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Les troubles du rythme

Publié le 1 septembre 2005
Par Florence Bontemps
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Les arythmies cardiaques sont des troubles potentiellement graves pouvant entraîner un risque d’accident vasculaire cérébral ou de mort subite. Aucun médicament antiarythmique n’est idéal. Tous ont des effets secondaires.

Définition

Au repos, le rythme cardiaque normal varie entre 60 et 90 battements par minute. Les contractions du cœur sont déclenchées par une onde électrique qui naît au niveau de l’oreillette droite, dans le nœud sinusal, et se propage dans tout le myocarde. Parfois, le mécanisme électrique se dérègle, entraînant des troubles du rythme plus ou moins graves selon la localisation de l’anomalie.

• Les troubles au niveau des oreillettes : le principal est la fibrillation auriculaire (des oreillettes) qui touche plutôt les plus de 60 ans. Son risque est l’accident thromboembolique : le sang n’étant plus correctement expulsé de l’oreillette, il stagne et a tendance à former des caillots sanguins qui peuvent migrer dans le cerveau (accident vasculaire cérébral) ou dans une autre artère du corps. Un traitement anticoagulant (antivitamines K) est alors prescrit en complément des antiarythmiques.

• Les troubles au niveau des ventricules : ce sont des troubles qui surviennent parfois sur un cœur sain, chez le sujet jeune, ou qui compliquent une autre cardiopathie (pathologie coronaire surtout…). Le risque principal est celui de mort subite (décès moins d’une heure après les premiers symptômes).

Stratégies de traitement

Les médicaments antiarythmiques ont tous à des degrés divers des effets indésirables potentiellement graves. En particulier, ils sont tous proarythmogènes, c’est-à-dire qu’ils peuvent eux-mêmes favoriser l’apparition de troubles du rythme graves. Le choix du traitement dépend donc du type de trouble du rythme et des pathologies cardiaques sous-jacentes. Il existe deux possibilités majeures de traitement.

• Les médicaments antiarythmiques : ils visent à régulariser le rythme cardiaque mais aucun n’est idéal. Ils doivent être maniés avec précaution. Les ordonnances comportant un antiarythmique doivent être strictement contrôlées (contre-indications, interactions…).

• Les méthodes non médicamenteuses : les défibrillateurs automatiques implantables et la destruction de la partie du myocarde, responsable de l’arythmie par radiofréquence, sont deux techniques récentes. L’ablation par radiofréquence a surtout fait ses preuves dans les troubles du rythme auriculaires et a réduit les indications des traitements pharmacologiques ces dernières années.

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Les médicaments

Tous les antiarythmiques agissent sur l’entrée ou la sortie des ions au niveau cellulaire. En effet, les troubles du rythme naissent lorsqu’il y anomalie de la conduction de l’influx électrique dans le cœur. Cet influx se propage grâce aux entrées et sorties d’ions sodium, potassium et calcium qui se font de façon cyclique dans la cellule myocardique, à chaque contraction. Selon leur mode d’action sur les ions, les antiarythmiques sont répartis en quatre classes (classification de Vaughan-Williams). Toutefois, cette classification ne permet pas de généraliser les indications, celles-ci étant conditionnées par les spécificités de chaque molécule (effets indésirables, pharmacocinétique).

Les troubles du rythme expliquésLes antiarythmiques

Classe I : stabilisants de membrane

On les appelle ainsi car ils modifient les mouvements transmembranaires ioniques : ils ralentissent l’entrée du sodium dans la cellule et inhibent la sortie du potassium. À cause de leur mode d’action, ils peuvent être à l’origine d’arythmies ventriculaires graves.

Ia (quinidiniques)

• Hydroquinidine (Sérécor).

Effets secondaires cardiaques : les dérivés de la quinidine entraînent un risque de torsades de pointes, et donc de troubles du rythme graves, voire mortels.

Effets secondaires extracardiaques : diarrhées, nausées et vomissements sont fréquents.

Contre-indications : insuffisance cardiaque, bloc auriculoventriculaire et troubles importants de la conduction intraventriculaire, hypokaliémie. Administration : Sérécor est une forme LP (libération prolongée). Administrer en deux prises espacées de douze heures.

