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Les infections Urinaires
Fréquentes, les infections urinaires peuvent être localisées dans la vessie ou les reins. Leur prise en charge diffère selon s’il s’agit d’une cystite ou d’une pyélonéphrite, et les facteurs de risque de complications, comme la grossesse.
La maladie
Définition
• On distingue les infections urinaires simples des infections urinaires à risque de complications liées à la présence d’au moins un facteur risquant de rendre l’infection plus grave et/ou difficile à traiter
Ces facteurs sont :
→ le sexe masculin ;
→ une grossesse ;
→ des anomalies de l’arbre urinaire : reflux vésical, lithiase, tumeur, acte urologique récent type sondage… ;
→ un âge supérieur à 65 ans, avec au moins trois critères de fragilité : perte de poids au cours de la dernière année, marche lente, faiblesse/fatigue, activité physique réduite ;
→ un âge supérieur à 75 ans ;
→ une immunodépression grave : prise d’immunomodulateurs, cirrhose, transplantation… ;
→ une insuffisance rénale chronique sévère (clairance < 30 ml/minute).
• Une infection urinaire simple survient par définition chez une femme en bonne santé, hors grossesse.
• Un diabète n’est pas un facteur de risque de complication même s’il augmente le risque d’infection urinaire.
• La colonisation urinaire, anciennement nommée bactériurie asymptomatique, décrit la présence de micro-organismes dans les urines sans signes cliniques associés.
Elle évolue très rarement vers une infection et il n’y a pas lieu de la traiter, sauf chez la femme enceinte.
• Une cystite est une infection urinaire localisée dans la vessie.
• Une pyélonéphrite est une infection urinaire localisée dans les reins.
Physiopathologie
Rappels de physiologie
• L’urine, formée au niveau des reins, chemine, via les uretères, vers la vessie où elle est stockée, avant d’être évacuée par l’urètre.
• L’urètre de la femme est plus court que celui de l’homme chez qui il traverse la prostate. À ce niveau, s’y abouchent les canaux éjaculateurs qui transportent le sperme.
• L’arbre urinaire est normalement stérile, à l’exception des derniers centimètres de l’urètre distal colonisés par les microbiotes digestif (entérobactéries…), cutané et génital, avec les lactobacilles notamment chez la femme. Plusieurs mécanismes de défense limitent la prolifération de pathogènes, notamment : une diurèse suffisante, des vidanges régulières et complètes de la vessie, la présence d’inhibiteurs de l’adhésion bactérienne sécrétés par le rein, les sécrétions prostatiques aux propriétés antibactériennes, le microbiote vaginal (voir L’avis du spé p. 37).
Voie d’entrée des pathogènes
• Les infections urinaires communautaires (voir Info+ p. 36) sont essentiellement des infections ascendantes par voie urétrale. Les bactéries proviennent de la flore intestinale, adhèrent aux cellules de la muqueuse urétrale puis de la vessie où leur prolifération est à l’origine d’une cystite.
• La pyélonéphrite est liée à l’atteinte des voies urinaires hautes, via les uretères, et du parenchyme rénal par des germes à la virulence particulière.
• Escherichia coli est la bactérie le plus souvent retrouvée, toutes formes cliniques confondues. Viennent ensuite d’autres entérobactéries. Staphylococcus saprophyticus, responsable de cystites, est retrouvé chez la femme jeune, le plus souvent entre 15 et 30 ans.
Facteurs de risque
Chez la femme
• La proximité du méat urétral avec le rectum et un urètre court expliquent une fréquence des infections urinaires plus importante que chez l’homme.
• D’autres facteurs interviennent :
→ les rapports sexuels favorisent la remontée des germes dans l’urètre. « Une prédisposition anatomique, avec une distance courte entre le méat urinaire et le vagin, pourrait être un facteur prédisposant également », précise le Pr Desgrandchamps, chirurgien urologue, chef du service d’urologie de l’hôpital Saint-Louis à Paris (75) ;
→ la grossesse : en raison des modifications hormonales, la dilatation physiologique des voies urinaires et la compression des uretères par l’utérus ;
→ la ménopause : la baisse des estrogènes, et donc des lactobacilles, limite la prolifération des bactéries intestinales. Celles-ci progressent ensuite de l’entrée du vagin vers le méat urétral.
