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L’hypertension artérielle

Publié le 30 mars 2013
Par Maïtena Teknetzian
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L’hypertension artérielle (HTA) est une élévation permanente de la pression du sang dans les artères, par rapport à une valeur dite « normale », fixée par des normes internationales. Elle est définie lorsque la pression artérielle systolique est supérieure ou égale à 140 mm Hg et/ou lorsque la pression artérielle diastolique est supérieure à 90 mm Hg lors de trois consultations médicales successives à quelques semaines d’intervalle. L’HTA n’est pas une maladie*, mais un des principaux facteurs de risque cardiovasculaire. Il existe une relation linéaire entre la pression artérielle et la morbi-mortalité cardiovasculaire.

La maladie

PHYSIOPATHOLOGIE

La pression artériellei

Définition

La pression artérielle (PA) est la pression qui s’exerce sur les parois des vaisseaux pendant la circulation sanguine.

Pression artérielle (PA) = débit cardiaque (DC) × résistances périphériques (RP)

DC = fréquence cardiaque × volume d’éjection systolique.

La PA est une variation entre deux extrêmes représentés par deux chiffres :

→ la pression artérielle systolique ou PAS (maxima) : pression mesurée lors de la contraction du cœur (systole) et l’éjection du sang dans l’aorte ;

→ la pression artérielle diastolique ou PAD (minima) : pression mesurée lors du remplissage (diastole) des cavités cardiaques, dépendant essentiellement des résistances périphériques et de la volémie.

L’unité de mesure est le millimètre de mercure (mm Hg). Une pression de 13/7, en langage courant, signifie une pression systolique de 130 mm Hg et une pression diastolique de 70 mm Hg.

La régulation

La pression artérielle est régulée par le système nerveux autonome via le centre de contrôle cardiovasculaire du bulbe, et le système rénine-angiotensine-aldostérone.

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Lors d’une baisse de la PA, des cellules rénales sécrètent la rénine, enzyme qui transforme l’angiotensinogène produite par le foie en angiotensine I. Cette dernière est transformée en angiotensine II grâce à l’enzyme de conversion produite par l’endothélium vasculaire. L’angiotensine II se lie aux récepteurs vasculaires et entraîne une vasoconstriction ; elle accroît aussi la synthèse et la libération d’aldostérone par la corticosurrénale. L’enzyme de conversion inhibe aussi la bradykinine, vasodilatatrice.

Les variations

La PA augmente lors de circonstances émotionnelles : la colère, un accident, pendant l’effort, après la prise de café ou de tabac, la douleur, lorsque la vessie est pleine, à la vue « d’une blouse blanche »… Elle est plus haute le jour que la nuit, avec un pic en fin de matinée. Elle est plus élevée en hiver avec le froid, qu’en été, par temps chaud. Avec l’âge, la PAS augmente progressivement (la PAD est stable ou diminue) à cause du durcissement des artères. La PA varie d’une consultation médicale à l’autre.

L’hypertension artérielle

Les causes

La physiopathologie de l’HTA n’est pas exactement connue. Elle pourrait vraisemblablement résulter d’anomalies neuro-endocriniennes de la régulation de la pression artérielle, de facteurs génétiques et diététiques.

L’HTA essentielle

Dans 95 % des cas, l’hypertension est dite essentielle, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de cause identifiée, mais certains facteurs sont favorisants : antécédents familiaux, excès de poids, sédentarité, alimentation trop riche en sel et/ou en graisses, consommation excessive d’alcool (quatre verres par jour augmenteraient la PA de 10 mm Hg), tabac, apnée du sommeil.

Secondaire à une pathologie

Dans 5 % des cas, l’HTA est secondaire à une autre maladie, liée à la prise de médicaments (AINS, corticoïdes, vasoconstricteurs, œstroprogestatifs, triptans, dérivés ergotés, érythropoïétines, ciclosporine…), à la consommation excessive de réglisse (action aldostérone-like de la glycyrrhizine) ou de cocaïne.

