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Les troubles bipolaires
1,6 million de Français souffriraient de troubles bipolaires. Cette maladie chronique de l’humeur se décline en plusieurs formes cliniques très hétérogènes, qui permettent des traitements adaptés à chaque cas. Son diagnostic, souvent tardif, reste associé à un taux important de suicide, qui toucherait 11 à 19 % des patients.
La maladie
Définition
Les troubles bipolaires sont des troubles de l’humeur (voir Dico+). Le terme « bipolaire » se réfère aux deux pôles entre lesquels fluctue l’humeur de la personne. Dans sa forme « classique » (voir « Différentes formes »), le trouble bipolaire est caractérisé par l’alternance :
• d’épisodes d’hypomanie, ou manie, d’excitation, marqués par une augmentation de l’humeur, de l’énergie et des activités ;
• d’épisodes de dépression, dominés à l’inverse par une diminution de l’humeur, et une baisse ou une perte de l’intérêt et du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités ;
• d’intervalles plus ou moins longs entre les épisodes d’(hypo)manie et de dépression, où le patient a un état psychique plus stable, proche d’un état « normal ». Selon les cas, l’une ou l’autre des polarités, maniaque ou dépressive, sera dite « dominante » et influencera le choix du traitement.
Physiopathologie
Théorie neuropsychiatrique
Ces troubles seraient la conséquence d’interactions entre :
• un dysfonctionnement des systèmes de régulation du stress, notamment du contrôle sérotoninergique des stimuli noradrénergiques centraux ;
• une vulnérabilité génétique. Le risque de développer un trouble bipolaire est multiplié par dix lorsqu’un parent du premier degré est atteint, soit une prévalence de 10 %, contre 1 à 2 % dans la population ;
• de possibles facteurs environnementaux considérés comme précipitants : les événements de vie, positifs ou négatifs (séparation, deuil, promotion professionnelle, perte d’emploi…), les situations de stress répétées (surmenage, manque de som meil…), la consommation d’alcool, tabac ou drogues. À savoir : un trouble bipolaire peut survenir en l’absence de ces facteurs.
Théorie psychanalytique
Une théorie plus psychanalytique met en avant un contexte éducatif qui pourrait « transmettre » une humeur bipolaire. À l’exemple d’un enfant qui ressentirait en alternance des sentiments d’attention intense et d’abandon de la part d’« une mère, un père ou une autre personne très proche [qui] peuvent avoir été eux-mêmes la proie de changements d’humeur brusques, souvent terrifiants et imprévisibles pour l’enfant. »(1)
Signes cliniques
L’intensité, la durée et la fréquence des épisodes bipolaires varient d’une personne à l’autre. Les épisodes symptomatiques sont hiérarchisés selon leur intensité par les classifications internationales.(2) Ils doivent être présents pendant une durée minimale pour correspondre à un trouble bipolaire.
Épisodes maniaques
Trois degrés d’intensité sont distingués : l’hypomanie et la manie, sans ou avec symptômes psychotiques, pour lesquels on retrouve toujours :
→ un sentiment intense de bien-être et d’efficacité physique et psychique ;
→ une augmentation de la sociabilité, du désir de parler, de la familiarité ou de l’énergie sexuelle ;
→ une réduction du sommeil.
Hypomanie (voir Dico+ p. 32)
Elle désigne une élévation de l’humeur, une excitation moins intense que celle observée lors d’une manie. Les symptômes :
→ doivent persister au moins quatre jours consécutifs ;
→ n’entravent pas les activités professionnelles ou un rejet social ;
→ ne sont pas toujours ressentis comme pathologiques par la personne atteinte.
Manie
Les épisodes maniaques sont marqués par une élévation de l’humeur disproportionnée au vu de la situation. Cela va d’une jovialité insouciante à une agitation pratiquement incontrôlable. L’augmentation de l’estime de soi est fréquente, accompagnée d’idées de grandeur et de sures t imat ion de ses capaci tés. Des conduites imprudentes, déraisonnables, inappropriées ou déplacées sont alors possibles. L’épisode maniaque doit durer au moins une semaine.
Manie avec symptômes psychotiques
Les symptômes psychotiques s’ajoutent aux épisodes maniaques sous forme d’idées délirantes, le plus souvent « de grandeur », d’hallucinations, comme une voix s’adressant directement au sujet, ou de « fuite des idées » marquée par un enchaînement rapide et parfois illogique des idées. La personne, hors d’état de communiquer normalement, devient incompréhensible.
Épisodes dépressifs
Trois niveaux d’intensité
L’épisode dépressif sera qualifié de léger, moyen ou sévère en fonction du nombre et de la sévérité des symptômes suivants :
→ abaissement de l’humeur, de l’énergie et de l’activité ;
→ perte d’intérêt et altération de la capacité à éprouver du plaisir ;
→ diminution de la capacité à se concentrer ;
→ fatigue importante fréquente, même après un effort minime ;
→ troubles du sommeil et diminution ou perte de l’appétit ;
→ diminution de l’estime et de la confiance en soi ;
→ idées de culpabilité ou de dévalorisation ;
→ ralentissement psychomoteur important ou agitation ;
→ baisse de la libido.
Ces symptômes doivent être constants sur une période d’une durée de deux semaines.
Symptômes psychotiques
La survenue de symptômes psychotiques est possible dans les épisodes dépressifs sévères, sous forme d’hallucinations, d’idées délirantes, de ralentissement psychomoteur ou de stupeur empêchant les activités sociales habituelles.