Chez l’homme
Avec l’âge, l’hypertrophie prostatique et la diminution des sécrétions acides prostatiques, naturellement bactéricides, augmentent le risque d’infection. De plus, il existe un risque d’atteinte de la prostate à la suite d’un reflux d’urine dans les canaux prostatiques.
Chez les deux sexes
Glycosurie (sucre dans les urines), immunodépression, anomalies organiques ou fonctionnelles du tractus urinaire favorisent les infections.
Signes cliniques
Cystites
Une cystite est une infection urinaire localisée dans la vessie. Elle se manifeste par des signes urinaires plus ou moins associés entre eux : une pollakiurie (mictions fréquentes), des douleurs ou brûlures mictionnelles et mictions impérieuses (pressantes). La présence de sang n’est pas un critère de gravité. Les symptômes ne comprennent ni fièvre ni douleurs lombaires.
Pyélonéphrites
En plus des signes de cystite qui peuvent être discrets, fièvre, frissons et/ou douleurs lombaires typiquement unilatérales irradiant vers les organes génitaux externes, spontanées ou provoquées par la palpation sont présents. Nausées et vomissements sont possibles.
Chez l’homme
Les signes cliniques sont très variables, allant de formes peu symptomatiques à de la fièvre élevée et une rétention d’urine. On considère que la cystite n’existe pas chez l’homme et que l’atteinte de la prostate à l’origine d’une prostatite est toujours à craindre ; la prise en charge en tient systématiquement compte.
Diagnostic
Cystite simple
• La présence de signes urinaires conduit à rechercher l’infection à l’aide d’une bandelette urinaire (voir encadré ci-dessous). Une bandelette positive, sans signes gynécologiques tels que pertes vaginales, prurit…, pose le diagnostic d’une cystite simple.
• Les cystites récidivantes sont définies par la survenue d’au moins 4 épisodes en l’espace de 12 mois consécutifs. Au cours des premiers épisodes de récidives, un examen cytobactériologique des urines (ECBU) est recommandé pour adapter le traitement antibiotique.
Autres situations
• La bandelette urinaire n’est qu’une aide au diagnostic et doit être complétée d’un ECBU avec antibiogramme.
• Des examens sont discutés en cas de pyélonéphrite à risque de complications, d’infection masculine ou de cystites récidivantes ou à risque de complications : uroscanner, échographie des voies urinaires, voire mesure du résidu post-mictionnel, débitmétrie urinaire (voir Dico+ ci-contre), cystographie rétrograde (radio de la vessie après introduction d’un produit de contraste dans l’urètre).
Complications
Selon l’infection
« Une cystite simple guérit spontanément une fois sur deux sous réserve de boire beaucoup. Le risque d’évolution vers une pyélonéphrite est rare », constate le Pr Desgrandchamps. Une cystite à risque de complications peut évoluer plus fréquemment vers une pyélonéphrite ou récidiver.
La pyélonéphrite constitue une urgence car elle peut évoluer vers une septicémie voire un choc septique, qui peut être fatal en quelques heures, en raison du risque de blocage du rein par un caillot sanguin.
Selon le patient
20 à 40 % des colonisations urinaires évoluent vers une pyélonéphrite aux conséquences potentiellement graves : fausse couche, retard de croissance intra-utérin, accouchement prématuré.
En population générale, un dépistage chaque mois par bandelette urinaire est recommandé dès le quatrième mois de grossesse et, en cas de positivité, un ECBU est réalisé. Chez les femmes enceintes à haut risque d’infections urinaires, par exemple avec uropathie sous-jacente, antécédents de cystites récidivantes…, le dépistage se fait d’emblée par ECBU.
Une prostatite peut évoluer vers une rétention aiguë d’urines, un choc septique ou un abcès prostatique.
Son traitement
Objectifs
L’objectif est la guérison de l’infection via l’antibiothérapie, pour prévenir des complications, et soulager la douleur.
Des recommandations d’hygiène ou de bon sens limitent les récidives si les infections sont fréquentes.
Stratégie thérapeutique
Généralités
• Le paracétamol est l’antalgique antipyrétique de première intention pour soulager la douleur ou la fièvre. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), susceptibles d’aggraver l’infection, ne sont pas recommandés.