Les maladies responsables d’une HTA sont représentées par des sécrétions excessives d’hormones : hyperaldostéronisme (sécrétion d’aldostérone élevée due à une hypertrophie ou à une tumeur des surrénales), phéochromocytome (sécrétion importante d’adrénaline et de noradrénaline par la médullosurrénale). Des maladies rénales, insuffisance rénale, polykystose, sténose des artères rénales peuvent provoquer une HTA, ainsi que la présence d’un obstacle dans l’aorte. Les femmes normo-tendues peuvent développer une HTA au cours de la grossesse, appelée HTA gravidique. Cette HTA, due à une maladie du placenta, est la première cause de mortalité et morbidité périnatales.

Les conséquences

L’hypertension artérielle exerce ses effets délétères sur le cerveau, le cœur, le rein et la rétine. Une PA trop importante entraîne une rigidité et une altération des artères qui irriguent ces organes. En contribuant à l’athérosclérose, l’HTA favorise la survenue d’accidents vasculaires cardiaques et cérébraux (voir Évolution p. 28).

SIGNES CLINIQUES

Le plus souvent, l’HTA est silencieuse. Parfois, les patients se plaignent d’épistaxis, d’acouphènes (bourdonnements d’oreilles) ou de phosphènes (taches lumineuses dans le champ visuel), de vertiges ou de céphalées.

DIAGNOSTIC

Les mesures de la PA

Le diagnostic repose sur des mesures multiples, dans des conditions correctes, de la pression artérielle. Cela nécessite au moins trois consultations sur trois à six mois, avec au moins deux mesures auscultatoires à chaque fois.

Cependant, si la PAS est supérieure ou égale à 160 mm Hg et que la PAD est supérieure ou égale à 100, la confirmation se fait plus vite en raison d’un risque cardiovasculaire plus important à court terme.

Les examens à pratiquer

Lors de la découverte d’une hypertension, le médecin procède à un interrogatoire et à un bilan initial, avant la mise en route d’un traitement adéquat. Il recherche les facteurs de risque associés (âge, tabac, diabète, dyslipidémie…),, une maladie cardiovasculaire associée ou une atteinte des organes cibles (cardiopathie, antécédent d’AVC, artériopathie, insuffisance rénale).

ÉVOLUTION

L’HTA est un facteur de risque cardiovasculaire : AVC ischémique, maladie coronarienne, artériopathie des membres inférieurs… Chaque année, elle favorise 120 000 infarctus du myocarde et 130 000 AVC. Chaque augmentation de 5 mm Hg PAD ou de 10 mm Hg de la PAS accroît respectivement de 34 % et de 28 % le risque d’AVC.

L’HTA peut se compliquer d’hypertrophie ventriculaire gauche et d’insuffisance cardiaque (elle augmente le travail du cœur, qui s’épuise à expulser le sang dans des artères devenues rigides), d’insuffisance rénale et de rétinopathie. Un hypertendu a deux à dix fois plus de risques de développer une insuffisance rénale. Non traitée, l’HTA conduit à une réduction de l’espérance de vie de dix à vingt ans.

Son traitement

OBJECTIF

Le but est de réduire le risque cardiovasculaire global en diminuant et normalisant les chiffres tensionnels et les facteurs de risque réversibles : surpoids, tabac, sédentarité, mauvaise alimentation, consommation excessive d’alcool et de sel. Il s’agit de maintenir la pression artérielle strictement en dessous de 140/90 mm Hg.

Chez le diabétique et l’insuffisant rénal, l’objectif est une PA inférieure à 130/80 mm Hg et chez les plus de 80 ans, une PA systolique inférieure à 150 mm Hg, afin d’éviter une hypotension, en particulier orthostatique, à risque de chute.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Elle comprend des mesures hygiéno-diététiques pour tous les hypertendus, et un traitement médicamenteux pour certains patients qui, pour diminuer la pression artérielle, va consister à abaisser la fréquence cardiaque et/ou la volémie et/ou la résistance artérielle par vasodilatation.

Les règles générales

→ En première intention, des mesures hygiéno-diététiques pour tous (voir plus bas).

