et les candidoses buccales, la diminution de la sédation peut perturber la thermorégulation et entraîner un coup de chaleur chez les patientes âgées et souffrant de pathologies chroniques.
• Solifénacine (Vesicare). Effets secondaires principaux : sécheresse buccale, constipation, nausées, dyspepsie, douleurs abdominales, troubles de l’accommodation. Contre-indications : rétention urinaire, affection gastro-intestinale sévère, myasthénie, glaucome par fermeture de l’angle, hémodialysés, insuffisance hépatique sévère, patients insuffisants rénaux sévères ou hépatiques modérés et traités par inhibiteur du CYP3A4 (kétoconazole).
• Toltérodine (Détrusitol). Effets secondaires principaux : sécheresse de la bouche, dyspepsie, diminution de la sécrétion lacrymale ; trouble de la vision ; nervosité ; étourdissements, paresthésies, fatigue, céphalées, sécheresse de la peau. Contre-indications : rétention urinaire, glaucome à non contrôlé, myasthénie, rectocolite hémorragique sévère, mégacôlon toxique.
• Chlorure de Trospium (Céris)
Effets secondaires principaux : sécheresse de la bouche, dyspepsie, constipation, douleurs abdominales, nausées. Contre-indications : rétention urinaire, glaucome par fermeture de l’angle, tachyarythmie, myasthénie grave, rectocolite hémorragique sévère, mégacôlon toxique, insuffisance rénale dialysée, moins de 12 ans.
Autres
D’autres médicaments sont utilisés hors AMM tels les anticalciques qui agissent sur l’hyperactivité du détrusor. Dans l’incontinence d’effort, l’utilisation hors AMM de médicaments adrénergiques (phénylpropanolamine, midodrine), augmentant le tonus urétral, présente un intérêt très limité en raison de leurs effets indésirables (arythmie cardiaque, hypertension).
La chirurgie
La chirurgie est un recours en cas d’incontinence invalidante et lors d’échecs des autres thérapeutiques.
• Soutenir le périnée. Les techniques de soutènement sous-urétral consistent à mettre en place une bandelette sous l’urètre. La bandelette bloque l’hypermobilité du col vésical et donne un appui au sphincter strié, rendant sa contraction plus efficace. Ce renforcement du plancher du bas-ventre se fait sans ouverture du ventre, selon deux voies d’accès : soit par voie vaginale (« tension-free vaginal tape » ou TVT), soit par voie transobturatrice ou TOT (voir schéma).
• Si le sphincter est abîmé. Le sphincter est un muscle qui ne se répare pas, mais on peut implanter sous la peau un sphincter artificiel. C’est une manchette qui entoure l’urètre et qui est dégonflée manuellement pour uriner. La manchette se referme automatiquement en une ou deux minutes.
• Si la vessie est abîmée. Si, malgré la rééducation et les médicaments, la vessie continue de se contracter, on peut envisager un système de stimulation électrique du nerf sacré implanté chirurgicalement dans l’abdomen, une sorte de « pacemaker » de la vessie.
Autres
• Le pessaire Dumontpallier est un dispositif vaginal utilisé dans les problèmes de prolapsus. C’est un anneau de latex souple posé essentiellement chez les femmes ménopausées dont l’atrophie musculaire et le vieillissement tissulaire ont entraîné une déficience des systèmes de soutien physiologique. Posé pour une durée de trois à douze mois, il contre-indique les rapports sexuels. Il existe en plusieurs diamètres et s’accompagne d’un traitement local d’estrogènes.
• Les injections de produits (Téflon, silicone…) dans la région du sphincter peuvent renforcer son tonus.
• Les protections absorbantes constituent bien sûr un traitement palliatif, mais elles restent la solution la plus appropriée en cas d’incontinence non traitée ou en attente de traitement. On doit s’enquérir du volume estimé des fuites, de la taille de la patiente et de son mode de vie (comprendre ses attentes en termes de protection, de confort, de coût…). Si possible, on donne toujours des échantillons.
Vie quotidienne
L’incontinence urinaire altère de nombreux aspects de la vie d’une femme (autonomie, dignité, coût) et peut restreindre du jour au lendemain ses activités parce qu’elle redoute des fuites. Il faut en parler et ne pas considérer que c’est normal d’avoir des fuites et qu’on ne peut rien y faire. Ce n’est ni une fatalité, ni une honte. On peut agir, il existe des solutions et l’officine est un lieu privilégié pour aborder la question.
Gérer les boissons
– Boire à intervalles réguliers et pas trop : 1,5 à 2 litres par jour (30 ml/kg), sauf en cas de fortes chaleurs.
– Boire beaucoup, d’un seul coup, peut surcharger la vessie et rendre le contrôle vésical plus difficile.
– Limiter la caféine à moins de 400 mg/j, pour éviter l’instabilité du détrusor, et l’alcool.
