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Les nausées chimio-induites
Le traitement des nausées chimio-induites se prépare en amont de la chimiothérapie. La connaissance des mécanismes des nausées et des vomissements permet de mettre en place des traitements de plus en plus efficaces.
Généralités
Les nausées représentent les effets secondaires les plus fréquents des chimiothérapies anticancéreuses et résultent d’un mécanisme de protection de l’organisme qui permet d’éliminer les substances potentiellement nocives et de protéger le système nerveux central.
Principe du traitement
Objectif
Le traitement a pour but d’éviter ou de minimiser les nausées ressenties comme très désagréables par le malade ainsi que les vomissements qui engendrent une perte de poids, d’autant plus que ces effets indésirables sont parfois responsables d’un manque d’adhésion à la thérapie. Il est donc impératif de mettre en place une médication avant la chimiothérapie.
Stratégie thérapeutique
Le traitement des nausées chimio-induites dépend des caractéristiques du médicament anticancéreux employé (fortement ou faiblement émétisant), des antécédents de nausées, du type de cancer et du profil du patient.
• Risque émétique faible. Lorsque le pouvoir émétisant du cytotoxique est minime, qu’il n’y a pas d’antécédent de vomissements ou que le sujet présente un risque faible, il n’y a pas de traitement antiémétique systématique. On peut aussi instaurer des protocoles conventionnels à base d’antagonistes de la dopamine et de corticoïdes.
• Risque émétique fort. À l’inverse, pour les agents cytotoxiques hautement émétisants ou chez des patients ayant des antécédents de vomissements à une précédente chimiothérapie (immédiats, retardés ou anticipés) ou présentant un échec au protocole conventionnel, on instaure un traitement antiémétique majeur composé de sétrons, de corticoïdes et d’aprépitant. La prise des médicaments débute une heure avant la cure par voie parentérale le plus souvent et se poursuit jusqu’au troisième jour d’après par voie orale. Les substances utilisées sont choisies en fonction du pouvoir émétisant. Lorsqu’il y a échec, on administre alors un traitement de sauvetage à base d’antihistaminiques H1 et de corticoïdes en perfusion.
Les médicaments
Les antagonistes de la dopamine
La dopamine libérée lors de l’administration de la chimiothérapie peut stimuler les récepteurs du centre du vomissement. On utilise donc des antagonistes de ce médiateur.
• Les dérivés des butyrophénones. La Dompéridone (Bi peridys, Motilium, Motilyo, Oroperidys, Peridys) est un antagoniste de la dopamine aux propriétés antiémétiques et ne traversant pas la barrière hémato encéphalique. Mode d’emploi : doit être administrée quelques temps avant le repas. Contre-indications : hypersensibilité à la dompéridone, tumeur hypophysaire à prolactine, situations où la stimulation gastrique est nocive (hémorragie gastro-intestinale, obstruction mécanique ou perforation). L’halopéridol (Haldol) est un neuroleptique utilisé pour ses propriétés antiémétiques. Mode d’emploi : à utiliser par voie intraveineuse ou orale. Surveillance : attention à la survenue d’un syndrome malin aux neuroleptiques (forte fièvre, rigidité musculaire, troubles de la conscience…), rare mais mortel. Contre-indications : état comateux, allaitement.
• Les dérivés des phénothiazines. La métopimazine (Vogalene, Vogalib) est un antiémétique aux propriétés neuroleptiques et anticholinergiques faibles. Mode d’emploi : chez l’enfant de moins de 15 ans, l’administration de la solution buvable se fait à l’aide d’une pipette graduée en dose poids. À partir de 15 kg, elle s’administre à l’aide d’une cuillère à café. Pour la solution injectable, la dose administrée sur 24 heures peut être répartie en plusieurs injections ou perfusions. Mise en garde : la forme gélule est réservée à l’adulte et les solutions buvables contiennent des sulfites et de l’alcool. Précautions d’emploi : pas de boissons alcoolisées pendant le traitement, attention à la conduite d’engins à cause de l’effet sédatif, attention au surdosage chez l’insuffisant rénal ou hépatique. La forme lyoc contient de l’aspartam contre-indiqué en cas de phénylcétonurie. Prévenir le risque d’hypotension en cas d’intraveineuse lente. Contre-indications : risque de glaucome à angle fermé, risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques.
• Les benzamides. Doués d’une très faible activité neurologique, leur pouvoir antiémétique est dû à leur activité stimulante de la motricité gastro-intestinale. Ils ont aussi un effet anti reflux. À des posologies élevées, mais même lors d’une administration unique, ils peuvent entraîner des effets extrapyramidaux (mouvements involontaires, spasmes de la face, torticolis) qui disparaissent à l’arrêt du traitement. Ces troubles peuvent apparaître de une à trois heures après la dernière prise. Il est donc nécessaire de respecter six heures entre les administrations. Metoclopramide (Primperan, Anausin). Mode d’emploi : la solution buvable est réservée à l’adulte et les comprimés à l’enfant de plus de 20 kg. Contre-indication : hypersensibilité au metoclopramide, situations où la stimulation de la motricité gastro-intestinale présente un danger, antécédent de dyskinésie tardive, porteurs connus de phéochromocytome et antécédents de méthémoglobinémie.