À savoir : en cas de risque accru (PA élevé, diabète associé, etc.), un traitement médicamenteux se justifie d’emblée en plus de ces mesures.

→ Si elles ne suffisent pas, ajout d’un médicament appartenant à l’une des cinq classes d’anti-hypertenseurs recommandés par la Haute autorité de santé (HAS). Ces cinq classes sont regroupées en deux « paniers thérapeutiques ».

– Panier 1 : les bêta-bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II)

– Panier 2 : les diurétiques thiazidiques et les inhibiteurs calciques.

→ Après quatre semaines, en cas de mauvaise tolérance ou d’absence de réponse (baisse de PA < 10 %) : changer de classe.

→ Après quatre semaines, en cas de réponse insuffisante (baisse de la PAS > 10 % mais objectifs tensionnels non atteints) : passer à une bithérapie. Celle-ci sera envisagée dans un délai plus court en cas d’HTA sévère ou de risque cardiovasculaire élevé.

→ En cas de nécessité d’une bithérapie : un anti-HTA du panier 1 + un anti-HTA du panier 2. Chez la personne âgée, les molécules de panier 2 sont plus efficaces et peuvent être associées.

→ En cas de trithérapie, l’association comporte nécessairement un diurétique thiazidique.

À noter : d’autres classes d’antihypertenseurs n’ont pas fait preuve de la même efficacité sur la morbidité et mortalité cardiovasculaire, mais sont utilisées dans certains cas : les centraux, les alpha-1 bloquants et les inhibiteurs de la rénine.

Les critères de choix

Le choix de la classe thérapeutique est fonction de l’âge, des chiffres tensionnels, des antécédents cardiovasculaires, des pathologies et traitements associés, des contre-indications et de la tolérance. La HAS recommande de préférer un IEC en première intention par rapport à un ARA II dans l’HTA essentielle et de réserver les ARA II aux patients ayant une toux sous IEC.

Il existe des indications préférentielles selon les situations cliniques.

→ Sujet âgé : médicaments du panier 2 car plus efficaces.

→ Diabète : IEC ou ARA II si toux sous IEC : grâce à leur action vasodilatatrice, ils améliorent la perfusion rénale en particulier, ce qui protège la fonction rénale.

→ Insuffisance rénale : IEC ou ARA II,diurétiques.

→ Post-infarctus : bêta-bloquants, IEC.

→ Maladie coronarienne : bêta-bloquants, inhibiteurs calciques.

→ Insuffisance cardiaque : IEC, diurétiques.

LES MESURES HYGIÉNO-DIÉTÉTIQUES

Adapter son alimentation

→ Limiter la consommation de sel (NaCl) à moins de 6 g.

→ Limiter la consommation d’alcool à moins de trois verres de vin ou équivalent par jour chez l’homme et deux chez la femme.

→ Adopter un régime alimentaire riche en légumes, en fruits, en poisson et pauvre en graisses saturées (graisses d’origine animale).

Arrêter le tabac

C’est la mesure la plus efficace pour prévenir les pathologies cardiovasculaires.

Contrôler les facteurs de risque

→ Réduction du poids en cas de surcharge pondérale, afin de maintenir l’IMC – indice de masse corporelle = poids en kg /(Taille en cm)2 – en dessous de 25 ou, à défaut, de baisser de 10 % le poids initial.

→ Pratiquer une activité physique régulière, adaptée à l’état clinique, d’au moins 30 minutes environ, trois fois par semaine.

LES MÉDICAMENTS

Les béta-bloquants

Ils sont identifiés par leur DCI se terminant par le suffixe « lol ». Les critères de choix dépendent de leurs propriétés pharmacologiques spécifiques.

→ Mécanisme d’action : ce sont des antagonistes des récepteurs bêta-adrénergiques, exerçant sur le cœur un effet bradycardisant, c’est-à-dire qu’ils abaissent la fréquence cardiaque.