• Disopyramide (Rythmodan).

Effets secondaires cardiaques : torsades de pointes et insuffisance cardiaque sont les effets secondaires les plus graves. Effets secondaires extracardiaques : le disopyramide possède des effets atropiniques qui peuvent se manifester par une sécheresse de la bouche, une constipation, un risque de rétention urinaire chez les patients souffrant de troubles de la prostate, des troubles de l’accommodation. Contre-indications : ce sont les mêmes que pour l’hydroquinidine, auxquelles s’ajoutent le glaucome et l’adénome prostatique (effets atropiniques du disopyramide). Administration : les formes non LP doivent être administrées toutes les six à huit heures au minimum (trois à quatre prises par jour régulièrement espacées). Les formes LP se prennent matin et soir.

Ib (lidocaïne, mexilétine)

Les médicaments appartenant à cette classe s’administrent plutôt par voie veineuse (lidocaïne) et sont surtout d’usage hospitalier. Nous ne les traiterons pas dans cet article.

Ic (flécaïnide et autres)

• Flécaïnide (Flécaïne)

Effets secondaires cardiaques : tachycardie, insuffisance cardiaque. Effets secondaires extracardiaques : la flécaïnide peut entraîner troubles visuels, vertiges, céphalées et paresthésies (troubles de la sensibilité cutanée). À savoir : les effets neurosensoriels (vertiges, vision trouble, tremblements, céphalées, asthénie) peuvent être un signe de surdosage. Ils disparaissent à la diminution de la posologie. Contre-indications : blocs de branche, blocs auriculoventriculaires du deuxième et troisième degré, insuffisance cardiaque, cardiopathie ischémique.

• Propafénone (Rythmol)

Effets secondaires cardiaques : ce sont les mêmes que pour la flécaïnide. Effets secondaires extracardiaques : surtout des vertiges et généralement en début de traitement des troubles digestifs (nausées, vomissements, anorexie, constipation). Contre-indications : idem flécaïnide.

• Cibenzoline (Cipralan, Exacor)

Effets secondaires cardiaques : comme pour la flécaïnide. Effets secondaires extracardiaques : troubles digestifs (nausées vomissements, diarrhées, gastralgies), troubles cholinergiques (sécheresse buccale, dysurie, vision floue…). Contre-indications : idem flécaïnide. Administration : le traitement doit être débuté à posologie faible, sous contrôle de l’ECG.

Classe II : certains bêtabloquants

La classe II est composée de certains bêtabloquants aux propriétés antiarythmiques : propranolol (Avlocardyl, Hémipralon), acébutolol (Sectral), aténolol (Ténormine), métoprolol (Lopressor, Seloken), nadolol (Corgard), oxprénolol (Trasicor), pindolol (Visken). Mode d’action : ils s’opposent aux effets arythmogènes des catécholamines. Effets secondaires cardiaques : les bêtabloquants sont bradycardisants (ils ralentissent les battements cardiaques). Effets secondaires extracardiaques : ils peuvent provoquer asthénie, troubles du sommeil, hypoglycémies, et aggraver un asthme ou un syndrome de Raynaud (trouble de la circulation artérielle). Contre-indications : tous les bêtabloquants sont contre-indiqués en cas d’asthme ou de bronchopneumopathie obstructive, d’insuffisance cardiaque décompensée, de bloc auriculoventriculaire et de syndrome de Raynaud. Administration : les prendre plutôt au cours des repas, à la même heure.

Classe III : amiodarone et sotalol

• Amiodarone (Cordarone). Mode d’action : elle agit essentiellement sur les flux transmembranaires de potassium. Effets secondaires cardiaques : torsades de pointes, arythmies, bradycardie. Effets secondaires extracardiaques : l’élimination de l’amiodarone est très lente et provoque une accumulation de la molécule dans l’organisme. En cas de traitement au long cours, l’amiodarone, riche en iode, peut entraîner des troubles thyroïdiens, pulmonaires, oculaires (dépôt cornéen), cutanés (photosensibilité, pigmentation bleu ardoise), neurologiques (polynévrite), hépatiques (anomalies biologiques). Contre-indications : bloc auriculoventriculaire, hyperthyroïdie, chez la femme enceinte (deuxième et troisième trimestres) ou allaitante. Administration : une dose de charge est souvent donnée (de l’ordre de 20 comprimés en une semaine) pour saturer le tissu adipeux. Puis on prescrit cinq prises par semaine dans le but de diminuer les effets secondaires.