Épisode mixte
Dans ce cas, les symptômes maniaques et dépressifs coexistent. Par exemple, diminution de l’estime de soi et idées de culpabilité, qui sont des symptômes dépressifs, sont associées à une élévation de l’humeur. Le risque suicidaire y est majeur et requiert l’avis d’un psychiatre en urgence.
Différentes formes
Les troubles bipolaires sont classés en différents types selon la symptomatologie.
• Trouble bipolaire de type 1 : survenue d’un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes associés à un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs. C’est la forme la plus classique du trouble bipolaire, autrefois nommée « psychose maniaco-dépressive ».
• Type 2 : survenue d’un ou de plusieurs épisodes dépressifs majeurs, accompagnés d’au moins un épisode hypomaniaque moins sévère que l’épisode maniaque de type 1.
• Type 3 : la polarité maniaque est révélée par la prise d’antidépresseurs prescrits pour ce qui semblait être une dépression.
• Type 4 : trouble cyclothymique marqué par une variation de l’humeur, entre excitation et état dépressif d’intensité moindre que celle observée dans les types 1 ou 2.
• Type 5 : il concerne les personnes qui vivent en permanence en état d’excitation mais qui peuvent à tout moment basculer dans une phase dépressive.
• Trouble unipolaire : c’est un trouble bipolaire qui ne s’exprime cliniquement que dans le versant « dépressif ». De nombreuses dépressions résistantes ou récidivantes seraient des troubles unipolaires nécessitant un traitement thymorégulateur (= régulateur de l’humeur).
Complications et gravité
Risque suicidaire
En cas de trouble bipolaire, le risque suicidaire s’avère quinze fois plus élevé et doit être systématiquement recherché chez les patients. C’est la pathologie psychiatrique qui conduit le plus souvent à des tentatives de suicide. Un malade sur deux fera au moins une tentative au cours de sa vie et 15 % décéderont par suicide.(3)
Désinsertion socio-professionnelle
Les modifications de l’humeur et du comportement peuvent perturber les activités scolaires et professionnelles, les relations sociales ou interpersonnelles.
Prise de risques inconsidérée
Abus de toxiques, d’alcool et comportements à risque sont possibles.
Comorbidités
Diabète de type 2 et maladies cardio-vasculaires sont parfois associés au trouble bipolaire et peuvent être mis en relation avec des difficultés à respecter les règles d’hygiène de vie.
Diagnostic
Le diagnostic du type de trouble bipolaire est important car il va orienter le traitement.
Diagnostic clinique
Le diagnostic, avant tout clinique, nécessite souvent plusieurs évaluations successives. Un bilan spécialisé dans un centre expert FondaMental, dédié aux troubles bipolaires, est un recours de troisième ligne : « Généralement, le patient consulte un médecin généraliste, qui peut l’orienter vers un psychiatre, qui peut, au besoin, recourir à un centre expert pour faire le diagnostic ou mettre en place un traitement », explique le Dr Raoul Belzeaux, coordonnateur du centre expert FondaMental à l’hôpital Sainte-Marguerite de Marseille (13).
Selon le contexte
• Un épisode maniaque inaugural bien identifié facilite le diagnostic. Attention : c’est une urgence psychiatrique.
• Un épisode dépressif avec antécédent d’épisode (hypo) maniaque permet de poser le diagnostic.
• Un épisode dépressif sans épisode (hypo) maniaque préalable doit faire rechercher des indicateurs de bipolarité, dont :
→ un épisode dépressif avant 25 ans ;
→ des antécédents d’épisodes dépressifs multiples, trois ou plus ;
→ des antécédents familiaux de trouble bipolaire ;
→ une réponse atypique à un traitement par antidépresseur : inefficacité ou aggravation des symptômes dépressifs, agitation ou hypomanie même brève.
Selon les âges
• Chez l’adolescent. « Le trouble bipolaire débute le plus souvent vers 15-16 ans, observe le Dr Belzeaux. Les premiers signes peuvent être insidieux, peu spécifiques, labiles et fluctuants, avec, par exemple, un premier épisode dépressif vers l’âge de 18 ans. » Le diagnostic est plus difficile à l’adolescence, « sauf en cas d’antécédents familiaux directs de troubles bipolaires ».
→ L’humeur maniaque n’est pas toujours joviale ou euphorique, et peut se manifester par de l’irritabilité, de l’agressivité ou par de la violence.
→ En cas d’épisode dépressif sans antécédent (hypo) maniaque, il faut rechercher des modifications comportementales en rupture avec le fonctionnement antérieur (prise de substances psychoactives, conduites à risque, repli sur soi, décrochage scolaire…).
• Chez la personne âgée. Le diagnostic est compliqué par une symptomatologie spécifique et sa similitude avec d’autres atteintes, les démences en général, mais surtout la maladie d’Alzheimer et la démence fronto-temporale.
Retard de diagnostic
Il s’écoule en moyenne entre cinq et dix ans entre le premier épisode identifié et le diagnostic. Les raisons sont multiples :
→ les différents épisodes ne se manifestent pas tous de la même manière ;
→ les épisodes dépressifs prédominent et peuvent orienter vers une dépression ;
→ les épisodes de manie, et encore plus d’hypomanie, peuvent passer inaperçus ;
→ une association possible à d’autres troubles, tels qu’addictions, troubles anxieux… ;
→ la confusion avec une autre pathologie comme la schizophrénie, notamment en présence de symptômes psychotiques.