→ Les propriétés des bêta-bloquants (voir tableau). Certains sont sélectifs des récepteurs bêta-1 cardiaques et sont utilisés en cas de pathologies bronchopulmonaires ou d’artériopathie ; d’autres agissent aussi sur les récepteurs bêta 2 situés au niveau des bronches et des vaisseaux, exerçant alors une bronchoconstriction et une vasoconstriction. Le céliprolol possède des propriétés bêta-2 stimulantes, donc bronchodilatatrices, et peut être employé en cas d’asthme (avec prudence, et en dehors des poussées) ou de BPCO équilibrée. Certains comme le nébivololol augmentent la synthèse de monoxyde d’azote et sont vasodilatateurs, ils ne provoquent donc pas d’impuissance. Ceux ayant une activité sympathomimétique intrinsèque (ASI) (voir dico+ p. 30) sont moins bradycardisants. Les liposolubles passent la barrière hémato-encéphalique et peuvent provoquer des cauchemars.

→ Effets indésirables : hypotension artérielle ; bradycardie et fatigue ; bronchoconstriction et vasoconstriction (cardio-sélectifs surtout) responsables respectivement d’essoufflements et d’un refroidissement des extrémités ou d’une impuissance ; cauchemars (liposolubles) ; masquage des signes annonciateurs d’hypoglycémie (tachycardie et tremblements).

→ Interactions : contre-indiqués avec la floctafénine (réduction des réactions de compensation à l’hypotension) ; déconseillés avec le vérapamil et le diltazem (risque majoré de bradycardie).

Les diurétiques thiazidiques et apparentés

Bendrofluméthiazide (+ réserpine, anti-HTA central dans Tensionorme), chlortalidone (associé dans Logroton, Tenoretic), hydrochlorothiazide (Esidrex), indapamide (Fludex), ciclétanine (Tenstaten).

→ Mécanisme d’action : ils favorisent l’élimination urinaire de l’eau, du sodium et du potassium, ce qui diminue la volémie, et ils abaissent les résistances vasculaires périphériques.

→ Effets indésirables : hyponatrémie et hypovolémie à risque d’hypotension orthostatique, de déshydratation, voire syndrome confusionnel, en particulier chez le patient âgé ; hypokaliémie, facteur de troubles du rythme cardiaque graves de type torsades de pointe.

→ Interactions : déconseillés avec le lithium (risque d’acrroître la lithiémie) ; à prendre en compte avec les médicaments hypokaliémiants et torsadogènes (surveillance renforcée).

→ Surveillance : contrôle régulier du ionogramme sanguin et de la fonction rénale.

Les autres diurétiques

Les diurétiques de l’anse

Bumétanide (Burinex), Furosémide (Lasilix) et pirétanide (Eurelix). Ils sont intéressants chez les insuffisants rénaux en cas de contre-indications aux thiazidiques.

→ Mécanisme d’action : ils provoquent une diurèse intense et brève et augmentent l’élimination du calcium, magnésium, sodium et potassium.

→ Effets indésirables : hypokaliémie, déshydratation avec hypotension, hyperuricémie, hyperglycémie, accidents allergiques (rash cutané).

→ Interactions : Eurelix contre-indiqué avec la céfaloridine (néphrotoxicité accrue) ; déconseillés avec lithium, sultopride (pour Eurelix).

Les diurétiques épargneurs de potassium

Amiloride (Modamide ; associé dans Moducren, Moduretic et Logirène), éplérénone (associé dans Inspra), triamtérène (associé dans Isobar, Prestole).

Ils ont une action natriurétique plus faible, mais présentent un avantage chez les patients sensibles à toute perte potassique (ceux sous digitaliques). L’amiloride est associé aux autres diurétiques pour prévenir la déplétion potassique.

→ Mécanisme d’action : par inhibition compétitive de l’aldostérone (spironolactone…) ou par blocage du canal sodium Na+ (amiloride…).

→ Effets indésirables : hyperkaliémie, gynécomastie, impuissance chez les hommes, hirsutisme et dysménorrhée chez la femme (spironolactone, éplérénone…), hyperuricémie (triamtérène).

→ Interactions : contre-indiqués avec les autres diurétiques épargneurs de potassium, le potassium ; déconseillés avec lithium, ciclosporine, tacrolimus, IEC et ARA II.

