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Les lipides alimentaires

Publié le 30 octobre 2012
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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QUELS RÔLES ?

Avec les protéines et les glucides, les lipides alimentaires sont des nutriments essentiels au bon fonctionnement de l’organisme. Ils sont une source importante d’énergie dans un petit volume (9 kcal/g). Ils entrent dans la composition des structures organiques : membranes cellulaires, hormones… Et permettent le transport des vitamines liposolubles (A, D, E, K). Consommés en excès, certains peuvent devenir un facteur de risque de surpoids et de maladies cardio-vasculaires, notamment coronariennes. Dans un aliment, le gras apporte de la palatabilité, c’est-à-dire une sensation agréable lors de sa consommation ; texture, onctuosité, fondant, le gras procure du plaisir. À savoir : la masse graisseuse constitue 17 % du poids corporel chez l’homme et 27 % chez la femme.

QUELS BESOINS ?

Dans une alimentation équilibrée, les lipides doivent représenter 30 % de l’apport énergétique total, avec un maximum de 10 % sous forme d’acides gras saturés. Ainsi, pour une femme consommant environ 2 000 kcal/j, il faut 67 g de lipides (30 % de lipides = 600 kcal ; 600/9 kcal = 67 g) ; pour un homme consommant environ 2 500 kcal/j, il en faut 84 g.

QUI SONT-ILS ?

Plus de 90 % des graisses alimentaires sont présentes sous la forme de triglycérides. Les 10 % restants sont composés de phospholipides – eux-mêmes constitués d’acides gras – et, en proportion moindre, d’autres formes comme le cholestérol.

Les triglycérides

Ils sont composés d’un polyalcool, le glycérol, sur lequel se trouvent « attachés » – par estérification – trois acides gras (AG), eux-mêmes formés d’une chaîne d’atomes de carbone (voir ci-dessous). La structure de cette chaîne détermine les propriétés physiques de ces graisses. Les AG se distinguent notamment par trois points.

La longueur de la chaîne carbonée

La plupart des AG de l’alimentation comprennent de 16 à 18 carbones.

Le degré d’insaturation

Il correspond au nombre de doubles liaisons entre les atomes de carbone :

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→ les acides gras saturés (AGS) n’ont aucune double liaison. D’origine surtout animale, ils augmentent le taux de cholestérol sanguin, en particulier celui du LDL-cholestérol et, de ce fait, le risque de maladies cardio-vasculaires ;

→ les acides gras mono-insaturés (AGMI) comportent une double liaison. Leur représentant principal est l’acide oléique, majoritairement issu des huiles végétales. Consommés avec modération mais préférentiellement aux AGS, ils réduisent le taux de mauvais cholestérol (LDL-cholestérol), limitant ainsi le risque cardio-vasculaire ;

→ les acides gras poly-insaturés (AGPI) comportent plusieurs doubles liaisons et sont divisés en deux familles selon la position de la première double liaison : n-3 ou « oméga 3 » et n-6 ou « oméga 6 » :

– famille oméga 3 : l’acide alpha-linolénique, chef de file, essentiellement apporté par les huiles végétales ; ses dérivés à longue chaîne, acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA), sont d’origine marine surtout. Ces dérivés contribuent à réduire le taux sanguin de triglycérides et à maintenir constant celui de cholestérol ; ils sont protecteurs cardio-vasculaires.

– Famille oméga 6 : l’acide linoléique, essentiellement apporté par les huiles végétales, et son dérivé à longue chaîne, l’acide arachidonique, d’origine animale « terrestre » (œufs, viande). Ils auraient un effet protecteur sur le risque cardio-vasculaire en réduisant le LDL-cholestérol. En excès, ils diminueraient le bon cholestérol.