• Le choix de l’antibiothérapie est fonction des germes en cause et prend en compte l’émergence d’entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi ou étendu (BLSE, voir Dico+, page ci-contre) et la gravité de l’infection.
Cystite simple
• La fosfomycine est recommandée en première intention après confirmation de l’infection par bandelette urinaire. Le pivmécillinam est recommandé sur trois jours en alternative.
• Un ECBU est nécessaire en cas de persistance ou d’aggravation des symptômes après trois jours ou de récidive précoce dans les deux semaines afin d’adapter dans ce cas l’antibiothérapie aux résultats de l’antibiogramme.
Cystite à risque de complications
• Un ECBU doit être réalisé et l’antibiotique doit être adapté aux résultats de l’antibiogramme, si possible en privilégiant, par ordre de préférence, les molécules suivantes : amoxicilline, pivmécillinam, nitrofurantoïne.
• Si l’antibiothérapie ne peut être différée en raison de signes cliniques très gênants, la nitrofurantoïne ou, en deuxième intention, la fosfomycine, sont recommandées.
Cystites récidivantes
• En cas d’épisodes peu fréquents, c’est-à-dire moins d’un par mois, le traitement est identique à celui d’une cystite simple avec fosfomycine ou pivmécillinam, et peut être « autodéclenché » par la patiente en cas de prescription anticipée de l’antibiotique. En complément, des mesures hygiéno-diététiques sont préconisées : apports hydriques suffisants, régulation du transit… La prise de canneberge apportant au moins 36 mg par jour de proanthocyanidines de type A ou PAC A (voir Dico+ ci-contre) peut également être recommandée. Chez la femme ménopausée, la correction locale de la carence estrogénique peut être indiquée avec Trophigil, Florgynal…
• Si les récidives sont fréquentes, c’est-à-dire au moins une par mois, une antibioprophylaxie sur 6 mois peut être indiquée en se basant sur les résultats de l’ECBU : fosfomycine ou triméthoprime en première intention, cotrimoxazole en deuxième. En cas de cystite post-coïtale, ces mêmes antibiotiques se prennent dans les deux heures avant ou suivant le rapport sexuel.
Pyélonéphrites
• En cas de pyélonéphrite simple, une antibiothérapie probabiliste est instaurée dès l’ECBU réalisé en privilégiant fluoroquinolone, ciprofloxacine ou lévofloxacine, en l’absence d’exposition à la classe dans les six mois précédents. La ceftriaxone, céphalosporine de troisième génération injectable, est une alternative. L’antibiothérapie de relais est adaptée aux résultats de l’antibiogramme en préférant une molécule à spectre étroit pour limiter le risque de résistance bactérienne : amoxicilline, cotrimoxazole, amoxicilline-acide clavulanique notamment. La durée de traitement est de 7 jours sous fluoroquinolone, 10 jours dans les autres cas.
• En cas de pyélonéphrite à risque de complications, la prise en charge est similaire mais la durée du traitement est d’au moins 10 jours. Des formes hyperalgiques ou des vomissements, rendant impossible la voie orale, peuvent nécessiter une hospitalisation.
Chez la femme enceinte
• Colonisation urinaire. L’antibiotique sur 7 jours est adapté aux résultats de l’antibiogramme en choisissant, par ordre de préférence : amoxicilline, pivmécillinam, fosfomycine, triméthoprime ou, en dernière intention, nitrofurantoïne, cotrimoxazole ou amoxicilline/acide clavulanique.
• Cystite. L’antibiothérapie probabiliste s’impose et repose sur la fosfomycine monodose ou le pivmécillinam en deuxième intention. Elle est ensuite adaptée aux résultats de l’antibiogramme si besoin pour une durée de 7 jours.
• Pyélonéphrite. L’ECBU est réalisé en urgence et l’hospitalisation initiale est recommandée. L’antibiothérapie probabiliste inclut la ceftriaxone ou la ciprofloxacine pour 10 jours.
Chez l’homme
Dans les formes peu symptomatiques, l’antibiothérapie est différée et adaptée aux résultats de l’antibiogramme. Dans les autres cas, les fluoroquinolones sont les molécules de référence en traitement probabiliste en raison de leur bonne diffusion prostatique. La durée recommandée du traitement est de 14 jours minimum.