Les inhibiteurs calciques

→ Mécanisme d’action : ils agissent sur les canaux calciques situés à la surface des cellules des fibres musculaires lisses et empêchent l’entrée de calcium dans ces cellules.

En fonction de leur site d’action, on distingue deux types d’inhibiteurs calciques :

→ les dihydropyridines : identifiées par leur DCI se terminant par le suffixe « dipine », elles agissent surtout sur les canaux calciques des parois vasculaires et sont de puissants vasodilatateurs, qui abaissent les résistances artérielles.

→ les inhibiteurs calciques bradycardisants : vérapamil (Isoptine, Isoptine LP) et diltiazem (Diacor, Dilrène, Mono Tildiem, Tildiem) agissent surtout au niveau cardiaque et diminuent la fréquence cardiaque.

→ Effets indésirables : du fait de leur effet vasodilatateur, les dihydropyridines peuvent induire des céphalées, une rougeur de la face, des œdèmes des membres inférieurs ou une hypotension, notamment en début de traitement ; hypertrophie gingivale ou gingivites (nifédipine) ; les bradycardisants : bradycardie et troubles du rythme cardiaque et constipation (vérapamil).

→ Interactions. Contre-indiqués : diltiazem + nifédipine (risque majoré d’hypotension), diltiazem + dérivés ergotés (risque d’ergotisme), dantrolène + inhibiteurs calciques bradycardisants (risque de fibrillation ventriculaire mortelle).

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont identifiés par leur DCI terminant par « pril ».

→ Utilisation : particulièrement indiqués en cas d’insuffisance cardiaque, de diabète ou d’insuffisance rénale.

→ Mécanisme d’action : ils agissent sur le système rénine-angiotensine, l’un des principaux systèmes de régulation de la pression artérielle, en inhibant l’enzyme de conversion. Ceci a pour effet de diminuer la synthèse d’angiotensine II,vasoconstrictrice et stimulant la synthèse d’aldostérone par les surrénales, et d’empêcher la dégradation de bradykinine, vasodilatatrice. Cet effet vasodilatateur permet d’abaisser les résistances artérielles et de diminuer la sécrétion d’aldostérone, d’où un effet natriurétique.

→ Principaux effets indésirables : hypotension artérielle ; céphalées du fait du mode d’action vasodilatateur des IEC ; troubles hydro-électrolytiques à type d’hyperkaliémie et/ou d’hyponatrémie du fait de la diminution des taux sériques d’aldostérone ; toux sèche persistante due à l’accumulation de bradykinine au niveau des voies respiratoires ; possibles altérations du goût, en particulier sous captopril.

→ Posologie : afin d’éviter une hypotension brutale chez le patient âgé, ou en cas de traitement diurétique associé, les posologies initiales d’IEC sont réduites et le traitement est mis en place progressivement. Trois jours avant l’instauration de l’IEC, un arrêt du diurétique peut même être envisagé, avant sa réintroduction ultérieure.

→ Interactions : contre-indiqués avec aliskirène (Rasilez) chez le diabétique de type 2 et l’insuffisant rénal et déconseillés avec les autres patients ; déconseillés avec diurétiques épargneurs potassiques, sels de potassium (sauf si patient en hypokaliémie), lithium (risque d’augmenter la lithiémie).

→ Surveillance : fonction rénale et kaliémie évaluées avant traitement et régulièrement pendant.

Les antagonistes des récepteursi à l’angiotensine II

Les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II) ont leur DCI finissant par « sartan ».

→ Mécanisme d’action : les ARA II se fixent sur les récepteurs de l’angiotensine II et exercent des effets contraires à ceux exercés par cette dernière. Ils ont donc un effet vasodilatateur et natriurétique, mais sans action sur le catabolisme de la bradykinine.

→ Effets indésirables : idem à ceux des IEC, mais toux sèche en moins.

→ Interactions : idem à ceux des IEC.

Conseils aux patients

OBSERVANCE

Importance du traitementi

Des faits

Seulement 54 % des hypertendus traités suivraient parfaitement leur traitement(1).