Alizapride (Plitican). Mode d’emploi : les comprimés doivent être avalés avec de l’eau. La solution injectable peut être administrée par voie intramusculaire ou intraveineuse. La dose totale sera répartie en au moins deux injections : la première trente minutes avant l’administration du cytostatique, la deuxième 4 à 8 heures après. Surveillance : il est recommandé de réduire les doses chez l’insuffisant rénal grave et de tenir compte de la teneur en sodium chez les personnes suivant un régime hyposodé.
Les sétrons
Les antagonistes des récepteurs 5HT 3, ou sétrons, s’opposent aux vomissements qu’induit la libération de sérotonine par les cellules du tube digestif qui stimule les récepteurs 5HT3 situés dans les voies digestives et au niveau du centre du vomissement.
• Ondansétron (Zophren). Mode d’emploi : les lyophilisats peuvent être administrés avec ou sans eau. La solution injectable doit être exclusivement diluée dans une solution de chlorure de sodium à 0,9 %, une solution de glucose à 5 %, une solution de mannitol à 10 %, une solution de Ringer, une solution de chlorure de potassium à 0,3 % et chlorure de sodium à 0,9 % ou une solution de chlorure de potassium à 0,3 % et glucose à 5 %. Contre-indication : allergie à un composant, phénylcétonurie pour la forme lyoc, insuffisance hépatique pour la forme suppositoire.
• Granisétron (Kytril). Mode d’emploi : réservé à l’adulte de plus de 15 ans. La première administration se fait une heure avant le début de la chimiothérapie. Le traitement ne doit pas être poursuivi pendant plus de 24 heures. Pas d’adaptation de posologie chez l’insuffisant rénal ou hépatique. Précautions d’emploi : le granisétron peut modifier la motricité colique, il faut donc surveiller les signes d’occlusion. Contre-indication : hypersensibilité au produit.
•Dolasétron (Anzemet). Mode d’emploi : réservé à l’adulte de plus de 15 ans. La première administration se fait une heure avant le début de la chimiothérapie. Le traitement ne doit pas être poursuivi pendant plus de 24 heures. Pas d’adaptation de posologie chez l’insuffisant rénal ou hépatique. Précautions d’emploi : il existe des risques d’hypersensibilité croisée avec d’autres antagonistes des récepteurs 5HT3. Contre-indications : hypersensibilité au produit. Présence de lactose dans la forme comprimé : attention si galactosémie congénitale ou malabsorption du glucose et du galactose.
• Tropisétron (Navoban). Mode d’emploi : réservé à l’adulte. Le traitement débute par l’administration de la forme injectable une heure avant le début de la chimiothérapie puis peut être administré par voie orale pendant cinq jours. Précautions d’emploi : risque d’allergie croisée. Contre-indication : hypersensibilité au produit.
Antagonistes des récepteurs de neurokinine 1
• Aprépitant (Emend). Antiémétique puissant appartenant à une nouvelle classe thérapeutique. Il empêche la substance P libérée sous l’influence du cytotoxique d’activer les récepteurs et de déclencher les vomissements. Mode d’emploi : l’administration se fait pendant ou en dehors des repas. La gélule est avalée entière. La molécule est administrée selon un protocole particulier en association à la déxaméthasone et l’ondansétron sur une période de trois jours. Le traitement débute une heure avant la chimiothérapie. Contre-indication : hypersensibilité au produit, médicament inhibiteur enzymatique.
Antihistaminique
• Hydroxyzine (Atarax). Dérivé de la pipérazine, c’est un antihistaminique antagoniste des récepteurs H1 centraux et périphériques présentant des propriétés anticholinergiques. Mode d’emploi : réservé à l’adulte. Ne pas diluer dans des solutions dont le pH est supérieur à 7. Contre-indications : administration par voie intra artérielle, risque de glaucome par fermeture de l’angle, risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques.
Anti-inflammatoires stéroïdiens
• Déxaméthasone et méthylprednisolone (Medrol). Glucocorticoïdes utilisés comme antiémétique au cours des chimiothérapies antiémétiques. Ils ont une action centrale et périphérique. Mode d’emploi : la prise débute une heure avant le début de la chimiothérapie. Contre-indications : état infectieux, virose en évolution, états psychotiques, vaccins vivants.
Autres antiémétiques
D’autres médicaments d’usage hospitalier sont utilisés pour lutter contre les nausées : la scopolamine qui agit sur le centre du vomissement et certains antisécréteurs gastro-intestinaux comme des médicaments anticholinergiques ou des analogues de la somatostatine. Pour lutter contre les nausées anticipées, on peut utiliser des anxiolytiques comme le Tranxène ou le Lexomil.