Évolution
Elle est irrégulière. Sans traitement adapté, « le trouble bipolaire a tendance à s’aggraver, avec une diminution des périodes de rémission entre les crises et de la qualité de ces rémissions », observe le Dr Belzeaux. Les épisodes maniaques tendent à se raréfier, alors que les épisodes de dépression sont de plus en plus fréquents et de plus en plus longs. « Un trouble bien pris en charge sera de meilleur pronostic. »
Suivi médical
Il est assuré par un psychiatre de ville ou hospitalier, si possible en collaboration avec le médecin traitant pour assurer une continuité des soins indispensable dans le traitement de la maladie. Les consultations pluriannuelles sont effectuées à un rythme régulier et sont intensifiées en cas de difficultés : effets indésirables du traitement, défaut d’adhésion au traitement, survenue de facteurs de stress…
La prise en charge
Objectif
L’association d’un traitement médicamenteux et d’un accompagnement psychologique et éducatif vise à atténuer les symptômes d’un épisode maniaque ou dépressif, et à réduire le risque de récidive. Elle aide le patient à prendre conscience de sa maladie, à accepter et observer le traitement, à préserver son fonctionnement social et professionnel, la vie affective et relationnelle, l’autonomie et la qualité de vie, et à traiter les comorbidités.
Stratégie thérapeutique
Traitement des épisodes aigus
Une hospitalisation peut être indispensable selon la sévérité de l’épisode.
• En cas d’épisode dépressif. Un antidépresseur est prescrit, associé à un thymorégulateur pour éviter le virage maniaque et prévenir une rechute. L’électroconvulsivothérapie peut être indiquée en cas de dépression très résistante.
• En cas d’épisode maniaque. Un ou plusieurs neuroleptiques sont prescrits pour « tasser » rapidement les symptômes maniaques, associés à un thymorégulateur pour prévenir une rechute.
Certains neuroleptiques, appelés « antipsychotiques », ont un effet thymorégulateur et remplissent les deux objectifs (voir tableau p. 38).
Traitement de fond
• Prescription individualisée. Plusieurs anti-épileptiques et antipsychotiques ont une action régulatrice de l’humeur. Ils ont une indication pour le trouble bipolaire. Ils sont prescrits en traitement de fond, sachant que(3) :
→ un seul médicament est prescrit si possible, mais une association est parfois nécessaire ;
→ le médicament met souvent plusieurs semaines avant d’agir ;
→ deux ou trois médicaments peuvent être testés avant de trouver le plus efficace ;
→ des benzodiazépines sont parfois associées pour leurs effets sédatifs ;
→ des bithérapies, voire des trithérapies, sont fréquentes afin de proposer la combinaison la mieux adaptée à chaque patient.
Lorsque les épisodes dépressifs dominent, la lamotrigine, un anti-épileptique, ou les antipsychotiques comme la quétiapine sont plus adaptés pour prévenir les récidives. Si la polarité maniaque domine, le lithium ou la dépamine seront préférés.
• Arrêt du traitement de fond. Le traitement par des régulateurs de l’humeur est généralement maintenu à vie. Dans la quasi-totalité des cas, l’arrêt du traitement sera suivi d’une rechute, souvent sur un mode plus sévère que les épisodes antérieurs. La décision de cesser un traitement est donc prise en considérant la demande de la famille et du patient, et l’intensité du trouble. L’arrêt brutal du thymorégulateur doit être proscrit « car il prédispose encore plus au risque de rechute qu’un traitement qui serait arrêté progressivement », prévient le Dr Belzeaux. Des symptômes de sevrage sont possibles, « pas au sens de l’addictologie, mais à cause des effets physiologiques de ces médicaments, qui peuvent rendre leur arrêt brutal assez dangereux », précise le psychiatre. Toutefois, « une stabilisation significative de la maladie à long terme peut permettre au patient de se passer de médicaments. C’est une éventualité qu’il faut bien préparer et qui nécessite des conditions optimales, notamment une absence de stress et de maladie somatique, et une très bonne connaissance de la maladie. »
Médicaments
Régulateurs de l’humeur
Les médicaments régulateurs de l’humeur, appelés thymorégulateurs ou normothymiques, ont longtemps été réservés à partir du troisième épisode thymique d’un trouble bipolaire, conformément aux premières recommandations d’utilisation du lithium. Ils sont de plus en plus prescrits d’emblée face à un premier épisode thymique caractérisé. Surtout si les symptômes ont des répercussions importantes sur la vie sociale ou professionnelle du patient.
Lithium
• Une image négative injustifiée. Le carbonate de lithium (Téralithe) est le normothymique de référence dans le traitement du trouble bipolaire. C’est le médicament le plus ancien utilisé dans ce trouble mais il a une image négative en raison de ses potentiels effets indésirables graves et de la surveillance qu’ils imposent.(4) En pratique, les risques éventuels sont sous contrôle. L’image péjorative dont souffre le lithium, y compris aux yeux des professionnels, n’est pas justifiée et peut entraver l’acceptation du traitement par le patient. En conséquence, « le lithium est insuffisamment prescrit compte tenu de son rapport bénéfice/risque et de son niveau d’efficacité dans le trouble bipolaire », estime le Dr Belzeaux. Par ailleurs, « le traitement par lithium étant plus exigeant, il incite parfois à assurer une prise en charge globale plus rigoureuse. »
• Indications : prévention des rechutes des troubles bipolaires et des états schizo-affectifs intermittents ; traitement curatif des états d’excitation maniaque ou hypomaniaque.
• Mécanisme d’action : il agirait en mimant les effet du sodium dans plusieurs mécanismes de transport du sodium au niveau des membranes cellulaires (voir Info+). Le carbonate de lithium module la neurotransmission, notamment en diminuant l’activité dopaminergique et glutamatergique. Il augmenterait la libération de sérotonine et l’activité GABA-ergique, qui a pour fonction de diminuer l’activité neuronale.