Courant 2012, 21 % des hypertendus auraient renoncé à certains soins pour des raisons financières : consultation médicale (35 % des cas) et achat de médicaments (23 %).

Des actes

→ Expliquez que bien prendre le traitement est primordial pour prévenir les risques de l’hypertension, même en l’absence de signes cliniques : AVC, infarctus du myocarde…

→ Consultez toujours l’historique médicamenteux. En cas de renouvellement irrégulier, recherchez une mauvaise observance ; la source peut être un effet indésirable du médicament. Rappelez qu’il est nécessaire d’en parler au médecin.

Horaires de prise

→ Aménagez des plans de prise cohérents pour limiter les effets indésirables : prendre les diurétiques le matin pour éviter les levers nocturnes ; les béta-bloquants liposolubles le matin ou à midi afin de limiter les problèmes de cauchemars et d’insomnie.

→ En cas d’oubli, ne pas doubler la dose lors de la prise suivante, au risque d’une hypotension.

Effets indésirables

Rassurez les patients, la fatigue, souvent ressentie en début de traitement, est passagère.

Inciter à consulter un médecin en cas d’œdèmes de membres inférieurs, de toux sèche, d’impuissance…

Si un patient hypertendu a l’impression de mal tolérer son traitement, ne pas l’arrêter brutalement (un arrêt intempestif peut provoquer un rebond de l’HTA) mais, au contraire, le signaler sans délai au médecin, qui pourra changer de médicament éventuellement.

Gare à l’automédication

Certains médicaments peuvent élever la pression artérielle : les médicaments effervescents, du fait de leur teneur en sodium, les AINS, les vasoconstricteurs utilisés contre le rhume.

Prendre un avis médical avant d’utiliser des laxatifs stimulants qui peuvent perturber la kaliémie, ou les AINS qui favorisent la survenue d’insuffisance rénale aiguë sous diurétiques, IEC ou ARA II.

Contrôler sa tension

Intérêt de l’autocontrôle

→ En complément de la mesure au cabinet médical, l’automesure permet de s’assurer de la permanence de l’hypertension artérielle et d’éviter les erreurs de diagnostic. L’autocontrôle tensionnel permet :

– de dépister un « effet blouse blanche » : ce sont des patients normo-tendus à domicile et hypertendus au cabinet médical, du fait du stress provoqué par la consultation ;

– inversement, de révéler une « hypertension artérielle masquée » : pression artérielle contrôlée au cabinet médical, mais supérieure à la normale au domicile.

→ Elle a un intérêt dans l’amélioration de l’observance puisque le patient devient acteur du suivi. L’automesure permet d’étudier l’efficacité du traitement et de vérifier le bon contrôle tensionnel.

Avec quel appareil ?

Ceux validés par l’ANSM. Les autotensiomètres huméraux se posent au bras et les appareils radiaux, au poignet, au niveau de l’artère radiale. Les autotensiomètres digitaux, aux valeurs imprécises, ne sont pas agréés par l’ANSM.

Les appareils huméraux sont préférés des médecins car leurs résultats sont plus fiables que ceux dépendant de la position de la main, mais les radiaux sont moins encombrants et plus faciles à utiliser.

Le brassard doit être adapté à la circonférence du bras ; à vérifier chez les obèses.

Quand et comment ?

En général, les automesures s’effectuent lorsque le diagnostic d’HTA a été posé, dans les trois jours qui précèdent une consultation médicale ou après une modification du traitement anti-hypertenseur. Effectuer sur trois jours consécutifs trois mesures successives le matin, avant le petit déjeuner et la prise des médicaments et trois mesures le soir, entre le dîner et le coucher. C’est la moyenne de ces dix-huit valeurs qui sera prise en compte par le médecin. Elle doit être inférieure à 135-85 mm de Hg ou à 130-80 en cas d’insuffisance rénale ou de diabète.

Les mesures peuvent être reportées sur un relevé d’automesure, disponible sur www.comitehta.org.

En pratique

→ Installer l’appareil sur une table.