• Sotalol (Sotalex). C’est un bêtabloquant ayant une activité antiarythmique de classe III. Il présente un effet similaire à l’amiodarone. Effets indésirables propres : asthme, hypoglycémie, insuffisance cardiaque et torsades de pointes.

Classe IV : inhibiteurs calciques

Parmi les inhibiteurs calciques (utilisés aussi en prévention des crises d’angor et dans l’hypertension artérielle), on utilise contre les troubles du rythme essentiellement le vérapamil (Isoptine). Mode d’action : les inhibiteurs calciques diminuent les mouvements du calcium au niveau cellulaire, sans modifier les mouvements des autres ions. Ils ralentissent la vitesse de conduction au niveau du nœud auriculoventriculaire. Effets secondaires cardiaques : bradycardie. Effets secondaires extracardiaques : céphalées, vertiges, œdèmes des membres inférieurs, hypotension, constipation, hyperplasie gingivale, gynécomastie peuvent être observés. Contre-indications : insuffisance cardiaque, troubles de la conduction auriculoventriculaire, bloc auriculoventriculaire du deuxième et troisième degré. Administration : les prendre au cours des repas.

Les méthodes non pharmacologiques

Les manœuvres vagales

Elles ont pour but de régulariser les battements cardiaques en stimulant le système nerveux autonome. Elles doivent être enseignées par un médecin, et permettent souvent au patient lui-même de freiner une crise de tachycardie. Les manœuvres consistent soit à masser l’artère carotide du cou, soit à appuyer sur les globes oculaires, yeux fermés, soit à gonfler les poumons en augmentant la pression abdominale (manœuvre de Valsalva), soit à boire rapidement un verre d’eau froide.

Le choc électrique externe

Il est surtout utilisé en urgence en cas de tachycardie ventriculaire ou de tachycardie auriculaire grave. Il consiste à délivrer à travers le thorax un courant électrique de voltage élevé (100 volts) pendant un temps très bref (centièmes ou millièmes de seconde). Ce courant va dépolariser l’ensemble des cellules myocardiques et les resynchroniser. L’effet du choc électrique est de courte durée. Il doit impérativement être suivi d’un traitement médicamenteux pour prévenir les récidives.

Le défibrillateur automatique implantable

Il se compose d’un petit boîtier placé dans la région sous-claviculaire, muni de sondes fixées dans les cavités cardiaques. En cas de fibrillation ou de tachycardie ventriculaire rapide, il administre automatiquement un choc électrique.

Les méthodes ablatives

La radiofréquence est la technique la plus souvent utilisée. Un bistouri électrique modifié est introduit dans les cavités cardiaques pour brûler une petite zone de myocarde responsable des troubles du rythme.

Hygiène de vie

Café et excitants

Il est conseillé de supprimer ou de limiter fortement la consommations de café, thé, boissons au cola et alcoolisées. Se méfier également des compléments alimentaires amaigrissants à base de maté ou de guarana qui contiennent de la caféine.

Tabac

Ce n’est pas la nicotine qui est dangereuse pour le cœur mais le monoxyde de carbone. Il favorise les spasmes des artères et entraîne des thromboses. Proposer un sevrage tabagique à l’aide de substituts nicotiniques.

Alimentation

Conseiller une alimentation équilibrée pour éviter l’excès de cholestérol et de sucres, autres facteurs de risque cardiovasculaires. Attention aux périodes de fortes chaleurs qui diminuent l’appétit, en cas de diarrhée, vomissements, prise de laxatifs drastiques de diurétiques, qui peuvent modifier la kaliémie et majorer les troubles du rythme !

