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l’hyperplasie bénigne de la prostate

Publié le 1 juin 2012
Par Nathalie Belin
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Un traitement médical est proposé lorsque les symptômes de l’hyperplasie bénigne de la prostate sont gênants. La chirurgie est réservée aux échecs du traitement médical ou aux complications.

La pathologie

Définition

L’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) ou adénome de la prostate correspond à une prolifération localisée de cellules prostatiques d’origine non cancéreuse. Ce n’est pas véritablement une maladie, mais la conséquence du vieillissement. Dès la quarantaine, le volume de la prostate tend à augmenter, vraisemblablement sous l’influence de la testostérone, ce qui peut finir par comprimer l’urètre et entraîner des troubles mictionnels.

Les troubles urinaires

Certains hommes n’ont aucun ou peu de symptômes liés à l’HBP. D’autres ont des symptômes gênants pouvant altérer la qualité de vie. On distingue deux grands types de symptômes urinaires :

• les signes irritatifs : pollakiurie (augmentation de la fréquence des mictions), apparition de mictions nocturnes, d’impériosités (besoin pressant d’uriner). Ils sont en rapport avec le fait que l’urine stagne dans la vessie ;

• les signes obstructifs: jet faible, miction en deux temps ou prolongée, gouttes retardataires (le patient « pousse » pour uriner). Ils sont liés à des troubles de l’évacuation des urines.

L’évolution

Elle est très variable. Chez certains hommes, les troubles mictionnels restent stables voire s’améliorent spontanément ; chez d’autres, ils s’aggravent. La maladie reste le plus souvent bénigne, mais elle expose néanmoins le patient à des complications :

– la stase des urines favorise les infections urinaires (risque de prostatite voire d’orchiépididymite si l’infection se propage aux testicules) et les calculs (lithiases vésicales) ;

– l’hyperpression dans les voies urinaires peut entraîner la formation de diverticules vésicaux, sortes de « hernies » de la vessie qui peuvent s’infecter ;

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– en cas d’obstruction importante des voies urinaires, une incontinence, voire à long terme une insuffisance rénale, peut survenir ;

– risque de rétention aiguë d’urine qui peut être favorisée par une infection urinaire ou la prise de certains médicaments (voir encadré p. 25). Le patient ne peut plus uriner, d’où une douleur importante. C’est une urgence médicale qui nécessite un sondage urinaire.

Le suivi

En dehors de toute complication de l’hyperplasie bénigne de la prostate, un suivi annuel est recommandé aux patients, même en dehors de tout traitement. Il comporte un examen clinique et une réévaluation du retentissement des symptômes.

Objectif du traitement

La prise en charge de l’HBP a pour but d’améliorer le confort et la qualité de vie du patient et d’éviter la survenue ou la récidive de complications.

Stratégie thérapeutique

Le choix du patient est déterminant dans la prise en charge de l’HBP.

En l’absence de complications

Un traitement médicamenteux est proposé selon l’importance de la gêne :

– si les symptômes sont peu désagréables, la mise en route d’un traitement ne se justifie pas et une simple surveillance annuelle des signes cliniques est proposée ;

– en cas de symptômes gênants, un traitement médical est indiqué, à choisir parmi trois classes de médicaments selon le profil du patient et des effets indésirables : les extraits de plante, un inhibiteur de la 5-alpha-réductase ou un alpha-1-bloquant. Ils vont soit entraîner une relaxation des fibres musculaires lisses de la prostate, soit diminuer le volume prostatique et l’inflammation.

• En cas d’échec ou d’aggravation des symptômes : il est recommandé de changer de molécule sans nécessairement changer de classe. En cas d’échec de la monothérapie, une bithérapie peut être proposée. Seule l’association alpha-bloquant et inhibiteur de la 5-alpha-réductase a été validée scientifiquement et a montré une efficacité supérieure à une monothérapie.

En cas de complication ou d’échec

Le traitement chirurgical est réservé aux patients souffrant de complications (rétention aiguë d’urine récidivante, infections à répétition, calculs vésicaux…) et à ceux non soulagés par le traitement médical.

Les médicaments

Les alpha-1-bloquants

Molécules : alfuzosine, doxazosine, prazosine, silodosine, tamsulosine, térazosine.

Mode d’action : le blocage des récepteurs alpha-1-adrénergiques entraîne une relaxation des fibres musculaires lisses de la prostate et du col vésical. L’alfuzosine, la tamsulosine et la silodosine bloquent spécifiquement les récepteurs alpha-1a au niveau de la prostate, ce qui permet de limiter les effets secondaires vasculaires, notamment l’hypotension orthostatique… L’efficacité du traitement par alpha-bloquant s’évalue au bout d’un mois environ, mais une amélioration des symptômes peut être ressentie en quelques jours. Administration : elle diffère selon les molécules (voir tableau). Précautions : le risque d’hypotension orthostatique nécessite d’augmenter progressivement les doses. Vigilance en cas de conduite d’un véhicule, risque accru de chute chez le patient âgé ou en cas d’association à un antihypertenseur. Contre-indications : antécédents d’hypotension orthostatique sévère, insuffisance hépatique sévère sauf térazosine et prazosine. Pour alfuzosine : insuffisance rénale sévère ; pour prazosine : insuffisance cardiaque ; pour doxazosine : antécédents d’occlusion ou réduction de la lumière du tube digestif.