• Adaptation posologique : elle est individualisée en fonction de la réponse clinique et des concentrations sanguines, le lithium étant un médicament à marge thérapeutique étroite, c’est-à-dire un médicament pour lequel la différence entre la dose toxique et la dose efficace est faible. La lithiémie minimale efficace recommandée est de 0,5 à 0,8 mEq/l, mesurée le matin à jeun douze heures après la dernière prise pour la forme à libération immédiate, et le soir pour la forme à libération prolongée. Les dosages sanguins sont pratiqués deux fois par semaine en début de traitement, jusqu’à obtention d’une lithiémie efficace. Ils sont ensuite effectués toutes les semaines pendant le premier mois, puis tous les mois durant le premier trimestre, puis tous les deux mois.
• Effets indésirables : risques de troubles neurologiques, parfois irréversibles en cas de surdosage favorisé par une insuffisance rénale, une déshydratation ou un régime désodé ; troubles digestifs, endocriniens et métaboliques, avec hypo- ou hyperthyroïdie, prise de poids…, cardiaques. Le surdosage se manifeste le plus souvent par des nausées, des tremblements, une soif et/ou des troubles de l’équilibre. Ces signes nécessitent l’arrêt et l’évaluation en urgence de la lithiémie. Ils sont habituellement réversibles avec une diminution de la dose ou à l’arrêt.
• Surveillance régulière des fonctions cardiaques, rénales, thyroïdiennes, et bilan ophtalmologique si céphalées persistantes ou troubles de la vision.
Divalproate de sodium et valpromide
• Indications : Depakote (divalproate de sodium) et Dépamide (valpromide) sont des dérivés du valproate (voir Le point sur p.42), prodrogues de l’acide valproïque. Ils sont indiqués dans les épisodes maniaques en cas de contre-indication ou d’intolérance au lithium. Ils peuvent être maintenus en traitement de fond chez les patients répondeurs lors de l’épisode aigu.
• Mécanisme d’action : ils agissent sur les canaux sodiques et renforcent la voie GABAergique. L’action thymorégulatrice pourrait être liée à un renforcement de la voie GABA-ergique en diminuant l’activité neuronale.
• Effets indésirables : la plupart ne sont pas graves et s’atténuent habituellement dès les premières semaines. Les plus fréquents sont :
→ troubles digestifs : nausées, vomissements, troubles gingivaux, stomatite, douleurs épigastriques, diarrhée ;
→ troubles neurologiques : tremblements, sédation, troubles de la mémoire, céphalées, mouvements involontaires des yeux (nystagmus), état confusionnel, hallucinations, troubles extra-pyramidaux ;
→ autres : prise de poids, perte d’audition, chute de cheveux passagère et/ou dose-dépendante, hémorragie, irrégularités menstruelles, troubles hématologiques, avec anémie, thrombopénie.
• Surveillance : contrôles biologiques des fonctions hépatiques et examens sanguins, y compris avant une intervention chirurgicale et en cas d’hématomes ou de saignements spontanés.
• En cas de grossesse, Depakote et Dépamide sont les plus tératogènes des thymorégulateurs et entraînent un risque accru de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants exposés in utero. Les patientes doivent utiliser une contraception efficace et être informées des risques (voir Info+ p. 34 et Le point sur p. 42).
Carbamazépine
• Indications : la carbamazépine (Tégrétol), antiépileptique et normothymique, est indiquée dans le trouble bipolaire en prévention des rechutes et en deuxième intention du fait de ses effets indésirables potentiels et des nombreuses interactions médicamenteuses, et dans le traitement des états d’excitation maniaque ou hypomaniaque.
• Mécanisme d’action : elle agit sur les canaux sodiques voltage-dépendants ; effet dépressif sur la régénération de dopamine et de noradrénaline.
• Effets indésirables : la plupart ne sont pas graves et s’atténuent en quelques jours, soit spontanément, soit après une diminution transitoire de la posologie. Effets dose-dépendants fréquents à l’instauration, avec une dose initiale trop élevée, ou chez les personnes âgées : vertiges, céphalées, ataxie, somnolence, fatigue, diplopie, troubles de l’accommodation, confusion, agitation, nausées, vomissements, diarrhée, constipation, anorexie, sécheresse de la bouche et réactions allergiques cutanées. Autres effets potentiels : hépatiques, hématologiques (leucopénie), métaboliques (prise de poids).
• Surveillance : hémogramme et bilan hépatique avant le début, puis après le premier mois et devant tout signe d’appel (infections…).
Lamotigrine
• Indications : la lamotrigine (Lamictal) est un anti-épileptique indiqué dans la prévention des épisodes dépressifs du trouble bipolaire de type 1 avec prédominance d’épisodes dépressifs.
• Mécanisme d’action : elle agit sur les canaux sodiques voltage-dépendants. Ses mécanismes d’action thérapeutique sur les troubles bipolaires ne sont pas établis.
• Effets indésirables : la plupart ne sont pas graves et s’atténuent les premières semaines. Les plus fréquents : troubles digestifs, rhumatologiques (arthralgies), éruptions cutanées potentiellement graves pouvant conduire à l’arrêt du traitement. Ces dernières concernent environ un patient traité pour trouble bipolaire sur 1 000. Certaines peuvent mettre en jeu le pronostic vital, tel le syndrome de Stevens-Johnson, qui se manifeste une à trois semaines après le début du traitement par une sensation de malaise, fièvre, céphalées, toux, dessèchement de la conjonctive et de la cornée, et macules colorées qui surviennent brutalement, habituellement sur le visage, le cou et le haut du tronc. Moins fréquents : troubles psychiques et neurologiques (céphalées, somnolence, vertiges, risque d’idées suicidaires).