Les acides linoléique (oméga 6) et alpha-linolénique (oméga 3) sont des acides gras « essentiels » (AGE), car ils ne sont pas synthétisés par l’organisme et doivent être fournis par l’alimentation. Ils entrent dans la composition des membranes cellulaires et sont les précurseurs de composés essentiels comme les prostaglandines, impliquées dans les processus de coagulation, de cicatrisation, d’inflammation.

L’isomérisation

La structure spatiale des acides gras poly-insaturés peut prendre une forme « cis », en bateau, ou « trans », en chaise (voir dessins ci-dessous). La forme « trans », très minoritaire dans l’alimentation, peut exister à l’état naturel dans le lait et la viande des ruminants et dans les produits industriels dont les huiles ont été hydrogénées. Les « trans » sont pointés du doigt car ils élèveraient le cholestérol-LDL en abaissant le HDL, d’où leur « double » nocivité.

Les stérolsi

Définition

En chimie, un stérol est un alcool polycyclique, c’est-à-dire que la chaîne carbonée sur laquelle sont attachés les groupements alcool n’est pas linéaire, mais cyclique.

Le cholestérol

Ce stérol est essentiel dans la synthèse des membranes cellulaires, de certaines hormones et de la bile. Son origine alimentaire ne représente que 25 % du cholestérol de l’organisme, qui est majoritairement fabriqué dans le foie.

Comme il est hydrophobe, le cholestérol est véhiculé dans le sang sous forme de lipoprotéines :

→ le cholestérol-LDL (low density lipoprotein) dont l’excès augmente le risque de maladies thromboemboliques. Schématiquement, les LDL amènent le cholestérol à la périphérie (artères), où il est stocké (plaque athéromateuse) ;

→ le cholestérol HDL (high density lipoprotein) ou « bon cholestérol » qui, au contraire, a un effet protecteur. Les HDL amènent le cholestérol aux endroits où il va être utilisé.

L’alimentation n’a qu’une responsabilité partielle dans l’hypercholestérolémie.

Les phytostérols

Ce sont des stérols d’origine végétale, principalement issus de certaines huiles (maïs, tournesol). De structure proche du cholestérol animal, ils en réduiraient l’absorption intestinale. Nombre de produits industriels les intègrent (margarines, sauces, yaourts…). Leur impact sur la santé, encore mal connu, semble modéré.

OÙ LES TROUVER ?

Deux origines principales

Les graisses alimentaires sont principalement d’origine :

– animale : dans les viandes et dérivés, jaune d’œuf, poissons, produits laitiers… ;

– végétale : graines ou fruits oléagineux (maïs, tournesol, colza, noix, arachide…), fruits frais (olive, avocat…) et leurs huiles.

Visibles ou cachées

Les graisses dites « visibles » sont celles que l’on ajoute aux plats : huile, beurre, crème… Les « cachées » sont les graisses ajoutées lors de la préparation de nombreux produits : viennoiseries, charcuteries, glaces, plats cuisinés… Les « cachées » représenteraient environ 70 % des graisses consommées, d’où l’importance de lire les étiquettes (voir encadré ci-dessous).

Sources de graisses alimentaires

Les aliments contiennent souvent plusieurs types de lipides. Lorsque l’un d’entre eux est dominant, il définit les sources alimentaires correspondantes par type de graisse.

→ Graisses saturées : beurre, fromage, viande, laitages entiers, charcuteries, pâtisseries, lard, jus et gras de cuisson, margarines, huiles de palme et de noix de coco.

→ Mono-insaturées : olive, colza, noix (pistaches, amandes, noisettes…), arachides, avocat, et leurs huiles.

→ Poly-insaturées oméga 3 : saumon, maquereau, hareng, truite, noix, colza, soja, graine de lin et leurs huiles.

→ Poly-insaturées oméga 6 : graines de tournesol, de sésame, germes de blé, noix, soja, maïs, certaines margarines.

→ AG trans : certaines graisses de friture et de cuisson utilisées dans les biscuits, les pâtisseries, les produits laitiers, la graisse de bœuf et de mouton.