Activité physique

Tout dépend du type d’arythmie, mais, en général, l’activité physique doit rester modérée. L’avis du cardiologue est indispensable avant de pratiquer un sport. En général, les sports d’endurance comme la marche, la natation, le vélo, le jogging (en accroissant son effort de façon progressive) ou le jardinage sont encouragés. Il est rare que l’activité sexuelle soit déconseillée. On considère généralement qu’un patient capable de monter deux étages sans être essoufflé peut avoir un rapport sexuel sans risque cardiaque !

Soleil

Attention en cas de traitement par l’amiodarone : cette molécule est photosensibilisante et nécessite une protection solaire élevée (SPF > 40) !

Quels sont les symptômes ressentis par le patient en cas d’arythmie ?

Le patient ne perçoit parfois aucun symptôme, ou simplement une fatigue ou un essoufflement. A l’inverse, il peut ressentir des palpitations, une impression de « cœur qui saute » ou une tachycardie (accélération cardiaque).

Comment fait-on le diagnostic ?

Le diagnostic est posé grâce à l’ECG (électrocardiogramme), qui enregistre les ondes électriques émises par le cœur à chaque contraction.

Qu’est-ce qu’une torsade de pointes ?

C’est un trouble du rythme caractérisé sur l’ECG par un aspect du tracé en fuseau. Il entraîne généralement une syncope ou un arrêt cardiocirculatoire.

Faut-il prendre une double dose du médicament si on oublie une prise ?

En aucun cas ! Il faut sauter la prise oubliée… Et essayer de trouver une technique pour éviter les oublis : sonnerie de réveil, rangement de la boîte de médicaments à côté de la brosse à dents, utilisation de semainier…

Tous les bêtabloquants sont-ils utilisables dans les troubles du rythme ?

Non. Certains s’utilisent dans l’angor et dans l’hypertension artérielle.

Où le patient cardiaque peut-il trouver de la documentation ?

Consulter la revue « Cœur & Santé », de la Fédération française de cardiologie (19, rue Vivienne, 72002 Paris. Tél. : 01 42 86 69 13).

Le choc électrique externe est-il douloureux ?

Oui. Si le patient est conscient, il est nécessaire d’effectuer une brève anesthésie générale. Si le malade est inconscient, le choc électrique peut être délivré immédiatement.

Pourquoi les défibrillateurs implantables ne sont-ils pas plus répandus ?

Essentiellement pour une question de coût et d’inscription à la LPPR (Liste des produits et prestations remboursables).

Gros plan

Antiarythmiques : sous haute surveillance

Ils présentent de nombreux effets secondaires. C’est paradoxal, mais tous les antiarythmiques sont susceptibles d’entraîner ou d’aggraver les troubles du rythme. Leur prescription, jamais anodine, est un compromis bénéfice/risque. Il est notamment primordial de surveiller la kaliémie (concentration sanguine en potassium) régulièrement. L’hypo- ou l’hyperkaliémie qui favorise les arythmies doit être corrigée avant l’administration d’antiarythmiques.

Ils présentent des interactions avec de très nombreux médicaments… Les ordonnances comportant un antiarythmique doivent être analysées soigneusement. Le risque encouru par une association déconseillée ou à surveiller est majeur (trouble cardiaque, mort subite).

… Et aussi des interactions entre eux.

L’association de plusieurs antiarythmiques entre eux est soit contre-indiquée, soit déconseillée (suivant les molécules). Elle peut entraîner un risque de trouble cardiaque grave. Si l’association est indispensable, elle doit être réalisée sous surveillance de l’électrocardiogramme, et donc impérativement suivie en milieu hospitalier ou par un cardiologue.

L’électrocardiogramme

Quand le courant électrique traverse le cœur, une partie se propage à la surface du corps. L’électrocardiogramme (ECG) permet de visualiser sur papier les ondes électriques qui parcourent les oreillettes et les ventricules et vérifier si l’activité électrique est synchronisée.

Des électrodes sont placées de part et d’autre du cœur avec un gel qui facilite la transmission du courant.

Il peut être réalisé sur quelques minutes au repos ou sur 24 heures en ambulatoire (Holter), ou pendant un effort.