• Surveillance : la survenue d’idées et de comportements suicidaires doit être surveillée et prise en charge, particulièrement à l’instauration ou lors de modifications posologiques. Le traitement est arrêté en cas d’éruption cutanée, notamment en cas d’hypersensibilité associée : fièvre, adénopathies, œdème de la face…
Neuroleptiques
• Indications : ces neuroleptiques, dits de deuxième génération ou atypiques, appelés antipsychotiques indiqués dans les troubles bipolaires, ont une action thymorégulatrice.
• Mécanisme d’action : ils agissent en bloquant les récepteurs dopaminergiques et sérotoninergiques. La plupart de leurs effets indésirables ne sont pas graves et s’atténuent habituellement dès les premières semaines de traitement.
• Effets indésirables les plus fréquents : augmentation de l’appétit, prise de poids ; somnolence, fatigue, difficultés de concentration ; vertiges, étourdissements, hypotension orthostatique ; bouche sèche, nausées et constipation, troubles sexuels et hormonaux ; symptômes extrapyramidaux rares aux doses usuelles, avec rigidité musculo-squelettique, contractions musculaires involontaires (dyskinésie), tremblement, incapacité de pouvoir se mettre ou de demeurer en position assise, ou syndrome des jambes sans repos (akathisie), faciès figé ou spasme facial, doivent être signalés au médecin en vue d’une modification du traitement ou d’une correction de ses effets ; syndrome malin des neuroleptiques exceptionnel mais potentiellement mortel : troubles hormonaux et sexuels, avec aménorrhée, petits saignements, galactorrhée chez les femmes, gynécomastie/tension mammaire, diminution de la libido et dysfonction érectile chez les hommes. Voir la gestion des effets indésirables dans « Conseils aux patients ».
• Surveillance.
→ Poids, IMC, pression artérielle : à un mois, à trois mois, puis une fois par trimestre.
→ Tour de taille une fois par an.
→ Glycémie à jeun à trois mois, puis une fois par an.
→ Bilan lipidique à trois mois, puis tous les cinq ans.
→ Prévenir le médecin en urgence en cas d’apparition brutale de fièvre supérieure à 38 °C en l’absence de toute autre cause d’état fébrile, associée à des symptômes moteurs (rigidité, myoclonies et tremblements), une hypersudation, une tachycardie. Cela peut signer un syndrome malin des neuroleptiques.
Antidépresseurs
Ils peuvent être prescrits dans le trouble bipolaire à condition que le risque de réveiller la polarité maniaque soit couvert par un thymorégulateur ou un antipsychotique, avec un effet thymorégulateur. Par exemple, en cas de symptomatologie à prédominance dépressive, un antidépresseur peut être prescrit pour prévenir les rechutes dépressives. Il sera associé à un antipsychotique qui préviendra à la fois les rechutes maniaques et un éventuel « virage maniaque ». Dans tous les cas, les antidépresseurs sont toujours employés avec prudence dans le trouble bipolaire, en étant vigilant sur le risque de survenue d’un épisode maniaque.
Thérapies non médicamenteuses
« Les interventions non médicamenteuses de type psycho-éducation ou éducation thérapeutique sont nécessaires, quasiment indispensables, souligne le psychiatre du centre expert FondaMental de Marseille. Le recours aux psychothérapies va dépendre des pat ients et des comorbidités. Il est important dans les problèmes d’addiction et d’anxiété, alors qu’une prise en charge éducative et soutenante peut suffire dans les cas les plus simples. » Le médicament seul peut convenir à un moment, par exemple lorsque le patient gère sa maladie dans un deuxième temps de la prise en charge.
Psycho-éducation
Elle fait partie intégrante de la prise en charge et repose sur des programmes d’information adaptés au patient. La psycho-éducation s’adresse autant à la personne atteinte qu’aux membres de la famille, en vue, notamment :
→ d’améliorer la compréhension du trouble et l’adhésion au traitement ;
→ de développer la capacité à détecter les signes précurseurs d’un épisode maniaque ou dépressif ;
→ d’améliorer le fonctionnement psychosocial et la qualité de vie ;
→ d’encourager une régularité des rythmes de vie, notamment une régulation du sommeil et des rythmes sociaux.
Éducation thérapeutique
Le diagnostic d’une maladie psychiatrique est toujours difficile à entendre pour le patient.
Dans le trouble bipolaire comme face à toute maladie chronique, l’éducation thérapeutique du patient (ETP) a pour but d’aider les patients, et leurs familles, à acquérir ou à maintenir les compétences dont ils ont besoin pour conserver et améliorer leur qualité de vie malgré la maladie. L’ETP permet aussi d’aider le patient à accepter le diagnostic et le traitement.
Psychothérapies
La psychothérapie de soutien permet d’améliorer l’observance et de lutter contre le découragement et le sentiment d’échec personnel des patients, en particulier lors de rechutes. Elle peut être effectuée par le médecin traitant, le psychiatre ou par un psychologue clinicien.
D’autres approches psychothérapiques peuvent être envisagées, telles que les psychothérapies d’inspiration psychanalytique, comportementales et cognitives ou familiales et systémiques.
Électroconvulsivothérapie (ECT)
Cette pratique thérapeutique issue des anciens « électrochocs » permet d’améliorer rapidement les troubles de certains patients. L’ECT s’effectue aujourd’hui dans un environnement sécurisé, en utilisant un courant bref ou ultra bref pulsé, mieux toléré, administré sous anesthésie générale, associé à un traitement par curare qui évite les secousses musculaires (voir Info+ p. 36).