Suivi
• Une réévaluation du traitement est, dans tous les cas, nécessaire en cas d’évolution défavorable ou de fièvre persistante après 3 jours.
• Chez la femme enceinte, un ECBU de contrôle est réalisé 8 à 10 jours après la fin du traitement antibiotique, quelle que soit son indication (colonisation urinaire, cystite, pyélonéphrite), puis chaque mois jusqu’à l’accouchement.
Médicaments
Fosfomycine
• Mode d’action : active sur Escherichia coli, productrice de BLSE, mais pas sur Staphylococcus saprophyticus, elle inhibe une enzyme impliquée dans la synthèse du peptidoglycane, un constituant de la paroi bactérienne. La molécule est éliminée sous forme active dans les urines où elle persiste 48 heures.
• Effets indésirables : essentiellement des troubles digestifs, dont des diarrhées, transitoires ; éruptions cutanées possibles.
Pivmécillinam
• Mode d’action : apparenté aux bêtalactamines, le pivmécillinam se fixe aux protéines de liaison à la pénicilline (PLP) et bloque la synthèse du peptidoglycane. Il est actif sur des entérobactéries productrices de BLSE, peu sur Staphylococcus saprophyticus.
• Effets indésirables : nausées, diarrhées ; moins fréquemment candidoses, éruptions cutanées. Des ulcérations œsophagiennes sont décrites.
Nitrofurantoïne
• Mode d’action : active sur Staphylococcus saprophyticus, elle provoque des coupures et des lésions de l’ADN bactérien.
• Effets indésirables : principalement troubles gastro-intestinaux ; rares mais graves, des hépatites et des pneumopathies sont rapportées lors de traitements prolongés ou répétés. De fait, le traitement est limité à 7 jours.
Triméthoprime
• Mode d’action : il inhibe la dihydrofolateréductase assurant la réduction de l’acide dihydrofolique en forme active impliquée dans la synthèse des bases puriques Son association au sulfaméthoxazole dans Bactrim, un sulfamide antibactérien, renforce cette action.
• Effets indésirables : troubles digestifs essentiellement. Plus rarement, troubles cutanés dont prurit, urticaire… Certains sont graves, tels les toxidermies bulleuses et les troubles hématologiques et oculaires.
Risque de photosensibilisation jusqu’à 2 à 3 jours après la fin du traitement. L’association au sulfamide expose à des troubles rénaux (cristalluries…) et augmente le risque de troubles cutanés et hématologiques.
Fluoroquinolones
• Mode d’action : elles inhibent des topoisomérases, enzymes indispensables à l’élongation de l’ADN bactérien.
• Effets indésirables : les plus fréquents sont des troubles digestifs. Rares mais graves et potentiellement irréversibles, à risque d’apparition dès les premières 48 heures et jusqu’à plusieurs mois après l’arrêt du traitement : tendinopathies, notamment au tendon d’Achille pouvant aller jusqu’à la rupture, le risque étant accru par les corticoïdes systémiques, l’âge, une atteinte rénale, une activité sportive intense, la reprise de la marche après alitement prolongé ; troubles cardiaques avec allongement de l’intervalle QT, valvulopathies, anévrisme et dissection aortique notamment chez les personnes âgées ou en présence de facteurs de risque (antécédents familiaux d’anévrisme, maladies préexistantes des valves cardiaques…) ; neuropathies périphériques, photosensibilisation et troubles de la vision, du goût, de l’audition, céphalées, vertiges, pensées suicidaires… Risque de diminution du seuil épileptogène et troubles de la glycémie.
Les conseils aux patients
Observance
Modalités de prise
• Respecter la durée de l’antibiothérapie pour assurer la guérison et éviter une récidive. Rappeler le risque d’émergence de résistances bactériennes si le traitement est mal suivi, compliquant la prise en charge. Chez l’homme, les antibiotiques sont prescrits au moins pour 14 jours.
• Recommander la prise de fosfomycine à jeun, après vidange de la vessie pour une meilleure efficacité. Les symptômes peuvent mettre 2 à 3 jours à s’estomper. Insister sur la prise d’un grand verre d’eau sans s’allonger ensuite avec le pivmecillinam pour éviter des ulcérations œsophagiennes. Sous fluoroquinolones, décaler les prises avec les sels de fer, zinc ou magnésium. Sous nitrofurantoïne, la durée du traitement ne doit jamais dépasser 7 jours.