→ S’asseoir et se reposer cinq minutes environ avant de prendre la mesure. La vessie vide, ne pas fumer, boire du café, ni faire du sport dans l’heure précédant la mesure.

→ Enfiler le brassard sur un bras dénudé, « tuyau » vers le bas, à deux doigts du pli du coude ; le brassard radial sera positionné à deux doigts du poignet.

→ Prendre la mesure à la hauteur du cœur : poser le bras sur la table, le coude fléchi avec un appareil huméral ; avec un radial, ramener l’avant-bras sur la poitrine, main sur le sein du côté opposé. Si la mesure est prise en dessous du niveau du cœur, les valeurs sont majorées, alors que si elle est prise au-dessus, les résultats seront au contraire minorés.

→ Ne pas bouger, ni parler pendant la mesure.

VIE QUOTIDIENNE

Choisir une hygiène de vie

Rappelez que les règles hygiéno-diététiques font partie intégrante du traitement.

Poids et alimentation

→ En cas de surpoids, insister sur l’importance de perdre quelques kilos. La PA diminue de 5 à 20 mmHg par 10 kg perdus.

→ Réduire les apports en NaCl à 6 g/j. Le régime sans sel au sens strict est réservé aux insuffisants cardiaques ou rénaux. Éviter biscuits apéritif, charcuteries, fromages secs ; attention aux plats cuisinés et aux eaux minérales effervescentes riches en sodium (Vichy St Yorre ou Célestins).

→ Attention aux sels de régime sans avis médical. Les sels diététiques sans sodium renferment du potassium à teneur non négligeable.

→ Avoir une alimentation équilibrée riche en fruits et légumes. Privilégier les graisses végétales riches en acides gras insaturés.

→ Limiter l’alcool à deux verres/jour chez la femme et à trois chez l’homme, la caféine et la réglisse.

→ Déconseiller la consommation régulière de pamplemousse avec les inhibiteurs calciques et l’aliskirène, antihypertenseur inhibiteur de rénine.

Activité physique

Pratiquer une activité physique régulière comme la marche à pied.

Tabac

Expliquer l’importance de l’arrêt pour ne pas cumuler les facteurs de risque cardiovasculaire.

Conduite d’engins

Risque de somnolence et/ou de vertiges (prudence au volant) avec les IEC et avec losartan, olmesartan et valsartan.

Prévenir l’hypotension orthostatique

Le risque d’hypotension orthostatique augmente avec l’âge, en cas de diabète, de maladie de Parkinson, de canicule ou d’ambiance surchauffée.

→ Informez les patients âgés de se lever en deux temps : passer de la position allongée à assise, puis debout.

→ Des bas de compression sont prescrits après avis médical afin de favoriser le retour sanguin veineux. Dans cette indication, les porter dès le lever ; suggérez de les ranger près du lit et de les enfiler dans la position assise du lever en deux temps.

→ Prévenir les patients âgés de l’importance de contacter le médecin en cas de gastro-entérite ou de diarrhées sévères, qui risquent d’entraîner une hypovolémie et une hypotension, facteurs favorisant les chutes.

Tous nos remerciements au Dr Christophe Berlemont, cardiologue au centre cardiologique d’Evecquemont (78), membre de la Société française de cardiologie.

(*) Retirée de la liste des affections longue durée depuis juin 2011.

(1) Etude Flash : baromètre de l’hypertension en France, réalisé à la demande du Comité de la lutte contre l’hypertension artérielle de mai à juin 2012.

Info+

« Avoir de la tension » est synonyme de pression artérielle.

Info+

La mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 heures (Mapa) et l’automesure permettent de corriger les erreurs de dépistage « par excès » (effet « blouse blanche » = HTA chez le médecin, mais PA normale en dehors).

Info+

L’HTA est classée en niveau ou grade (PAS/PAD) :

– grade 1 ou HTA légère : 140-159/90-99 ;

– grade 2 ou HTA modérée : 160-170/100-109 ;

– grade 3 ou HTA sévère : ≥ 180/≥ 110.