• Indications : en première intention dans les syndromes dépressifs sévères avec manifestations délirantes ou risque de suicide majeur, en deuxième intention en cas d’inefficacité ou d’intolérance à un ou plusieurs traitements médicamenteux bien conduits.
• Modalités : l’ECT est pratiquée à raison de deux à trois séances par semaine, pour un total d’environ dix à vingt séances. Un traitement d’entretien peut être instauré à raison d’une séance par semaine, puis tous les quinze jours, puis tous les mois, puis tous les trois mois pour prévenir la récurrence des épisodes.
Hospitalisation
Une hospitalisation en psychiatrie est envisagée en cas de(5) :
→ risque suicidaire élevé ;
→ épisode maniaque ou mixte ;
→ agitation violente, troubles du comportement majeurs ;
→ épisode dépressif sévère ;
→ complications médico-légales : vols, escroqueries… ;
→ isolement social et familial, épuisement des proches.
L’hospitalisation libre est privilégiée mais la non-reconnaissance de ses troubles et de leur gravité par le patient peut nécessiter une hospitalisation sous contrainte.
Les conseils aux patients
Observance
Respecter les prises
Rappeler que la prise régulière du traitement est indispensable pour obtenir une stabilisation de l’humeur et prévenir les rechutes.
L’arrêt du lithium, divalproate de sodium, valpromide, carbamazépine ou antipsychotique doit se faire progressivement sur une durée de quatre à six semaines. Une interruption brutale expose à un mal-être dans les jours qui suivent et, à plus long terme, à une rechute, souvent plus sévère que les épisodes précédents. Une ou deux prises sautées, volontairement ou pas, suffisent à faire rechuter le patient.
Gérer les effets indésirables
Les neuroleptiques entraînent de nombreux effets indésirables gênants pour les patients. Maintenir une activité physique est essentiel, la marche rapide par exemple.
• Une surveillance régulière du poids est recommandée une fois par semaine le premier mois, puis mensuellement. Une prise de poids de plus de 5 kg après trois mois de traitement, ou de plus de 7 % du poids de départ, nécessite une consultation diététique. Sodas, sucreries et grignotages sont à éviter. Pratiquer une activité physique.
• Prudence avec la conduite automobile. En parler avec le médecin pour ajuster l’heure de prise en fonction de la gêne ressentie (lever difficile…). L’activité physique apporte de l’énergie. À l’inverse, la prise d’alcool va aggraver la somnolence excessive et augmenter les effets indésirables, le mal-être et l’angoisse.
• Se relever lentement d’une position assise, passer par une position assise temporaire à partir d’une position couchée.
• Contre la bouche sèche, boire de petites quantités d’eau tout au long de la journée, sucer un glaçon, mâcher des chewing-gums sans sucre, recourir à de la salive artificielle en spray (Artisial, Syaline spray, Aequasyal). Maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire, avec un brossage des dents par jour minimum, le soir, et visite de contrôle chez le dentiste.
• Si nausées, prendre le traitement en mangeant, sauf quétiapine, au moins une heure avant.
• Si constipation, manger des fruits crus et des légumes verts et boire suffisamment d’eau, en particulier le matin à jeun.
• Troubles hormonaux et sexuels : signaler la gêne occasionnée par ces effets au médecin prescripteur pour envisager leur amélioration.
Vie quotidienne
Rythme régulier
Rappeler qu’une vie quotidienne régulière est un gage de stabilité en cas de troubles bipolaires. Il est utile de savoir prévenir les risques de récidive lors des changements dans la vie quotidienne ou d’un rythme de travail trop intense sur une longue durée. Éviter, dans la mesure du possible, une vie sans horaires. Essayer de restreindre la consommation de psychostimulants : alcool, caféine, cannabis…
Alimentation
Avertir du risque d’augmentation de l’appétit, avec une prédilection pour les produits sucrés, notamment avec l’olanzapine. Conseiller une surveillance du poids hebdomadaire ou mensuelle et une consultation diététique pour une prise de 5 kg le premier trimestre de traitement.
Activités physiques
Rappeler qu’une activité physique régulière, adaptée aux possibilités du patient, d’une trentaine de minutes par jour, permet de prévenir la prise de poids et les troubles métaboliques liés aux traitements
Vie professionnelle
Avertir de la difficulté de maintenir une humeur stable en situation de stress, ce qui impose par fois d’adapter le poste de travail. Rassurer le patient en lui signifiant que l’on peut aménager son poste avec l’aide de la médecine du travail. Selon le type d’activité, le risque de somnolence, lié à la plupart des médicaments, est aussi à prendre en compte.
Sommeil
Rappeler l’intérêt d’un rythme régulier et d’une durée suffisante de sommeil. Éviter les carences en se réveillant à la même heure chaque matin. Éviter les soirées festives à répétition, les nuits blanches… et tous les « décalages horaires ».
Sexualité
Inciter à la vigilance en cas d’hypersexualité, qui pourrait signer une crise. En cas de troubles de la libido liés aux médicaments, encourager le patient à en parler au médecin.
Conseils aux proches
S’informer
Bien connaître la maladie est nécessaire pour aider un proche atteint et se préserver. Inciter à rechercher des infos objectives et pratiques (voir En savoir+ p. 39), et à rencontrer le médecin.