Médecines complémentaires
Actuellement, les médecins ne sont plus opposés à l’utilisation de médecines complémentaires. En effet, on peut associer un traitement médicamenteux à des techniques comme la relaxation, l’acupuncture, l’hypnose ou l’auriculothérapie. Un traitement allopathique est parfois complété par de l’homéopathie.
Homéopathie
Elle sera utilisée en fonction des caractéristiques de la nausée. Si la personne a des nausées et l’impression de mal digérer, elle prendra Nux vomica 9 CH à raison de 5 granules plusieurs fois par jour. Si elles sont provoquées par l’angoisse, elle prendra Ignatia amara 9 CH (5 granules toutes les 15 minutes). Enfin, si elles sont provoquées par le trac anticipatoire, on administrera une dose de Gelsenium 9 CH avant la chimiothérapie. Il existe une spécialité homéopathique (Cocculine comprimé ou dose) qui peut être prise avant la cure et renouveler plus tard en cas de besoin.
Bracelet anti-nausées (Sea-Band)
Son principe fait appel à un principe chinois vieux de 5 000 ans : l’acupression. Une boule exerce un massage léger sur le point Nei-kuan du poignet. Il est conseillé de le porter tout au long de la chimiothérapie.
Vie quotidienne
Suivi du traitement
• Écoute du malade. Le patient n’a pas toujours la possibilité d’exprimer librement ses craintes et de décrire ses symptômes. Or la réussite du traitement des nausées se fait en amont de la chimiothérapie. Recommander au patient de préparer une liste de questions pour sa consultation médicale. Une consultation avec un diététicien permet de dénouer beaucoup d’interrogations.
• Évaluation du traitement. Le traitement doit être absolument réévalué en cas d’échec. Si le patient se plaint au comptoir de nausées, l’écouter attentivement et l’inciter à en parler avec son médecin. Ces effets indésirables ne sont pas à prendre à la légère, car la qualité de vie du malade est tout aussi importante que l’efficacité de la chimiothérapie.
Alimentation
Le traitement ne gomme pas forcément toute sensation nauséeuse. Quelques mesures hygiénodiététiques permettent d’améliorer la tolérance aux aliments.
• Repas. Les préparations doivent être plutôt tièdes et nécessiter peu de mastication. Il faut privilégier des aliments faciles à digérer (yaourts, pommes, riz, viande maigre…) et éviter les aliments trop gras, sucrés ou épicés. Il est parfois nécessaire de manger le matin avant de se lever et de faire plusieurs petits repas dans la journée. Après les périodes de chimiothérapie, les diététiciens conseillent une modification des habitudes alimentaires en évitant les graisses animales qui favoriseraient l’apparition des cancers et en privilégiant les fruits, les légumes et les céréales.
• Boissons. Les liquides doivent être absorbés en petite quantité et on peut absorber des boissons gazeuses. La consommation d’alcool doit être proscrite pendant le traitement. En cas de dénutrition importante, il est nécessaire d’améliorer son alimentation par des compléments nutritionnels.
Activité physique
Une intense activité physique n’est pas compatible avec la pathologie et le traitement mais il est quand même nécessaire de sortir et de marcher. Une activité modérée (petit jardinage par exemple) permet de ne pas penser aux nausées.
Vie sociale
Les nausées et leurs traitements induisent une fatigue qui peut contraindre le malade à s’isoler. Ce n’est pas facile pour l’entourage qui se sent bien souvent impuissant et maladroit. Le patient a en effet besoin de se reposer par moments mais nécessite a contrario d’être parfois sollicité pour participer à la vie familiale et sociale. Le cancer est une maladie au long cours ; le risque pour le malade est de perdre son statut de parent, de conjoint, d’ami et d’être infantilisé. Par le dialogue et l’écoute, l’entourage et le patient lui-même doivent imaginer une nouvelle organisation de vie, afin de supporter l’épreuve de la maladie, les tensions et les souffrances, et afin, malgré tout, de continuer à vivre des moments de joie et de convivialité. •
Les facteurs de risque
En plus du risque émétique propre aux substances cytotoxiques, il existe des facteurs de risque liés au patient lui-même et au protocole de traitement. Les nausées sont accrues chez des femmes jeunes qui ont déjà eu des antécédents ou qui présentent facilement une cinétose, chez des patients anxieux ou chez les jeunes malades. L’alcoolisme aurait un effet protecteur. Un protocole de traitement induit plus de nausées en cas de vitesse de perfusion rapide, de chimiothérapie à fortes doses ou d’association de médicaments.
En parler avec le médecin
En pratique, force est de constater que le traitement préventif des nausées n’est pas toujours prévu lors des consultations pour la chimiothérapie cancéreuse. Au patient alors d’aborder le sujet. « Docteur, je sais que la chimiothérapie cancéreuse provoque souvent des nausées. Pouvez-vous me prescrire quelque chose pour l’éviter ? »
Le rôle des officinaux sera toujours d’inciter le patient au dialogue, afin de prévoir le traitement antinauséeux bien avant la chimiothérapie.
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