→ Sources principales de cholestérol : jaune d’œuf, beurre, abats, charcuteries, laitages entiers.

INFO + : quand on chauffe certaines huiles fortement, les acides gras poly-insaturés peuvent se « saturer »; celles riches en AGMI sont plus stables à la cuisson. Retrouvez le profil en acide gras des aliments sur www.anses.fr/TableCIQUAL

LESQUELS CONSOMMER ?

Les Français consomment trop de graisses, notamment saturées. Pour réduire le risque cardio-vasculaire et de surpoids, le Programme national de nutrition santé (PNNS) émet des recommandations pour les besoins nutritionnels moyens d’un adulte (voir ci-dessous).

Réduire les apports lipidiques

Passer à 36 % des apports énergétiques journaliers, contre plus de 39 % actuellement. À faire : limiter les aliments les plus gras, charcuteries, fritures, viennoiseries, crème, beurre, gâteaux salés… Restreindre à environ deux cuillères à soupe par jour les matières grasses ajoutées.

Rééquilibrer le rapport des AG

Réduire les apports d’acides gras saturés au profit des insaturés ; équilibrer le rapport oméga 6/oméga 3 en accroissant les apports d’oméga 3 et atteindre un minimum d’acides gras poly-insaturés à longue chaîne (400 mg/jour.) Dans l’idéal, le rapport doit tendre vers 5 (supérieur à 10 actuellement). En pratique : restreindre les graisses animales (charcuteries, beurre, crème, pâtisseries…), au profit des huiles végétales. Consommer plus de poisson et privilégier les matières grasses d’accompagnement riches en oméga 3 : colza, soja, noix. Alterner les huiles végétales : huile d’olive pour assaisonner et colza ou huile de noix, riches en oméga 3, pour la cuisson. Utiliser ponctuellement l’huile de tournesol ou de pépin de raisin pour les oméga 6.

Limiter les « trans »

Limiter les apports en acides gras « trans » totaux à moins de 2 % de l’apport énergétique total. En pratique, réduire les aliments d’origine « technologique » : viennoiseries, pâtisseries, pains industriels…

Sources : Notions de base, les graisses, European Food Information Council (www.eufic.org) ; La santé vient en mangeant » (PNNS) ; 51 ordonnances alimentaires, Dr Laurent Chevallier, Ed. Masson ; Petit précis de nutrition, Nicole Baudat, Ed. Lamarre.

Décrypter les étiquettes

1. La teneur en graisse. Un plat comportant plus de 10 % de lipides ou 10 g de graisses pour 100 g de produit est considéré comme gras.

2. La présence d’acides gras trans. Ils « se cachent » généralement sous la dénomination « huiles ou graisses partiellement hydrogénées ».

3. Les allégations nutritionnelles d’un aliment :

→ « Sans matière grasse » : moins de 0,5 g de lipides pour 100 g ou 100 ml de produit (très peu gras) ;

→ « Allégé en matières grasses » : au minimum 30 % de matières grasses en moins qu’un produit similaire ;

→ « Pauvre en matières grasses » : pas plus de 3 g de lipides pour 100 g ou 1,5 g pour 100 ml de produit.

→ « Source d’oméga 3 » : teneur en acide alpha-linolénique supérieure ou égale à 0,3 g pour 100 g, 100 ml ou 100 kcal ou teneur en acide docosahexaénoïque supérieure ou égale à 0,018 g pour 100 g, 100 ml ou 100 kcal ;

→ « Riche en oméga 3 » : il contient deux fois ou plus les valeurs définies pour « source de ».

Source : Étiquetage nutritionnel, mode d’emploi, www.mangerbouger.fr

Mono ou poly, à chacun son intérêt

→ Plus une matière grasse contient d’acides gras saturés, plus elle est solide à température ambiante.

→ Les acides gras trans utilisés dans l’alimentation industrielle permettent de stabiliser un produit et d’accroître sa durée de conservation.