Face aux épisodes aigus
Adopter un comportement adapté et patient lors des phases maniaques ou dépressives. Il faut éviter de se laisser entraîner à réagir avec violence ou désespoir. Établir si possible une sorte de « contrat thérapeutique » précisant ce que le patient souhaiterait comme attitude de la part du proche au cours des épisodes aigus, celle qui serait la plus bénéfique pour tous.
Dans les périodes de stabilité
Dans les intervalles stables survenant entre les phases aiguës, l’objectif est de quitter une sorte d’accompagnement thérapeutique, souvent pénible, pour une aventure affective, certes mouvementée, mais qui sera parsemée de peines et de joies.
Demander de l’aide
Lorsque la situation devient trop difficile à gérer, il est nécessaire de passer la main. Contacter un médecin, un psychiatre, voire le Samu en fonction de l’urgence.
(1) Bipolaire, vraiment ?, Darian Leader, Éd. Albin Michel, avril 2014.
(2) Classification statistique internationale des maladies, OMS (CIM 10), et Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Association américaine de psychiatrie (DSM, versions 4 et 5).
(3) Troubles bipolaires : diagnostiquer plus tôt pour réduire le risque suicidaire, Haute Autorité de santé, 6 octobre 2015.
(4) Troubles bipolaires : les effets du lithium sur le cerveau, 18 avril 2019, sur fondation-fondamental.org
(5) Patient avec un trouble bipolaire : repérage et prise en charge initiale en premier recours, Haute Autorité de santé, juin 2015.
Dico +
→ Les troubles de l’humeur ont pour caractéristique principale une perturbation jugée excessive et pathologique de l’humeur, avec des répercussions significatives sur la vie quotidienne. Ils concernent les troubles dépressifs, les troubles bipolaires et ceux de l’humeur induits par une affection médicale générale ou par une substance.
Info +
→ Les troubles bipolaires sont classés parmi les dix pathologies les plus invalidantes par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils toucheraient environ 60 millions de personnes à travers le monde.
Dico +
→ Le terme hypomanie, formé à partir du grec « hypo », signifiant « en dessous », et de « mania », signifiant « folie ou démence », désigne une élévation de l’humeur (excitation) d’intensité moindre que la manie.
Questions à
“L’acceptation du diagnostic, qui peut prendre dix ans, et d’un traitement sont les principales difficultés”
Annie Labbé, présidente d’Argos 2001, association d’aide aux personnes bipolaires et à leurs proches.
Y a-t-il une augmentation des demandes auprès d’Argos 2001 ?
Oui, nous sommes de plus en plus sollicités, tant au niveau des permanences téléphoniques que pour les groupes de parole pour les patients et leurs proches, organisés dans toutes les antennes de l’association. Il y a un réel besoin de connaissances sur la maladie, d’informations et de renseignements sur les prises en charge, ou encore sur les moyens d’améliorer les difficultés scolaires ou professionnelles. Nous sommes aussi sollicités par des parents quand le trouble touche un adolescent. Ils ont besoin de connaissances. Ils essaient ensuite de convaincre leur enfant de venir nous rencontrer mais ce n’est pas toujours facile dans cette tranche d’âge.
Quelles sont les principales difficultés soulevées ?
En premier lieu, l’acceptation d’un diagnostic et d’un traitement très sérieux. Surtout quand le traitement est initié lors d’un épisode maniaque, avec des médicaments assez puissants et des effets indésirables souvent difficiles à supporter. D’autant plus si le trouble n’a pas encore été accepté, ce qui peut prendre une dizaine d’années chez certains. C’est le cas par exemple des adolescents et des jeunes adultes qui connaissent plusieurs hospitalisations pour des états maniaques, mais qui ont malgré tout besoin d’un accompagnement thérapeutique, d’une psychoéducation ou d’une psychothérapie, pour aller vers une prise en charge acceptée et bien menée. Ça peut prendre du temps.
Est-ce que la prise en charge des troubles bipolaires progresse ?
Oui, les troubles bipolaires sont de mieux en mieux connus, et donc de mieux en mieux traités. Il faut inciter les patients à retourner vers leur médecin référent lorsque des effets indésirables les gênent. Ils représentent un risque pour le suivi du traitement alors qu’il y a des possibilités d’agir. Même s’il faut souvent du temps pour trouver le bon traitement, et même s’il existe encore des personnes qui ne répondent pas bien aux médicaments
Info +
→ Chez les patientes en âge de procréer, la prescription initiale annuelle des dérivés du valproate est réservée aux neurologues, psychiatres et pédiatres. Un accord de soins signé entre le spécialiste et la patiente et/ou son représentant légal est présenté à chaque délivrance. Renouvellement par tout médecin dans la limite d’un an.
Avis de spé
“Les médicaments sont efficaces à long terme”
Dr Raoul Belzeaux, psychiatre coordonnateur du centre expert FondaMental dédié aux troubles bipolaires à l’hôpital Sainte-Marguerite de Marseille (13).
Les médicaments thymorégulateurs prescrits dans le trouble bipolaire sont peu nombreux mais efficaces lorsqu’ils sont correctement utilisés. Même si tous les médicaments ne sont pas efficaces pour tous les patients, il est toujours possible de trouver un traitement satisfaisant. En général, l’efficacité perdure à long terme, mais le trouble bipolaire étant une affection au long cours, il est possible que la maladie et/ou le patient évoluent et qu’un traitement perde en efficacité ou soit moins bien toléré. Certains facteurs intercurrents peuvent également aggraver la maladie. C’est par exemple le cas de la prise ou reprise de substances toxiques, qui concerne 30 à 50 % des patients, aggrave la maladie et la rend plus résistante au traitement.