Les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase

Molécules : dutastéride, finastéride. Les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase sont plutôt actifs sur des prostates de gros volume. Ils ont aussi l’AMM dans la réduction du risque de rétention aiguë d’urine et de chirurgie chez les patients ayant des symptômes modérés à sévères. Mode d’action : ils inhibent la 5-alpha-réductase responsable de la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone (DHT) impliquée dans la croissance prostatique. Administration : pas de modalités particulières. Précautions : l’effet thérapeutique n’apparaît qu’après trois à six mois de traitement. Il faut tenir compte du fait que ces médicaments abaissent le taux de PSA (antigène spécifique de la prostate, marqueur du cancer de la prostate) d’environ 50 %. Ils peuvent aussi inhiber le développement des organes génitaux d’un enfant à naître ; l’emploi d’un préservatif est recommandé si la partenaire est enceinte ou susceptible de l’être. Contre-indications : femme enceinte ou susceptible de l’être (voir Précautions) ; pour le dutastéride : insuffisance hépatique sévère.

Les extraits de plante

Molécules : Pygeum africanum (prunier d’Afrique), Serenoa repens (palmier de Floride). Les extraits de plante sont l’option thérapeutique avec le moins d’effets secondaires. Mode d’action : mal connu. Ils inhiberaient l’action des facteurs de croissance des cellules prostatiques et agissent sur l’inflammation (pour le Serenoa repens). L’efficacité du traitement n’est perçue qu’après plusieurs semaines. Administration : au cours des repas pour Serenoa repens, avant les repas pour Pygeum africanum. Précautions et contre-indications : aucunes en particulier.

Les traitements chirurgicaux

La résection endoscopique transurétrale

C’est la technique la plus fréquemment pratiquée. L’adénome est enlevé « par morceaux », par les voies urinaires, sous anesthésie générale ou locorégionale. L’infection urinaire est la complication la plus fréquente dans les suites de l’intervention. Cette technique ne modifie ni la libido ni l’érection, mais le risque d’éjaculation rétrograde est important dans 90 % des cas (au lieu d’être évacué par l’urètre, le sperme reflue vers la vessie et est éliminé lors d’une prochaine miction). Le risque d’incontinence est rare à long terme, mais des fuites sont possibles juste après l’intervention chirurgicale.

L’adénomectomie chirurgicale

C’est une alternative à la résection transurétrale lorsque la prostate est volumineuse (plus de 100 ml). Elle se fait généralement par voie sus-pubienne. Les effets indésirables sont les mêmes que pour la résection transurétrale. L’hospitalisation est plus longue puisqu’il s’agit d’une chirurgie « à ciel ouvert ».

L’incision cervico-prostatique

Pratiquée par les voies naturelles, cette technique est une intervention moins lourde réservée aux petits adénomes. Elle permet d’ouvrir plus largement le col de la vessie en faisant de petites incisions. Elle permet de conserver des éjaculations « normales », mais le taux de réintervention est d’environ 25 % à trois ans car le tissu prostatique n’est pas enlevé.

Les techniques mini-invasives

La thermothérapie par radiofréquence

Cette technique appelée également TUNA (pour TransUrethral Needle Ablation), d’efficacité comparable à celle du traitement médical, consiste à entraîner la nécrose de l’adénome grâce à la chaleur. Cette technique, qui peut être réalisée sous anesthésie locale, est proposée aux patients qui répondent bien au traitement médical, mais qui ne souhaitent pas le prendre au long cours. L’intervention ne cause pas ou peu de risque d’éjaculation rétrograde.

La résection prostatique par laser

Cette technique qui se développe, et qui se positionne comme une alternative à la résection endoscopique trans-urétrale, permet en particulier de diminuer la durée de l’hospitalisation et réduit le risque de saignement per et post-opératoire.

Stent

La mise en place d’un stent prostatique qui assure la perméabilité de l’urètre, sous contrôle endoscopique, est proposée à certains patients en cas de contre-indication à une technique chirurgicale. Ce n’est pas une solution au long terme en raison de complications fréquentes liées à la présence d’un corps étranger (infections urinaires répétées…).

Vie quotidienne

Boire suffisamment

Pour prévenir la stase des urines, qui favorise les infections urinaires et les calculs. Limiter les apports hydriques en soirée pour éviter les mictions nocturnes. Après un traitement chirurgical, boire beaucoup pour éliminer les éventuels caillots pouvant se former au niveau de la vessie et pour prévenir une infection urinaire.

Éliminer

Pour limiter les troubles urinaires, ne pas se retenir d’uriner, vider la vessie aussi complètement que possible.