• Quel que soit l’antibiotique, la persistance des signes urinaires ou de la fièvre après 72 heures impose un avis médical.
Effets indésirables
• Photosensibilisation. Sous fluoroquinolones et triméthoprime, éviter l’exposition solaire jusqu’à 2 à 3 jours après leur arrêt ou prévoir une photoprotection adéquate.
• Signes d’alerte. Un avis médical s’impose en urgence devant certains effets indésirables. Sous nitrofurantoïne : toux, gêne respiratoire, nausées, ictère, démangeaisons ou hypersensibilité (urticaire…). Sous fluoroquinolones : douleurs articulaires ou faiblesses musculaires, palpitations, paresthésies, troubles neuropsychiatriques avec confusion, troubles de la vue, de l’audition… Sous triméthoprime, et surtout cotrimoxazole : fièvre associée à une éruption cutanée faisant suspecter une nécrolyse épidermique.
Automédication
• En attendant un avis médical, ne pas prendre d’AINS, susceptibles d’aggraver l’infection en cas de fièvre ou de douleur.
• En cas de prescription anticipée d’antibiotique lorsque les cystites tendent à récidiver, il faut s’assurer du diagnostic par réalisation d’une bandelette urinaire avant de débuter le traitement (voir encadré p. 36). Si la bandelette est négative, un avis médical s’impose pour rechercher un autre diagnostic.
Vie quotidienne
Signes d’alerte
Fièvre ou douleurs lombaires associées à des signes urinaires chez la femme, ou tout signe urinaire chez l’homme, la femme enceinte ou l’enfant nécessitent une consultation médicale rapide, aux urgences hospitalières si besoin.
En cas de signes d’infection
• Une hydratation suffisante est recommandée, environ 1,5 à 2 litres par jour, pour assurer des mictions régulières, 5 à 6 par jour, qui aident à chasser les germes.
• La canneberge, globalement bien tolérée, peut être essayée en cas de signes de cystite et en attendant un avis médical, mais sans preuve d’efficacité en curatif (voir ci-dessous). Il en est de même pour les plantes et huiles essentielles telles que bruyère, busserole, sarriette… souvent associées à la canneberge, dont l’indication ne repose que sur un usage traditionnel. L’apparition de fièvre ou l’absence d’amélioration après 48 heures imposent un avis médical.
• Les effets du D-mannose, en prévention et en traitement, sont incertains
Prévention des récidives
Plusieurs facteurs entrent en jeu en cas de cystites récidivantes, sur lesquels il est possible d’agir (voir L’avis du spé p. 37).
• Hydratation. Elle reste essentielle pour assurer des vidanges régulières de la vessie. « Il est important d’expliquer également d’uriner assis pour pouvoir vider complètement la vessie », recommande le Pr Desgrandchamps. Prévoir, lorsqu’on n’est pas chez soi, des lingettes désinfectantes pour les surfaces en cas de propreté douteuse des toilettes.
• Transit. Corriger toute diarrhée ou constipation. « En cas de constipation, la stagnation des selles au niveau du rectum favorise la pullulation microbienne », précise le Pr Desgrandchamps. Des laxatifs doux, tels macrogol ou laxatifs de lest type ispaghul, peuvent aider à corriger un transit trop lent. Parallèlement, bien rappeler d’enrichir son alimentation en fibres : légumes verts, céréales complètes, légumineuses…
• Hygiène intime. Apprendre aux petites filles à s’essuyer d’avant vers l’arrière. Rappeler l’importance d’une toilette intime douce en proscrivant les douches vaginales et les savons antiseptiques qui détruisent la flore vaginale. Éviter les vêtements serrés ou synthétiques qui favorisent la transpiration, les irritations et la prolifération microbienne.
• Microbiote vaginal. Outre la prescription d’estrogènes locaux chez la femme ménopausée, ou le changement de contraception hormonale (voir L’avis du spé p. 37), la prise de probiotiques peut être essayée, par voie orale avec Ergyphilus fem, Femibion Flore intime, Physioflore Flore intime…, ou voie vaginale : Gynophilus LP, Médigyne…
• En cas de cystites post-coïtales. Uriner juste après les rapports est recommandé.