Respecter sa vessie
– On doit uriner régulièrement•: 6 à 7 mictions par 24 heures.
– Il ne faut pas se retenir et proscrire tout exercice de « pipi-stop » pour éviter d’altérer le bon fonctionnement vésical et rendre les contractions vésicales anarchiques. De la même façon, on évite d’uriner par précaution avant de sortir mais on va aux toilettes quand le besoin s’en fait sentir.
Soigner son hygiène
• Toilette intime : laver les muqueuses avec un savon doux. Sécher sans frotter. Utiliser des lingettes sans rinçage (Tinset) ou des laits pour bébés en déplacement.
• Bien utiliser les protections : les changer régulièrement pour éviter toute macération. Ne pas faire de « rafistolages » maison du style mouchoirs en papier ou papier essuie-tout, source d’irritation et inefficaces.
• Les astuces : en cas de toilettes sales, acheter des calices hygiéniques permettant d’uriner debout (Urinelle). En cas d’urgence, pour arrêter une forte envie d’uriner, se pencher en avant en faisant mine de se lasser les chaussures. Cela permet d’inverser la direction de la pression dans le bassin.
À proscrire
• Certains sports sont à risque pour le périnée : gymnastique (sol, barres symétriques, trampoline), athlétisme (saut), équitation, volley, basket, hand-Ball, body-building, fitness. En parler au médecin, notamment si on fait de la compétition.
• Diminuer ou arrêter le tabac qui est irritant pour la vessie.
Oser en parler
• Inciter à consulter. Dans la vie d’une femme, la grossesse, la ménopause et la vieillesse sont les périodes à risque d’incontinence. Toujours évoquer la question au détours d’une ordonnance ou d’une conversation « féminine », avec la question : « Avez-vous déjà eu des fuites urinaires ? » Si la réponse est : « Oui », orientez vers le médecin. Sinon, donnez les conseils de base pour protéger sa vessie et son périnée.
• Orienter vers les associations d’aide. Vous pouvez donner l’adresse d’une association très impliquée depuis des années dans les problèmes d’incontinence telle l’AAPI (Association d’aide aux personnes incontinentes) : 5, avenue du Maréchal-Juin, 92100 Boulogne (sites internet : et aapi@9online.fr ; téléphone : 01 46 99 18 99, numéro de fax : 01 46 99 18 85). Le site est très bien fait, concis et simple, avec de nombreuses informations disponibles sur les techniques, les remboursements… •
L’incontinence qui n’en est pas une
Certains facteurs peuvent entraîner une incontinence « par défaut » (ou incontinence fonctionnelle) en nuisant aux conditions de la miction. Le handicap physique avec des difficultés pour se mouvoir, une mauvaise vision, des douleurs articulaires, peut entraver les mouvements pour se mouvoir, se déculotter, s’asseoir et se relever sur une cuvette. Ce handicap peut décourager une personne âgée ou déficiente (post-AVC, Parkinson, sclérose en plaques…) et générer une incontinence. De même, des vêtements trop serrés, juxtaposés, longs à ôter sont une gêne en cas de mictions impérieuses. Il faut être vigilant et poser les bonnes questions sur l’environnement lorsqu’on a des doutes sur le type d’incontinence.
Les solutions sont au cas par cas : un bassin, une chaise garde-robe ou un rehausse-WC si les toilettes sont trop éloignées ou inadaptées, une orientation vers le médecin pour vérifier la vision et les articulations. Il faudra toujours éviter les protections absorbantes qui sont vécues comme un facteur de déchéance pour les patients.
Le calendrier mictionnel
Rempli par le patient (ou son entourage), le calendrier mictionnel précise l’espacement des mictions, l’horaire des fuites urinaires, le volume estimé. Il est une aide précieuse lors de la consultation médicale et lors de l’autorééducation en cas de mauvaises manies mictionnelles.
Les femmes doivent muscler leur périnée
• On doit éduquer les petites filles dès leur plus jeune âge à ne pas se retenir : si nécessaire, parler du manque d’hygiène dans les toilettes des écoles ou de l’absence de papier avec les maîtresses ou les associations de parents d’élèves.
• La prévalence de l’incontinence chez les femmes est importante en raison d’un système plus fragile (urètre court, périnée sollicité par les grossesses, sport de compétition…).
• Lutter contre la constipation chronique qui fait « pousser » fort et peut abîmer le périnée.
• Perdre du poids : la surcharge pondérale est plus fréquente chez les femmes incontinentes.
• Conseiller à toutes les femmes, et plus particulièrement aux ménopausées, aux sportives, aux constipées chroniques et aux femmes enceintes, de consulter un gynécologue pour apprendre à « prendre conscience » de leur périnée et à le faire « travailler » régulièrement pour assurer un bon soutien.
• Encourager les parturientes à réaliser toutes les séances de rééducation post-partum.
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