Info+

Le risque cardiovasculaire, c’est celui de présenter un événement cardiovasculaire dans les dix prochaines années.

Il augmente avec le niveau de la pression artérielle et est considérablement accru par la présence d’autres facteurs de risque comme l’âge, le sexe (les hommes sont plus touchés avant 55 ans), le tabagisme, les dyslipidémies, la sédentarité, le diabète, l’obésité, les antécédents personnels et familiaux cardiovasculaires et une alimentation trop sucrée et trop grasse.

Info+

Dernière minute

Les associations IEC + ARA II sont dangereuses d’après l’ANSM, entraînant des augmentations du risque d’hypotension, d’hyperkaliémie, d’insuffisance rénale et d’arrêt de traitement. Aucune spécialité de bi- ou trithérapie ne les associe.

Info+

41 % des hypertendus traités possèdent un appareil d’automesure, mais seulement 2 % d’entre eux savent prendre leur tension correctement(1).

Info+

Le suivi médical du patient équilibré : une consultation tous les trois mois environ en cas de risque cardiovasculaire élevé ; une tous les six mois dans les autres cas.

Quels anti-hypertenseurs durant la grossesse et l’allaitement ?

Grossesse. Le traitement de référence est l’alphaméthyldopa, anti-hypertenseur d’action centrale.

En l’absence d’asthme ou d’insuffisance cardiaque, certains bêta-bloquants (labétalol, oxprénolol surtout) peuvent être utilisés, bien qu’ils exposent le nouveau-né à une bradycardie et à une hypoglycémie lorsqu’ils sont continués peu avant l’accouchement. Certains inhibiteurs calciques (nifédipine, nicardipine) peuvent également être proposés.

À bannir : les IEC et les ARA II. Au premier trimestre, ils augmentent le risque de malformations cardiovasculaires et neurologiques et sont déconseillés ; au deuxième et troisième trimestres, ils peuvent induire une insuffisance rénale foetale ou néo-natale, ainsi qu’un oligoamnios (volume insuffisant de liquide amniotique) et sont contre-indiqués.

Allaitement. Peuvent être utilisés : labétalol, propranolol et oxprénolol ; nifédipine, nicardipine ; méthyldopa ; bénazépril, captopril, énalapril, quinapril, sauf si l’enfant allaité est prématuré ou s’il a une insuffisance rénale.

Pour plus de détails, consulter www.lecrat.org

Contre-indications médicalesdes anti-hypertenseurs

• Bêta-bloquants : bloc auriculo-ventriculaire et insuffisance cardiaque non contrôlée, maladie de Raynaud, asthme et BPCO (seulement dans leurs formes sévères pour les cardiosélectifs).

• Diltiazem et vérapamil : bloc auriculoventriculaire, insuffisance cardiaque et infarctus du myocarde récent.

• Diurétiques thiazidiques : insuffisance rénale sévère.

• Diurétiques de l’anse : insuffisance rénale aiguë fontionnelle, hypovolémie ou déshydratation, hypokaliémie et hyponatrémie sévère.

• Diurétiques épargneurs potassiques : insuffisance rénale sévère ou aiguë, hyperkaliémie.

• IEC et ARA II : deuxième et troisième trimestres de grossesse.

Interview
Docteur Christophe Berlemont, cardiologue, centre cardiologique d’Evecquemont (78)

Quel(s) rôle (s) les officinaux peuvent-ils jouer auprès des hypertendus ?

Leur premier rôle se joue au moment de la dispensation des traitements bien évidemment, en vérifiant l’absence d’interactions, nombreuses avec les anti-hypertenseurs, et en insistant sur la nécessaire observance du traitement prescrit ; il est important de savoir expliquer les complications de l’HTA au patient. Par ailleurs, les officinaux sont bien placés pour contribuer à dépister les effets indésirables des anti-hypertenseurs : hypotension, œdèmes des membres inférieurs, déshydratation que peut faire craindre une confusion soudaine… et pour vérifier que l’ionogramme est régulièrement contrôlé. Par exemple, une plainte de toux sèche rapportée par un patient sous IEC doit faire suspecter une cause iatrogène.