• La canneberge, ou cranberry (Vaccinium macrocarpon), est citée dans les fiches Mémo de la Haute autorité de santé (HAS) en prévention des cystites récidivantes à E. coli à la dose d’au moins 36 mg par jour de PAC A. Elle bloque les pili qui permettent à la bactérie d’adhérer à la muqueuse. « Il faut, dans tous les cas, préconiser 2 prises matin et soir car l’action inhibitrice des bactéries est limitée à 12 heures », précise l’expert.
• Une publication récente
(1) Recommandations pour la prise en charge des infections urinaires communautaires de l’adulte, SPILF 2017.
(2) D mannose for preventing and treating urinary tract infections. Cochrane Database of Syst Rev 2022.
(3) Cranberry for preventing urinary tract infections. Cochrane Database of Syst Rev 2023.
Avec la collaboration du Pr François Desgranchamps, urologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris, et du Pr Aurélien Dinh, infectiologue.
Info +
→ Les infections urinaires communautaires surviennent en dehors d’une structure de soins, par opposition aux infections nosocomiales, contractée au cours d’une hospitalisation ou directement liée aux soins.
Dico +
→ Débitmétrie urinaire : elle mesure la quantité d’urine excrétée et le temps mis pour l’excréter et peut ainsi détecter un obstacle à l’émission d’urine, tel un rétrécissement de l’urètre…
Interprétation d’une bandelette urinaire
Une bandelette urinaire (Autotest Biosynex, Medisur, MyTest…) détecte les leucocytes, témoins de l’inflammation, et les nitrites provenant de la transformation des nitrates alimentaires par les bactéries. Néanmoins, certaines bactéries, dont Staphylococcus saprophyticus, ne produisent pas de nitrites.
→ Le test est négatif si les 2 paramètres sont négatifs.
→ Il est positif si l’un des deux est positif.
En cas de suspicion de cystite simple chez la femme, un résultat négatif fait rechercher un autre diagnostic.
Chez l’homme, un résultat négatif n’exclut pas une infection urinaire.
Interview “En cas de cystite, faire systématiquement une bandelette urinaire avant de prendre un antibiotique”
Pr François Desgrandchamps, chirurgien urologue, chef du service d’urologie de l’hôpital Saint-Louis, à Paris (75).
Peut-on venir à bout des cystites récidivantes ?
Oui, et le mieux est de se passer de traitements antibiotiques agressifs au long cours qui détruisent la flore vaginale. Celle-ci s’oppose à la multiplication de pathogènes provenant de la flore intestinale et constitue l’une des principales barrières de défense des infections urinaires chez la femme. Il faut dans tous les cas agir sur plusieurs mécanismes simultanément : assurer une diurèse suffisante associée éventuellement à la prise de canneberge, s’opposer à la pullulation périanale en régulant le transit si besoin, rappeler des principes simples d’hygiène, comme s’essuyer d’avant vers l’arrière, et veiller à rééquilibrer le microbiote vaginal. Les estrogènes locaux sont efficaces chez la femme ménopausée car ils favorisent la colonisation par les lactobacilles qui restaurent les défenses locales. Chez la femme jeune, il peut être proposé de changer de contraception hormonale de façon à augmenter l’imprégnation estrogénique. Quant aux cystites post-coïtales, le problème finit en général par s’arranger. Sinon, on propose la section des brides hyménéales
* sous anesthésie, en hospitalisation d’une journée.Qu’est-ce qu’une cystite interstitielle ?
C’est une cystite non infectieuse liée à une diminution de l’étanchéité de la vessie ; l’urine pénètre dans la paroi vésicale et provoque de fortes douleurs. À la différence d’une cystite infectieuse, les douleurs sont situées plutôt audessus du pubis et sont soulagées par la miction et non aggravées par celle-ci. Ces cystites peuvent être liées à des antécédents de cystites infectieuses récidivantes qui finissent par altérer la paroi vésicale. L’antibiothérapie sera alors inefficace, d’où l’intérêt d’avoir recours à une bandelette urinaire avant de prendre un antibiotique. La prise en charge relève de l’urologue ; la dilatation de la vessie sous endoscopie permet d’en réaliser le diagnostic et le traitement. Le geste est efficace une fois sur deux. Sinon, on a recours à l’Elmiron
** .*Restes de l’hymen déchiré. Dans les cystites postcoïtales récidivantes, la persistance de brides hyménéales entraînant l’ouverture de l’urètre lors des rapports sexuels est un facteur favorisant l’ascension de bactéries uropathogènes.