Alimentation et sport

– Il est prouvé qu’une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique suffisante améliorent les troubles urinaires. À l’inverse, l’excès de poids aggrave les troubles. Limiter la consommation de certains aliments qui peuvent exacerber les symptômes urinaires : alcool, café fort, épices… Tous les sports peuvent être conseillés, même le vélo.

– Dans le mois qui suit une intervention chirurgicale, il est recommandé d’éviter tout effort important pour éviter une trop forte contraction des muscles au niveau de la vessie : port de charges lourdes, rapports sexuels… Prévenir la constipation en augmentant ses apports en fibres et en veillant à boire suffisamment.

Se mouvoir

Sous alpha-1-bloquant, attention au risque d’hypotension orthostatique, surtout les premiers jours suivant l’instauration du traitement. Si un malaise survient, se rallonger jusqu’à ce qu’il disparaisse.

Sexualité

• Sous inhibiteurs de la 5-alpha-réductase, les troubles sexuels constituent les principaux effets indésirables : troubles de l’érection ou de l’éjaculation, troubles de la libido, gynécomastie. Ils sont réversibles à l’arrêt du traitement. Recommander l’utilisation d’un préservatif en cas de rapport sexuel avec une femme enceinte ou susceptible de l’être car la molécule est présente dans le liquide séminal. Les enfants, adolescents et femmes enceintes doivent éviter de manipuler les comprimés ou capsules s’ils sont cassés (risque de passage transcutané).

• Après un traitement chirurgical, résection endoscopique de la prostate, adénomectomie ou traitement par laser, le risque d’éjaculation rétrograde est important ; ainsi la conservation du sperme peut être proposée chez les hommes ayant un désir de procréer. Dans le mois suivant une intervention chirurgicale, éviter les rapports sexuels qui causent une forte contraction des muscles au niveau de la vessie.

Alerter

Après une intervention chirurgicale, consulter un médecin en cas de saignement important des urines ou de fièvre.

Un diagnostic qui revêt plusieurs formes

• L’interrogatoire évalue les troubles urinaires (signes irritatifs, obstructifs). Il recherche une hématurie pouvant témoigner d’une infection urinaire, de calculs, d’une poussée de l’adénome…, et un terrain pouvant favoriser les troubles urinaires tels les diabète, antécédent d’AVC, troubles neurologiques, maladie de Parkinson… Un score d’évaluation des symptômes peut être utile pour quantifier leur conséquence sur la qualité de vie. Le plus utilisé est le score IPPS pour International Prostatic Symptom Score.

• L’examen clinique recherche une hernieou une distension de la vessie. Le toucher rectal précise la taille et la consistance de la prostate. La recherche des nitrites et des leucocytes sur bandelette urinaire vérifiela stérilité de l’urine.

• Un examen cyto-bactériologique des urines (ECBU) est indiqué en cas de positivité de la bandelette urinaire ou en présence d’une hématurie.

• Un dosage de la créatinine sérique évalue le retentissement sur la fonction rénale (insuffisance rénale).

• Le dosage du taux de PSA sérique (antigène spécifique de la prostate) est inutile pour le diagnostic et le suivi de l’HBP. En revanche, il est proposé pour dépister un cancer de la prostate chez les patients âgés de 50 à 70 ans présentant des facteurs de risque (antécédents familiaux, origine afro-antillaise).

• D’autres examens peuvent être proposés selon le cas : échographie de l’appareil urinaire, débitmétrie urinaire, mesure du résidu post-mictionnel…

Automédication et rétention aiguë d’urine

Les patients ayant une HBP sont exposés au risque de rétention aiguë d’urine lors de la prise de certains médicaments, notamment des sympathomimétiques alpha et des atropiniques. Ces médicaments sont contre-indiqués chez les patients qui présentent des signes obstructifs – ceux qui doivent « pousser » pour uriner –.Par prudence, en automédication, ces médicaments ne doivent jamais être conseillés à un patient ayant une HBP.

• Les médicaments à effet sympathomimétique alpha. Ce sont principalement des vasoconstricteurs utilisés comme décongestionnant nasal : pseudoéphédrine (Actifed, Humex Rhume…), phényléphrine (Hexarhume…). La phényléphrine est présente aussi dans certains collyres (Visiodose…).

• Parmi les médicaments atropiniques, on retrouve les anti-H1 employés pour diminuer l’écoulement nasal (Biocidan, Fervex…) ou employés comme anti-nauséeux (Mercalm, Nausicalm, Nautamine…) ou sédatifs (la doxylamine dans Donormyl…) ou antitussifs (oxomémazine, Humex Toux Sèche Oxomémazine,…).

Si la prise d’un médicament sympathomimétique alpha ou atropinique (antidépresseur imipraminique, neuroleptique…) s’avère nécessaire chez un patient présentant une hyperplasie bénigne de la prostate, la prescription se fait généralement en concertation avec l’urologue.

En savoir plus

Livre

Docteur, c’est la prostate ? Dr Patrice Pfeifer,éditions Alpen, 2010

Site Internet

Association française d’urologie (AFU)

www.urofrance.org