Info +
→ Les patients souffrant de troubles bipolaires et traités avec du lithium retrouvent une densité de dendrites neuronales comparable à celle observée chez des personnes non malades. Les patients non traités présentent une densité dendritique inférieure. Le lithium agirait sur la plasticité cérébrale et sur la restauration de la communication entre les neurones dans laquelle sont impliquées les dendrites, parties réceptrices du neurone.
Source : Troubles bipolaires : les effets du lithium sur le cerveau, fondation FondaMental, avril 2019.
Info +
→ Après un excès de prescription dans les années 1940-1950, l’électroconvulsivothérapie (ECT) fut délaissée dans les années 1960-1970 au moment du développement des antidépresseurs et de la sortie de Vol au-dessus d’un nid de coucou, roman de Ken Kesey adapté au cinéma en 1975, qui montrait une image « barbare » des « électrochocs » de l’époque. Depuis 1980-1990, l’ECT a repris une place parmi les thérapeutiques grâce à un meilleur encadrement éthique et juridique, et surtout grâce à l’évolution de la technique utilisée.
Info +
→ Les médicaments indiqués dans les syndromes parkinsoniens induits par les neuroleptiques sont bipéridène (Akineton), trihexyphénidyle (Artane, Parkinane LP) et tropatépine (Lepticur).
Contre-indications médicales des médicaments
→ Lithium : insuffisance cardiaque.
→ Divalproate et valpromide : hépatite et antécédents d’hépatite.
→ Carbamazépine : bloc auriculoventriculaire, antécédent d’hypoplasie médullaire.
→ Olanzapine : risque connu de glaucome à angle fermé.
En cas de grossesse
→ Le valproate de sodium ne doit être utilisé que si absolue nécessité et en l’absence d’alternative.
→ Arrêter le lithium entre la quatrième et la neuvième semaine d’aménorrhée car il augmente légèrement le risque malformatif. Si cela n’a pas été possible, une surveillance échocardiographique fœtale est nécessaire. Les patientes en âge de procréer doivent recourir à une contraception efficace durant le traitement.
→ Arrêter la carbamazépine en raison de son risque tératogène.
→ N’employer les antipsychotiques au cours de la grossesse que si les bénéfices justifient les risques potentiels.
En savoir +
→ Fondation FondaMental
Le site de cette fondation est une source permanente d’information sur les troubles psychiatriques. fondation-fondamental.org
→ Argos 2001
Cette association propose un soutien aux patients et à leurs proches : groupes de parole et conférences dans les antennes locales et permanence téléphonique pour les appels à l’aide au 01 46 28 01 03. argos2001.fr
→ Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam)
Comment parler de ses difficultés à son médecin pour éviter des erreurs de diagnostic ou de traitement ? Comment aider un proche réticent à l’idée de consulter un professionnel de la santé mentale ? Le guide de l’Unafam, Apprendre à vivre avec des troubles bipolaires, donne des conseils pratiques aux patients et à leurs proches. unafam.org
En savoir +
→ Bipolaire, vraiment ?, Darian Leader, Éd. Albin Michel, avril 2014. Dans cet ouvrage, le psychanalyste britannique Darian Leader propose une autre vision des troubles bipolaires en redonnant du sens aux symptômes, en les reliant entre eux et à l’histoire personnelle du patient. Avec un ton très agréable, l’auteur aide à mieux comprendre les multiples facettes de la maladie bipolaire.
À RETENIR
SUR LA MALADIE
→ Les troubles bipolaires sont des troubles de l’humeur qui fluctuent entre une polarité dépressive et une polarité (hypo) maniaque. Différents types de troubles sont distingués selon l’intensité, la durée et la fréquence des épisodes.
→ Les épisodes maniaques vont de l’hypomanie à la manie, avec ou sans symptômes psychotiques.
→ Les épisodes mixtes sont caractérisés par la coexistence de symptômes maniaques et dépressifs.
→ C’est la pathologie psychiatrique qui conduit le plus souvent à des tentatives de suicide.
→ Chez l’adolescent, l’humeur maniaque peut se manifester par de l’irritabilité, de l’agressivité ou de la violence.
SUR SON TRAITEMENT
→ Les troubles bipolaires sont une maladie chronique dont le traitement est à vie.
→ Les interventions de type psychoéducation ou éducation thérapeutique sont quasi indispensables pour maintenir les effets thérapeutiques au long cours.
→ Les médicaments utilisés sont à effet thymorégulateur : carbonate de lithium, traitement de référence, anti-épileptiques et neuroleptiques.
→ Les antidépresseurs peuvent être prescrits à condition que le risque de réveiller la polarité maniaque soit couvert par un médicament thymorégulateur.
→ L’arrêt brutal d’un thymorégulateur expose à un risque de rechute plus sévère que les épisodes précédents.
SUR LE PATIENT
→ L’éducation thérapeutique du patient aide à accepter le diagnostic d’une maladie psychiatrique toujours difficile à entendre. Elle aide les patients et leurs proches à acquérir ou à maintenir les compétences pour conserver et améliorer leur qualité de vie malgré la maladie.
→ Le patient doit être soutenu et encouragé pour une bonne observance du traitement, particulièrement difficile à maintenir dans le trouble bipolaire.
→ Le recours à des associations ou à des groupes de parole est une aide précieuse pour le patient et son entourage.
Avec l’aimable participation du Dr Raoul Belzeaux, psychiatre coordonnateur du centre expert FondaMental dédié aux troubles bipolaires à l’hôpital Sainte-Marguerite de Marseille (13), et d’Annie Labbé, présidente de l’association Argos 2001.
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