**NDLR : polysulfate de pentosan sodique, 100 mg 3 fois par jour réévalué après 6 mois. Éliminé dans les urines, il exerce une action locale anti-inflammatoire. Ce glycosaminoglycane de type héparine semi-synthétique aux propriétés anticoagulante, fibrinolytique et antiinflammatoire agirait par un effet local dans la vessie par liaison des glycosaminoglycanes à la muqueuse vésicale et par un effet anti-inflammatoire (Avis HAS, 2018).
Info +
→ Chez une femme enceinte, une colonisation urinaire liée au streptocoque du groupe B reflète un portage vaginal. En plus de son traitement, il implique de réaliser en per-partum une prévention de l’infection néonatale à cette bactérie par antibiothérapie intraveineuse au début du travail.
Info +
→ Rarement, une pyélonéphrite peut être d’origine hématogène et survenir à la suite d’une septicémie.
Principales contre-indications
→ Nitrofurantoïne : insuffisance rénale (débit de filtration glomérulaire < 45 ml/min.), déficit en glucose-6-phosphatedéshydrogénase (G6PD), traitement prolongé (> 7 jours). Grossesse : à éviter avant 10 semaines d’aménorrhée.
→ Triméthoprime : insuffisance rénale ou hépatique sévère, anémie macrocytaire, deux premiers mois de la grossesse (sans alternative possible, préférer une supplémentation maternelle en acide folique).
→ Fluoroquinolones : patients épileptiques, sauf ciprofloxacine, à utiliser avec prudence, antécédent de tendinopathies lié à la prise d’une quinolone.
Dico +
→ Bêtalactamases à spectre élargi ou étendu (BLSE) : enzymes bactériennes à l’origine d’une résistance de haut niveau aux pénicillines et céphalosporines.
→ Proanthocyanidines de type A (PAC A) : composants antioxydants responsables de l’inhibition de l’adhérence d’E. coli à la muqueuse vésicale.
Info +
→ Des cystites récidivantes en présence de facteurs de risque de complications relèvent d’une prise en charge pluridisciplinaire.
Chez l’enfant
→ Chez le nourrisson, une infection urinaire doit être évoquée devant toute fièvre sans autre foyer infectieux évident, ou devant des signes atypiques : altération de l’état général, troubles digestifs. L’hospitalisation est impérative avant 3 mois. Une pyélonéphrite fait notamment rechercher une malformation des voies urinaires tel un reflux vésico-urétéral. Les cystites concernent surtout les petites filles de plus de 3 ans.
→ Une bandelette urinaire positive conduit à la réalisation d’un ECBU, en urgence chez le nourrisson. Le prélèvement via une poche à changer toutes les vingt minutes est à éviter car peu fiable. Il peut se faire sur les urines du mi-jet, dans un récipient stérile, après un temps d’attente – les nourrissons urinant toutes les 20 à 30 minutes.
→ Le traitement probabiliste repose notamment sur la ceftriaxone en cas de pyélonéphrite. En cas de cystite, on a recours à l’association amoxicilline-acide clavulanique, au céfixime ou au cotrimoxazole.
Info +
→ L’ofloxacine n’est recommandée dans les pyélonéphrites qu’en traitement de relais après documentation bactériologique. La norfloxacine, du fait d’une moindre biodisponibilité, n’est pas retenue dans les recommandations.
→ Chez une femme enceinte, si l’ECBU met en évidence un Streptocoque B, reflet d’une forte colonisation vaginale, une antibiothérapie perpartum commencée en début de travail est indiquée pour éviter une infection néonatale bactérienne précoce.
En savoir +
→ Haute autorité de santé (HAS) Les fiches Mémo sur le choix et la durée de l’antibiothérapie dans les infections urinaires féminines.
has-sante.fr
→ Association française d’urologie (AFU) Les recommandations sur les infections urinaires actualisées en 2017.
urofrance.org
→ Association française de la cystite interstitielle
asso-afci.org
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